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20 de junho de 2018



Quel plan de sortie de l’euro pour l’Italie?

Publié le 08/06/2018
L’actualité remet sur le devant de la scène le problème de la sortie de l’euro de l’Italie. SI les bienfaits d’une telle sortie, notamment en termes de possibilité de faire baisser le taux de change de la nouvelle monnaie et ainsi de stimuler la croissance, sont clairement identifiés[1][2], il faut se poser la question de la mise en place concrète de ce projet.
Les mini BOTS en question
Des économistes proches du nouveau gouvernement italien ont parlé de mettre en circulation comme une monnaie les bons du trésor italien.[3] Ainsi une nouvelle monnaie existerait en parallèle de l’euro et serait directement placée sous le contrôle du Trésor italien, ce qui pourrait éventuellement servir à remplacer l’euro si la BCE décide de couper l’alimentation en euro des banques italiennes.
Cependant, comme l’a montré Jacques Sapir, l’existence de cette monnaie parallèle, quand bien même elle serait reconnue par l’Etat, ne garantirait pas qu’elle puisse se substituer à l’euro, car pour cela il faudrait qu’elle circule dans l’économie italienne, ce qui est la caractéristique et la fonction d’une monnaie. Les mini BOTS, s’ils étaient mis en place, fonctionneraient en effet comme une nouvelle monnaie, mais sur un plan différent de l’euro, car ils ne seraient rien d’autre que des promesses d’euros, sur le modèle des actifs financiers qui sont tous des promesses de paiement. Mais tout comme les actifs financiers ne circulent bien qu’en période de confiance, et tendent à disparaître en période de turbulence et de crise, ces mini BOTS auraient certainement du mal à s’imposer par eux-mêmes comme une monnaie utilisée par tous. De plus dans leur essence, ils ne se substitueraient pas à l’euro puisqu’ils seraient en fait des promesses d’euro. Paradoxalement, Ils auraient donc en fait besoin de l’euro pour fonctionner, et c’est là une faiblesse en cas de coupure brutale de l’alimentation en euros par la BCE. Ils fonctionneraient un peu à l’image des billets au temps de l’étalon-or, au long du 18e et du 19e siècle, quand les billets étaient en fait la matérialisation de promesses de paiement en monnaie métallique réellement existante dans les banques. Ces billets étaient en fait des promesses de paiement en monnaie métallique, leur solidité dépendait donc de la monnaie métallique elle-même, même si des siècles d’utilisation et de confiance ont fini par les faire considérer comme une monnaie eux-mêmes, ce qu’ils n’étaient pas à l’origine. Mais cette mutation s’est produite dans le temps long et dans une période de confiance, et l’on peut donc dire que les mini-BOTS seraient une bonne idée pour le moyen et long terme, mais ne seraient peut-être pas suffisamment solides pour se substituer à l’euro à court terme.
Les deux sources d’alimentation de la monnaie : le crédit bancaire et les dépenses du Trésor public
A court terme en effet, les deux fonctions que doit impérativement remplir une monnaie si elle veut circuler immédiatement, sont celles de satisfaire le crédit et les dépenses de fonctionnement de l’Etat. La monnaie, on ne le dira jamais assez, est créée avant tout par les banques privées lorsqu’elles accordent des crédits, aux particuliers et aux entreprises. Lorsqu’elle accorde un crédit, une banque émet une créance à son actif et crée de la monnaie ex nihilo sur le compte en banque de son client au passif. La différence entre la masse des crédits anciens remboursés et la masse des crédits nouveaux accordés constitue donc la masse monétaire en circulation dans une économie donnée, à l’image d’un bain qui contient une quantité d’eau donnée en fonction d’une arrivée d’eau et d’une évacuation d’eau. L’arrivée d’eau, ce sont les crédits nouveaux, l’évacuation d’eau, ce sont les crédits anciens remboursés, la quantité d’eau, c’est la masse monétaire. C’est donc le besoin de crédit de l’économie qui est à l’origine de la circulation de la monnaie. Or, ce qui va se passer si l’Italie subit la même attaque qu’a subie la Grèce en 2015, c’est justement que la BCE va couper cette alimentation en crédit des banques en les empêchant de se refinancer elles-mêmes auprès de la BCE. La BCE coupe l’arrivée d’eau du bain, et fait immédiatement se vider l’eau du bain. Voilà ce qui est arrivé à la Grèce en 2015. Dans ces conditions, il est impossible à une économie de fonctionner et tout s’arrête de façon dramatique. Les banques ferment, la monnaie cesse de circuler, l’économie s’asphyxie littéralement.
Mais cette situation de crise, qui, on le voit, est une action politique scandaleuse et illégale de la BCE, est paradoxalement une opportunité pour un gouvernement préparé et déterminé. Car alors l’euro cesse de remplir son rôle, il ne répond plus au besoin de crédit courant, il laisse la place vacante pour une autre monnaie. Mais pour fonctionner, c’est-à-dire pour circuler, cette monnaie doit répondre au besoin de crédit courant, et c’est pourquoi Jacques Sapir insiste sur la nécessité de la faire passer par le système bancaire[5]. L’institution-clé est alors toute trouvée, elle a un nom, une adresse, et une organisation administrative bien huilée : c’est la Banque d’Italie, située à Rome au Palais Koch, et dirigée par son gouverneur Ignazio Visco[6]. Il est à noter que ce gouverneur est nommé par le Parlement et qu’Ignazio Visco devrait justement arriver à la fin de son mandat, ce point risque d’avoir une grande importance. La Banque d’Italie, pour l’heure, fait certes partie de l’euro-système, mais il est clair qu’en cas d’agression de la BCE visant à le briser politiquement, le gouvernement italien serait tout à fait fondé à réaffirmer son autorité sur la Banque d’Italie pour assurer le fonctionnement normal du système bancaire, et notamment le refinancement des banques privées, c’est-à-dire la réouverture du robinet monétaire. Du moment que cette décision est prise et que son bon déroulement est assuré en termes administratifs, une monnaie circulerait de nouveau dans le système bancaire et dans l’économie italienne, mais de façon indépendante par rapport à la BCE. Qu’on appelle une telle monnaie euro, lire ou n’importe quel autre nom, que les pays la reconnaissent ou non, et que son statut juridique soit fixé ou non, toutes ces choses n’auront plus grande importance au plan économique, car de ce point de vue elle sera de facto, la monnaie souveraine de l’Italie.
Mais il y a un deuxième canal par lequel une monnaie est indispensable et peut circulerrapidement entre les acteurs, ce sont les dépenses de fonctionnement courant de l’Etat, et notamment la paye des fonctionnaires. Ces dépenses courantes relèvent du Trésor public italien, institution qui a également une adresse et une organisation administrative bien établie. A l’heure actuelle, depuis le traité de Maastricht justement et l’introduction de l’euro, le Trésor est obligé de financer sa dette en ayant recours aux marchés financiers obligataires, ce qui lui oblige à payer de forts taux d’intérêts, matérialisés par les fameux spreads qui semblent gouverner l’Italie. Mais il est à noter qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avant le traité de Maastricht, le Trésor avait la possibilité, tout comme une banque privée, de se refinancer auprès de la banque centrale à un taux proche de zéro, même si cette possibilité n’était pas toujours activée. Aussi les taux d’intérêts payés sur la dette publique pouvaient-ils être plus faibles et payés directement à la banque centrale, ce qui limitait le pouvoir des marchés sur la vie économique du pays. De ce point de vue les dépenses du Trésor pouvaient en fait être une forme de création monétaire, et la collecte des impôts par ce même Trésor était une forme de destruction monétaire. C’est d’ailleurs pourquoi on considérait le Trésor comme étant en partie une banque.
Dans le cas d’une agression de la BCE, le Trésor Public italien peut donc être un important levier de circulation d’une nouvelle monnaie si on l’autorise de nouveau à se refinancer auprès de la Banque d’Italie. Concrètement, si la BCE coupe l’alimentation du pays en euro, il faut autoriser le Trésor à assurer ses dépenses courantes, ce qui introduira naturellement de façon assez massive une circulation monétaire dans le pays à travers les salaires des fonctionnaires et les subventions de fonctionnement des administrations publiques. Comme pour le crédit des banques privées, si une telle monnaie circule dans les administrations publiques et dans les comptes des fonctionnaires, elle comblera un vide et deviendra la monnaie souveraine de l’Italie de facto. Cependant, si seul le Trésor assure cette circulation sans l’appui du crédit des banques privées, un biais important favorisera à l’excès les fonctionnaires et les administrations publiques, ce qui pourrait créer des distorsions dramatiques entre les Italiens.
En cas d’agression de la BCE, la question stratégique pour le gouvernement italien sera donc en priorité le contrôle et la bonne gestion de la Banque d’Italie, puis du Trésor Public comme force d’appoint essentielle, afin de faire circuler une monnaie efficacement et souverainement, et ainsi la substituer à l’euro dont la place aura été laissée vacante par la politique antidémocratique de la BCE.
Le bras de fer à venir peut donc être celui de tous les dangers, mais aussi celui de toutes les opportunités pour le nouveau gouvernement italien.
[1] Voir l’étude de Philippe Murer, Jacques Sapir et Cédric Durand : Les scenarii de dissolution de l’euro, https://www.fondation-res-publica.org/etude-euro/#.WxqyD2VMf-Y


[2] Voir l’article d’Alberto Bagnai sur son blog : http://goofynomics.blogspot.com/2015/06/nominal-devaluation-and-real-wages.html


[3] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0301706243001-italie-la-tentation-des-mini-bots-2177702.php


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[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_d%27Italie

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