La guerre des monnaies en ligne de mire
Francois L.
Elle n’en est qu’à ses premiers engagements, mais les menaces de déclenchement de « la pire guerre commerciale de l’histoire » dénoncée par les autorités chinoises se précisent. Et, de la même manière que la crise financière mondiale s’est vite prolongée par une crise économique, sociale puis politique, cette guerre pourrait de commerciale devenir également monétaire.
Les accusations de manipulation des monnaies de Donald Trump à l’encontre des autorités chinoises et européennes sautent sans attendre allègrement ce pas. Et les dirigeants des BRICS, réunis à Johannesburg, s’emparent du sujet en discutant du développement des échanges commerciaux entre eux, dans leurs monnaies nationales afin d’en exclure le dollar. Nous n’en sommes certes qu’à de tous premiers préparatifs.
Le président américain vilipende ses « ennemis » et ne veut pas voir que ses propres décisions sont à l’origine de la baisse de 8% du yuan par rapport au dollar américain, qui profite aux exportations chinoises qu’il voudrait brider. Durant les mêmes six derniers mois, le dollar s’est enchéri de 6% par rapport à l’Euro, la BCE se défendant de toute responsabilité à cet égard.
Sous l’effet des mesures de relance américaines, dont une importante baisse de l’imposition des entreprises, la croissance a repris des couleurs, entraînant celle de l’inflation et conduisant la Fed à augmenter ses taux. Ce qui a conduit le président américain, qui maîtrise mal les conséquences de ses décisions, à exprimer vertement son mécontentement. Car des taux plus élevés rendent le dollar plus attractif pour les investisseurs, nourrissant sa hausse.
Les dirigeants chinois, c’est de bonne guerre, ont laissé filer le cours du yuan afin de favoriser leurs exportations mises à mal par les taxations déjà intervenues et annoncées (les États-Unis absorbent un cinquième des exportations chinoises). Ils démentent toutefois toute manipulation de leur monnaie.
Pour contrebalancer les effets des mesures américaines sur leurs exportations, qui vont peser sur leur croissance déjà affaiblie (6,7% officiellement), ils ont choisi d’injecter dans leur système bancaire l’équivalent de 63 milliards d’euros afin de soutenir l’activité et l’emploi, dont la baisse est leur hantise en raison des mouvements de contestation qui pourraient sinon en résulter. Et le paquet de mesures de relance est encore réduit mais pourrait si nécessaire être amplifié. Il n’y a aucune preuve de manipulation a estimé Maurice Obstfeld, le chef économiste du FMI, venant à la rescousse des dirigeants chinois.
Depuis 2015, les autorités chinoises ont multiplié les mesures destinées à réduire un risque financier grandissant en raison de leurs injections massives de liquidités dès le début de la crise financière, et du rôle grandissant et non maitrisé du shadow banking, dont les effets positifs l’emportaient sur les dangers. La côte d’alerte avait fini par être dépassée et l’heure de l’assainissement arriva. Le crédit fut freiné, les coûts de refinancement sur le marché interbancaire surenchéris, le ménage fait chez les régulateurs et de nombreuses nouvelles régulations décidées.
Trois « batailles décisives » avaient été engagées, contre les risques financiers, la pollution et la pauvreté, mais les autorités ont changé de pied par rapport à la première. Elles ont privilégié l’injection de liquidités à une dévaluation compétitive qui susciterait une fuite des capitaux.
Pour en revenir au système monétaire, abandonner le privilège qui a fait du dollar la principale monnaie de réserve internationale, contribuerait à remettre les pendules à l’heure. Mais une telle démarche est inconcevable, car c’est en vertu de ce statut que les Américains financent leur énorme déficit budgétaire, que Donald Trump vient encore d’accroître. Ses mesures ont un incontestable effet sur la croissance, qui est dopée, mais les analystes s’interrogent : est-ce ou non un feu de paille ?
Quoi qu’il en soit, si la guerre des monnaies n’est pas encore déclarée, elle s’inscrit dans la dynamique de la guerre commerciale. On n’en parle jamais innocemment. Et l’on notera qu’une nouvelle fois c’est en accroissant l’endettement qu’une croissance stabilisatrice est recherchée, créant ultérieurement un problème pour régler un problème immédiat. Après les États-Unis, la Chine…Blog Déc
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