L’Allemagne au centre de toutes les crises
On croyait la crise politique européenne arrivée à son paroxysme avec l’avènement de la coalition italienne qualifiée d’eurosceptique, c’était une erreur ! La crise de la droite allemande a pris le relais, en attendant un nouvel épisode très conflictuel qui se prépare à l’échelle européenne, relatif aux restrictions budgétaires.
Angela Merkel a dû reculer devant les exigences du ministre de la CSU Horst Seehofer, mais la question des réfugiés n’a pas été réglée comme escompté. Horrifié par le symbole, le SPD a refusé tout net la création de « camps de transit » sur le sol allemand. Ils étaient destinés à détenir durant une courte période les déboutés du droit d’asile avant qu’ils ne soient refoulés vers leurs pays d’entrée européen, mais le provisoire pouvait s’installer, la négociation avec l’Italie s’annonçant particulièrement ardue.
Le ministre allemand et le chancelier autrichien Sebastian Kurz se sont immédiatement mis d’accord pour la dernière option disponible, la fermeture de la route de la Méditerranée, un argument décisif afin d’emporter l’adhésion italienne à leur plan de refoulement. L’objectif figurera donc à l’ordre du jour de la réunion des 28 ministres de l’Intérieur d’Innsbruck de mercredi prochain. Afin de l’atteindre, des moyens devront être dégagés en faveur de la Grèce et de l’Italie, à moins qu’ils ne soient directement attribués à la Libye. Un point important est déjà acquis : les navires des ONG sont à quai, ne pouvant plus pratiquement opérer faute d’en recevoir la mission par les autorités maritimes libyennes.
Les dés sont jetés. Il n’y aura pas de camps sur le sol européen et l’hypothèse de camps dans des pays du bassin méditerranéen a bien peu de chances de se réaliser. Reste la Libye, où l’on connaît le sort réservé aux réfugiés. Pour le principe, le directeur général sortant de l’Organisation maritime internationale (OMI), William Lacy Swing, a réclamé que les réfugiés n’y soient plus placés en détention avant d’être renvoyés chez eux. Son successeur, le portugais António Vitorino, pourra-t-il l’obtenir en travaillant de pair avec son ami le secrétaire général de l’ONU António Guterres ?
Le Premier ministre albanais Edi Rama n’avait pas tort de refuser l’installation de camps sur son territoire, comparant le sort réservé aux réfugiés aux déchets industriels que l’Europe exporte en Afrique moyennant finances, le chemin étant simplement inversé.
La victoire remportée par la CSU, devenue le bras armé de la droite allemande, ne suffit pas. Sans attendre que les tractations visant à renforcer le bouclage des côtes libyennes aboutissent, la direction de la CSU a engagé une nouvelle offensive contre la chancelière. Horst Seehofer a adressé une lettre à la Commission à propos de la négociation du Brexit. Se situant sur le seul terrain de la sécurité, dans ses prérogatives de ministre de l’Intérieur. Il a plaidé pour un « Brexit soft », rejoignant les positions des constructeurs automobiles qui souhaitent le moins de barrières douanières possibles avec le Royaume-Uni, s’attendant à être éprouvés par les taxations américaines.
C’est dans ce contexte allemand que se préparent les budgets nationaux 2019 des pays de la zone euro, pour examen par la Commission européenne et verdict. À moins que le prochain sommet ne change la procédure au profit du MES. Le ministre de l’économie italien Giovanni Tria continue de tenir des propos rassurants, mais prédit tout de même pour cette année le maintien du déficit budgétaire malgré qu’il soit censé diminuer. Luigi Di Maio, vice-président du Conseil et dirigeant du Mouvement des 5 étoiles, annonce que « dans les prochains mois, l’attitude du gouvernement va se distinguer du passé ». Il précise que « nous allons agir pour obtenir des investissements plus importants et pour avoir la possibilité de mettre en œuvre des réformes structurelles dans les secteurs de la fiscalité et de la protection sociale. »
Comment la coalition allemande va-t-elle résister à cette nouvelle épreuve qui s’annonce et que guettent d’autres gouvernements pour profiter de l’ouverture qu’ils attendent prudemment, au cas où ? La crise suivante ne va pas pouvoir cette fois-ci être réglée sur le dos des réfugiés, et la fragilisation d’Angela Merkel renforce les partisans de la rigueur. Pour la droite allemande, la tentation va être forte de se replier avec ses proches alliés au sein d’une zone monétaire propre, ou bien de revenir au deutsche mark. Mais il lui faut pour cela trouver une majorité au Bundestag à la faveur de nouvelles élections.
Si ce chemin n’est pas emprunté, un autre sera trouvé car il n’y a pas de statut quo possible à l’échelle européenne désormais.
D’autant que les tensions s’intensifient avec l’administration américaine, Donald Trump joignant le geste à la parole vis-à-vis de la Chine, la taxation des véhicules européens étant la prochaine étape visant plus particulièrement l’Allemagne. L’OMC semblant pour l’instant préservée d’un éclatement, mais le sort de l’OTAN prend place sur la sellette. Aucune institution internationale n’échappe à la vindicte du président américain, le gouvernement allemand, une fois de plus visé en raison de la faiblesse de ses investissements militaires, jouant à chaque fois le rôle du mauvais élève Blog de François L.
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