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12 de abril de 2019

A soberania

Souveraineté, souveraineté économique et la question des formes de mise en œuvre, par Jacques Sapir

La question de la souveraineté est une question cruciale tant du point de vue des principes qui la fondent que des conditions dans lesquelles elle s’exerce. La souveraineté a longtemps renvoyé à un pouvoir absolu, indivisible et direct de commandement, réunissant un ensemble de prérogatives régaliennes, au premier rang desquelles Jean Bodin rangeait « le pouvoir de faire la loy »[1], de battre monnaie ou de rendre la justice en dernière instance[2]. Mais, on affirme aujourd’hui que l’État-nation historique serait devenu incapable et comme dépossédé du plein exercice de ses prérogatives régaliennes. Il serait de moins en moins souverain[3].

Le terme de souveraineté économique[4], qui signifie le pouvoir d’un gouvernement de prendre des décisions indépendamment des décisions prises par d’autres gouvernements[5] est lui aussi souvent utilisé notamment en relation avec le « patriotisme économique »[6], que ce soit par des dirigeants politiques ou par des activistes sociaux, soit pour être contesté[7] soit pour être applaudi. Ainsi, Desmond Cohen, ancien recteur de la School of Social Sciences de l’Université de Sussex qualifie-t-il la souveraineté économique d’illusion[8]. A l’inverse, Paschal Donohoe dans un article de la revue Studiesécrit que la souveraineté est à nouveau une priorité pour les Etats[9]. Susan Strange, quant à elle constate ce recul de l’Etat dans une économie globalisée, mais pour le déplorer[10]. Cette définition de la souveraineté est sans doute trop limitative. La capacité de légiférer, d’agir par décret, doit alors être spécifiée.
Il en va de même avec les termes de souveraineté alimentaire[11] ou de souveraineté sociale. Il est vrai que l’existence et l’attitude de certaines organisations internationales ont pu signifier soit une limitation soit une violation de la souveraineté de pays[12], en particulier dans le cas de la gestion de la dette[13]. Les interventions du FMI, par exemple, reposent sur le droit du créancier sur le débiteur[14], et postulent une rationalité économique supérieure à la rationalité politique[15]. Mais, cette rationalité économique est douteuse, et le FMI lui-même a reconnu s’être trompé[16]. On peut donc considérer que le choix politique prime, ce qui est une définition de la souveraineté. Mais, peut-on diviser la souveraineté ? Cette question est différente, naturellement de celle des conditions de mise en œuvre de la souveraineté.

I. Qu’est-ce que la souveraineté ?

Être souverain, c’est avoir la capacité de décider[17], une chose clairement exprimée par Carl Schmitt[18], mais aussi avant lui par Jean Bodin[19]. Sur cette question de la souveraineté il ne faut pas hésiter à se confronter, et pour cela à lire, à Carl Schmitt[20]. La théorie de Carl Schmitt renvoie au décisionnisme[21], la « capacité à prendre » des décisions, y compris dans les situations où ces dernières ne peuvent être prises dans les formes légales. Cela renvoie à l’état d’exception, comme situation ou la souveraineté s’exprime de manière « pure ». Une telle situation peut résulter de troubles politiques, mais aussi de troubles économiques.
En 1998, lors de la « crise asiatique, en Malaisie, c’est la brutalité de la réaffirmation de l’autorité du Premier Ministre contre son Ministre des Finances qui a crédibilisé la mise en place du contrôle des changes, institution qui a permis à ce pays de traverser sans trop de dommage la crise asiatique. Historiquement, F.D. Roosevelt ne fit pas autre chose quand il demanda au Congrès ce que Giorgio Agamben décrit à juste titre comme l’équivalent de pleins pouvoirs économiques, instituant par ce fait une forme d’état d’exception[22]. Tout comme le Premier-ministre malais, Franklin D. Roosevelt avait fait la démonstration qu’il était en dernière instance le détenteur de l’autorité souveraine du pays en situation de crise. Dans ces conditions exceptionnelles, la question du pouvoir devient le cœur de la sortie de crise et le pivot de la cohérence politique. Il n’est alors de politique économique et de développement institutionnel que par la politique dans sa forme la plus nue, la réaffirmation de la souveraineté. En ce sens, et même si les inquiétudes formulées par Agamben sur le non-droit qu’institue un droit d’exception ont une pertinence réelle, il est clair que nulle société ne peut se priver de la possibilité d’instituer l’équivalent économique d’un état d’exception. La question qui est alors ouverte, et que les économistes qui adoptent la démarche réaliste ici défendue doivent impérativement creuser sous peine d’une incomplétude radicale de leur analyse, est celle du rapport à la souveraineté et à l’État. Carl Schmitt[23] quant à lui, se propose de réintroduire l’état d’exception dans l’espace des normes[24].
On rappelle que pour Carl Schmitt « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »[25]. Cette définition est importante. Schmitt n’écrit pas « dans la situation » mais « de la situation ». C’est le fait de dire qu’une situation est exceptionnelle qui établirait le souverain. Emmanuel Tuchscherer fait alors justement remarquer que ceci « marque en effet le lien entre le monopole décisionnel, qui devient la marque essentielle de la souveraineté politique, et un ensemble de situations que résume le terme Ausnahmezustand, celui-ci qualifiant, derrière la généricité du terme « situation d’exception », ces cas limites que C. Schmitt énumère dans la suite du passage sans véritablement distinguer : « cas de nécessité » (Notfall), « état d’urgence » (Notstand), « circonstances exceptionnelles » (Ausnahmefall), bref les situations-types de l’extremus necessitatis casus qui commandent classiquement la suspension temporaire de l’ordre juridique ordinaire »[26]. Il est ici important de comprendre que cette suspension de «l’ordre juridique ordinaire » n’implique pas la suspension de tout ordre juridique. Le Droit ne cesse pas avec la situation exceptionnelle, mais il se transforme. Le couple légalité et légitimité continue de fonctionner mais ici la légalité découle directement et pratiquement sans médiations de la légitimité. L’acte de l’autorité légitime devient, dans les faits de la situation exceptionnelle, un acte légal. Et l’on peut alors comprendre l’importance de la claire définition de la souveraineté.
Schmitt s’en explique successivement, revenant à plusieurs reprises sur la formule initiale : est donc souverain « celui qui décide en cas de conflit, en quoi consistent l’intérêt public et celui de l’État, la sureté et l’ordre public, le salut public[27]». Il faut observer que cette nouvelle définition transporte en réalité la marque de la souveraineté d’un critère organique (la question étant alors « qui décide ? » ou, dans le vocabulaire juridique quis judicabit ?) vers un critère bien plus concret, qui spécifie d’ailleurs les circonstances (en situation de conflit) et les objets (l’intérêt public et celui de l’État) sur lesquels il lui appartient de statuer. Notons aussi que l’intérêt de l’Etat est distingué de l’intérêt public. Si l’intérêt de l’Etat se définit (sureté et ordre public), l’intérêt public lui reste non précisément définit. Cela peut se comprendre si l’on adopte le point de vue qui est celui de ce livre. L’intérêt public ne peut être définit au préalable car une telle démarche impliquerait en fait de limiter le pouvoir de la communauté politique. Or, c’est justement là que Schmitt affirme la primauté de la souveraineté. Seule la communauté politique, ce que l’on appelle le peuple, est en mesure de définir l’intérêt général et nul ne peut prétendre orienter ou limiter cette capacité à le faire. Mais, le peuple le fait à un moment donné. La définition de l’intérêt général ne peut qu’être contextuelle.
La souveraineté fait donc tout autant référence à un espace qu’à un mécanisme d’inclusion/exclusion, à un principe qu’à l’ensemble des domaines sur lesquels se manifestera la vérification de ce principe. Le Souverain est donc, par nature, au-dessus de tout statut constitutionnel puisqu’il le crée[28].
Cette souveraineté peut être déléguée, à la condition que les formes de cette délégation aient été votées et que cette dernière soit temporaire ; une délégation complète et totale de pouvoir est de fait contraire aux principes généraux du droit. En droit international l’État n’est pas perçu comme “limitant sa souveraineté” ou la transférant dans le cas des traités comme ceux organisant l’Union européenne, mais comme exerçant souverainement l’un de ses pouvoirs, celui de conclure un traité, de façon à limiter des pouvoirs qu’il exerçait jusqu’alors librement et à restreindre ou partager des compétences qui lui étaient jusqu’alors reconnues[29].

2. Qui est souverain ?

La souveraineté implique la définition d’un souverain. Le débat est ancien[30]. Jean Bodin établit que c’est la « chose publique » ou la Res Publica qui est le fondement réel de ce souverain. Cela renvoie à la tradition politique de la Rome républicaine dont le droit de l’Europe occidentale reste largement imprégné. Claudia Moatti le dit d’ailleurs dans l’introduction d’un livre qu’elle a publié en 2018 : « Philosophes et historiens du ‘républicanisme’ ont pourtant cherché dans l’Antiquité l’origine fondatrice. De Leonardo Bruni à Machiavel ou Bodin, de Rousseau, Babeuf, Condorcet aux fédéralistes américains, le modèle romain dit ‘républicain’ a été diversement interprété et a donné naissance à une multiplicité d’interprétations »[31]. C’est une évidence. Nous sommes tous, très largement, que ce soit consciemment ou à notre insu, les héritiers en matière politique et en matière du droit des usages et des institutions de cette période[32].
Il faut donc revenir sur la définition de la « chose publique ». Claudia Moatti a recours à Cicéron dont elle produit une citation[33] : « tout peuple qui sur tel rassemblement d’une multitude (…) toute cité qui est l’organisation du peuple ; toute res publica qui est comme je l’ai dit la chose du peuple, doit être dirigée par un conseil pour pouvoir durer »[34]. Ce qui est ici important est la manière dont Cicéron hiérarchise le passage de la « multitude » au peuple, par l’existence d’intérêts communs, puis présente la Cité comme cadre organisateur de ce « peuple ». Claudia Moatti souligne le côté remarquable du texte de Cicéron par sa tentative de clarification[35]. Elle rappelle alors, que la « Cité » ne désigne pas une simple ville (oppidum) mais qu’elle décrit le cadre dans lequel s’organise un « peuple » de citoyens, un peuple dont la présence est obligatoire pour rendre la justice[36]tout comme pour édicter des lois. La citoyenneté est ici une notion fondamentale. Appartenir au « peuple romain », c’est avoir le droit d’agir en interaction avec les autres citoyens sur le territoire de la « Cité ». Ce sont donc les citoyens qui constituent la « Cité » [37]. La res publica, alors, ne se pense qu’en relation avec le « peuple ». Elle définit les relations et les conflits au sein de ce « peuple ». De ce point de vue, c’est bien l’égalité juridique des citoyens que l’on retrouve dans la formule archaïque populus plebsque[38]qui est centrale. Avec cette égalité juridique, le « peuple » prend réellement un sens politique et se constitue comme acteur de la politique[39]. Il est alors important de conserver en mémoire qu’aux temps premiers de la République le peuple romain est à la fois un acteur dans la cité et une entité pour les relations entre la cité et l’étranger[40]. Cela indique que la souveraineté est à la fois interne (qui fait les lois, qui élit les magistrats) mais aussi externe (qui décide de la paix et de la guerre, des traités, etc). Le point est important. Ce que l’on appelle la « souveraineté populaire », au sens de la souveraineté du « peuple », ne date donc pas de la Révolution française de 1789.
Retenons ici cette distinction importante qui confirme la centralité de la relation interne/externe. Il ne peut donc y avoir de relations politiques et juridiques, de conflits aussi autour de ces relations, qu’au sein d’une entité souveraine et distincte des autres. La notion de souveraineté est donc primordiale mais aussi centrale à l’existence de la res publica. Mais, cette « chose publique » ne peut se constituer qu’à travers l’égalité juridique des citoyens qui leur assure (ou doit leur assurer) un droit égal à la participation politique, aux choix dans la vie de la « Cité »[41]. Quand nous parlons donc du « peuple » comme source de la souveraineté, nous ne parlons pas d’une communauté ethnique ou religieuse[42]., mais d’une communauté politique d’individus rassemblés qui prend son avenir en mains[43], du moins aux origines de la République. Le « peuple » auquel on se réfère est un peuple « pour soi », qui se construit dans l’action et non pas un peuple « en soi », ce qui ne serait qu’une « multitude ».
On ne peut, alors, esquiver cette question : qui détient réellement la souveraineté ? C’est une question qui, elle aussi, se pose aujourd’hui. Pourtant, aux origines de la république romaine la question semblait tranchée. Mario Bretone montre que la volonté du peuple (iussum populi) s’affirmait à travers l’élection de magistrats (les questeurs) dès l’époque royale[44]. Cette question devient cependant centrale dans les débats politiques du IIème siècle avant notre ère[45]. La question, et Claudia Moatti le rappelle[46], fut posée lors de l’élection de Scipion Emilien au consulat, alors qu’il se présentait en réalité à l’édilité. Le peuple pouvait-il s’affranchir de la Lex villia annalis qui fixait le cursus honorum ? De fait, le peuple était dit « maître des comices » autrement dit maître de l’ordre du jour des assemblées populaires[47]. Le concept de la « souveraineté populaire », que certains tiennent pour « inventé » par la Révolution française, existait donc à Rome, et se traduisait par un contrôle populaire sur les magistrats[48]. Il y avait donc bel et bien un discours établissant la primauté du « peuple », comme dans les cas où c’est le « peuple » qui décide qu’un homme peut être élu à des fonctions plus hautes que celles qu’ils briguait.

3. La question de la délégation

Les conflits ont cependant été nombreux entre le « peuple » et le Sénat tout au long de l’histoire de la République à Rome.
Une partie de conflits tournent autour du principe de la responsabilité politique des magistrats[49]. Car, ces derniers sont les délégataires de l’autorité et de la souveraineté du peuple. La question centrale n’est pas seulement l’émergence d’une responsabilité politique du magistrat aux côtés de sa responsabilité privée, mais bien qui pouvait mettre en question cette responsabilité politique[50]. Or, le passage de la responsabilité morale à la responsabilité politique du magistrat[51] est l’un des enjeux du bras de fer entre le peuple et le Sénat au sujet de la souveraineté[52]. Ce point est important car il établit la nécessaire séparation entre la sphère privée et la sphère publique, un point fondamental dans les démocraties modernes. Le magistrat en tant que délégataire de la souveraineté du peuple peut être ainsi relevé de sa responsabilité privée et soumis à une appréciation politique de ses actes. Cependant, seule la défense de la res publica peut être invoquée à la décharge d’un magistrat[53]. L’importance de ce point vient de ce qu’il établit la primauté du politique. Claudia Moatti explique alors ce qui se joue dans le débat sur la responsabilité politique des magistrats, et surtout devant qui (le peuple) ils sont responsables[54]. De fait, si la responsabilité politique n’exclut pas toute responsabilité « privée », on constate que la res publica est en surplomb des règles normales[55].
Cette question de la responsabilité du magistrat nous interpelle directement au sujet de l’indépendance des Banques centrales. La formule d’agences discrétionnaires indépendantes, comme les Banques centrales, est suspecte du point de vue des fondements de l’ordre démocratique. Si le vocable “indépendant” signifie simplement que ces agences sont séparées des organes de l’exécutif du système politique, il y a peu à redire. On conçoit que pour que ses ordres puissent être exécutés correctement un pouvoir puisse impliquer le principe de délégation. Il vaudrait mieux cependant employer alors les termes d’agences distinctes des administrations gouvernementales. Si l’indépendance signifie, par contre, que l’agence n’est pas soumise à un contrôle de type politique, et si les résultats de cette agence ne sont pas totalement du domaine que l’on a appelé technique, alors il y a bien une rupture avec les principes de la démocratie[56]. En droit administratif, il y a délégation de pouvoir lorsqu’une autorité, à laquelle certains pouvoirs ont été attribués, se dessaisit d’une partie de ces pouvoirs et les transmet à une autorité subordonnée. Sans doute, le principe est-il que le titulaire d’une compétence n’en dispose pas comme d’un droit, mais doive l’exercer lui-même sans pouvoir la transmettre. Les Banques centrales ont donc reçu une délégation de la souveraineté dans le domaine monétaire. Mais, la monnaie, si elle exige des compétences techniques pour sa gestion, relève du domaine social et politique[57]. Aussi, le fait de vouloir mettre ces Banques centrales hors du contrôle des représentants du peuple peut être considéré comme attentatoire à la souveraineté de ces derniers. Or, aujourd’hui, au sein de l’Union Economique et Monétaire, le seul contrôle qui existe est celui de la Cour de Justice de l’Union Européenne, comme on a pu le constater en matière de politique monétaire, quand il fut contesté que les objectifs assignés par les Traités à la Banque centrale européenne pouvaient justifier l’édiction de mesures dites non conventionnelles et l’adoption d’un programme inédit d’opérations monétaires sur titres («outright monetary transactions», dit OMT), autorisant l’achat de dettes publiques sur le marché secondaire[58]. Nous sommes ici devant le pouvoir des juges et non plus celui du peuple.
Il convient donc de rappeler que n’est légitime que le processus de délégation établi dans des formes légales qui permettent un contrôle en dernière instance du délégué par le délégataire, et que délégation n’implique nullement cession.

4. La complexité et les règles internationales peuvent-elles limiter la souveraineté ?

La notion de souveraineté est mal-aimée des économistes néoclassiques qui y voient une intrusion de la discrétion dans l’optimisation, et plus fondamentalement quelque chose qu’ils ne peuvent appréhender avec les instruments de l’économie standard. La critique de la souveraineté, comme concept vide de sens ou dépassé, devient alors un point de passage obligé des argumentations. Pourtant, un autre courant de la pensée économique, le courant dit « institutionnaliste » fait grand cas de la souveraineté[59]. De fait Commons distingue trois types de souveraineté, celle des Etats fondée sur le monopole de la violence légale, celle des entreprises, qui est fondée sur le pouvoir des propriétaires, et la souveraineté des institutions religieuses et morales qui se traduit par le pouvoir de l’opinion[60]. Williamson, quant à lui, établit la distinction entre la décision privée et ce qu’il appelle le « centralisme légal », qui est un autre nom donné à la souveraineté de l’Etat[61]. Dugger, tentant une synthèse de ces deux auteurs, aboutit lui aussi à l’importance de la souveraineté, mais la considère comme multiple et relative à l‘état des institutions et au contraintes économiques[62].
Traditionnellement donc la critique de la souveraineté, qu’elle soit absolue, comme dans le cas de Vernon, ou limité porte alors sur les limitations “objectives” de l’État. Dans la mesure où ce dernier contrôlerait de moins en moins de paramètres clés, en raison des effets d’interdépendance avec d’autres acteurs étatiques, son importance et sa pertinence diminueraient d’autant. La thèse de la “mondialisation” de l’économie est ainsi souvent évoquée pour justifier une réduction des pouvoirs de l’État et des abandons progressifs de souveraineté. Il y a là une série de confusions, dont l’origine est l’interpolation entre des niveaux différents d’abstraction. Pourtant, cette vision ne correspond nullement à ce que nous dit le Droit international.
Le Droit international a été théorisé en premier lieu par Grotius, qui l’appelle « Droit des Gens », mais en réservant le terme de « gens » aux nations. Ce droit apparaît alors comme un droit uniquement fondé sur la coopération : « Mais, de même que les lois de chaque État regardent son avantage particulier, de même, certaines lois ont pu naître entre soit tous les États, soit la plupart d’entre eux, en vertu de leur consentement »[63]. Ce droit considère les nations comme des entités dotées des mêmes droits, et ce quelles que puissent être leur taille ou leur population.
Mme Simone Goyard-Fabre quant à elle souligne que le fait que l’exercice de la souveraineté puisse être techniquement difficile, par exemple pour des raisons de complexité, n’affecte nullement la nature de la souveraineté. “Que l’exercice de la souveraineté ne puisse se faire qu’au moyen d’organes différenciés, aux compétences spécifiques et travaillant indépendamment les uns des autres, n’implique rien quant à la nature de la puissance souveraine de l’État. Le pluralisme organique (…) ne divise pas l’essence ou la forme de l’État; la souveraineté est une et indivisible[64]. L’argument qui prétend fonder sur la limitation pratique de la souveraineté une limitation du principe de celle-ci lui apparaît d’une grande faiblesse. Les États n’ont pas prétendu pouvoir tout contrôler matériellement, même et y compris sur le territoire qui est le leur. Le despote le plus puissant et le plus absolu était sans effet devant l’orage ou la sécheresse. Il ne faut pas confondre les limites liées au domaine de la nature et la question des limites de la compétence du Souverain.
Le même problème se pose à l’évidence quant aux obligations internationales des États. On avance souvent l’hypothèse que les traités internationaux limitent la souveraineté des États, en confondant le principe des modalités d’application. Les traités sont en effet perçus comme des obligations absolues au nom du principe Pacta sunt servanda [65]. Mais, ce principe peut donner lieu à deux interprétations. On peut soit considérer qu’il n’est rien d’autre qu’une mise en œuvre de la rationalité procédurale[66] et qu’il signifie que la capacité des gouvernements à prendre des décisions (caractéristique de la souveraineté) suppose que toutes les décisions antérieures ne soient pas tout le temps et en même temps remises en cause. Dans ce cas, l’argument fait appel à une vision réaliste des capacités cognitives des agents. Un traité qui serait immédiatement discuté, l’encre de la signature à peine sèche, impliquerait un monde d’une confusion et d’une incertitude dommageables pour tous. Mais, dire qu’il est souhaitable qu’un traité ne soit pas immédiatement contesté n’implique pas qu’il ne puisse jamais l’être. Il est donc opportun de pouvoir compter, à certaines périodes, sur la stabilité des cadres qu’organisent des traités, mais ceci ne fonde nullement leur supériorité sur le pouvoir décisionnel des parties signataires. Ainsi, tout traité qui entend mettre des obstacles particuliers à la révision ou à la sortie d’un membre, comme l’AMI (Accord Mulilatéral sur les Investissements, qui capota il y a quelques années) par exemple, est ainsi par nature nul et non avenu. La défense de l’AMI, y compris dans ses clauses les plus contraignantes, procède d’une incompréhension de ce que signifie la souveraineté[67].
L’idée d’une autolimitation de la souveraineté n’est pas, dans son principe, scandaleuse. Elle peut se justifier pour des raisons cognitives, au sens des règles de limitation du débat, ou « gag-rules », évoquées par Stephen Holmes[68]. Les autolimitations de la souveraineté ne sont pas nécessairement incompatibles avec la souveraineté elle-même. Néanmoins, si cette autolimitation aboutit à retirer du champ politique des sujets décisifs pour l’avenir de la communauté, il est clair qu’une telle limitation ne sera ni supportable ni supportée parce qu’elle deviendrait tout simplement illégitime. Rappelons que les partisans de l’esclavage ont tenté de faire exclure du débat public toute discussion sur l’abolition de ce que l’on appelait alors “l’institution particulière” des États du Sud. L’argument central était que discuter de l’abolition de l’esclavage revenait à enfreindre le droit inaliénable à la propriété privée, droit inscrit dans la Constitution. D’un point de vue formellement légaliste, les partisans de l’esclavage avaient sans doute raison. Par ailleurs, ils soutenaient que cette discussion ne pouvant être tranchée compte tenu des oppositions d’intérêt, il fallait l’arrêter par une règle d’omission pour ne pas encombrer indéfiniment les ordres du jour au Congrès des États-Unis[69]. De fait, le Congrès vota en 1836 une loi où il s’interdisait de discuter plus avant de l’abolition. En 1858, l’adversaire d’Abraham Lincoln insista lui aussi sur la nécessité de ne pas mettre en débat la question de l’esclavage[70]. On sait ce qu’il en résulta.
Le droit international est donc nécessairement un droit de coordination et non un droit de subordination[71]. L’unanimité y est la règle et non la majorité. Cela veut dire que la communauté politique est celle des États participants, et non la somme indifférenciée des populations de ces États. Un traité n’est contraignant que pour ses signataires, et chaque signataire y jouit d’un droit égal quand il s’engage par signature, quelle que soit sa taille, sa richesse, ou le nombre de ses habitants. Tout signataire peut se retirer librement d’un traité.

5. La Souveraineté et la question du multilatéralisme

L’organisation des échanges internationaux a pris une place grandissante dans les relations internationales et dans la fixation de normes internationales depuis 1945. Elle est porteuse d’une contestation radicale de la souveraineté, mais elle produit, aussi, une nouvelle prise de conscience quant à la nécessité de cette souveraineté.
Un basculement important eut lieu quand les Etats-Unis se refusèrent à ratifier la Charte de la Havane[72], qui était respectueuse de la souveraineté des Etats. Les échanges internationaux furent donc régis dans le cadre du GATT qui se substitua à la Charte non ratifiée, puis par l’l’OMC. Dans ce cadre se développa une idéologie qui avait pour fonction de présenter le multilatéralisme, le commerce international, et donc le libre échange, comme des « biens publics »[73]. Ceci a constitué la base de contestations, plus ou moins radicales, du concept de souveraineté. Pourtant, ceci fut contesté dès le départ[74]. Cette idéologie, et surtout ses conséquences institutionnelles, posent de redoutables problèmes de démocratie[75]. Cette globalisation de l’économie mondiale n’a pas entrainé une uniformisation des modes de gestion, démontrant que la souveraineté des entreprises restait intacte[76]. Par ailleurs, la preuve n’a pas été apportée quant à l’efficacité du Libre-Echange pour promouvoir le développement économique[77].
Ce processus s’est aussi traduit par le développement d’accords économiques régionaux (création de zones d’intégration économiques régionales comme l’UE ou l’ALENA sur l’Amérique du Nord), et les accords de Libre-Echange entre ces zones d’intégration comme le Traité Nord-Atlantique mort-né (ou TAFTA/TTIP[78]) ou le traité avec le Canada (CETA) tendent à se multiplier.
L’OMC prévoit que ses diverses décisions donnent lieu à des votes mais, dans la réalité, la pratique de l’OMC a été marquée par la règle du consensus, ce qui revient à reconnaître implicitement la centralité de la souveraineté des Etats. Il suffit qu’aucun pays ne s’oppose à une mesure pour qu’elle soit adoptée. Cependant, cette pratique semble aujourd’hui rencontrer ses limites. En effet, le « Doha Development Round », qui devait étendre de manière considérable le champ des normes s’imposant aux Etats, a connu un échec patent en juillet 2008[79].
Les négociations qui se sont déroulées à Cancún au Mexique en 2003, à Hong Kong en 2005 ainsi qu’à Paris et Potsdam en 2007 n’ont pas abouti. Elles ont échoué sur un désaccord persistant entre les pays riches et les pays les plus pauvres en ce qui concerne les subventions agricoles et l’accord sur la propriété intellectuelle (TRIPS). Cet échec a signifié la perte par l’OMC de la maîtrise de l’ordre du jour de ses négociations. C’est pourquoi aujourd’hui on s’oriente essentiellement vers des accords entre zones. Néanmoins, l’OMC a représenté un pas fondamental dans la construction de normes découplées de tout cadre de souveraineté nationale[80]. La paralysie qui a gagné l’OMC et le « Cycle de Doha » au début des années 2010[81], et d’autres événements ont mis à mal le crédo du multilatéralisme. On peut considérer que la période qui va de 2016 à 2018 a été à cet égard particulièrement fertile en ces événements. Nous avons eu, bien entendu, le Brexit, qui reste un ébranlement majeur dans la zone de l’union européenne, mais aussi les débats autour du traité de libre-échange avec le Canada (le CETA). Donald Trump a, quant à lui, signifié la fin des accords de libre-échange discutés depuis plusieurs années, comme le TAFTA[82], et a renégocié le traité avec le Canada et le Mexique (ALENA)[83].
Le CETA (aussi appelé AECG) a constitué, en particulier en Europe, un cas d’école quant aux empiètements sur la souveraineté des Etats. Il s’agit d’un traité de libre-échange dit « de nouvelle génération » en ceci qu’il s’attaque moins aux normes tarifaires qu’aux normes non-tarifaires[84] que pouvaient prendre un certain nombre d’Etat, en particulier pour protéger leur population en matière de pollution[85]. Il est donc directement contradictoire avec la souveraineté des Etats. On peut craindre que le CETA n’organise une course au démantèlement de ces normes protectrices[86]. Le CETA va ainsi, selon des chercheurs, mettre en péril la « souveraineté alimentaire » des pays concernés[87]. A cela s’ajoute le risque induit par le mécanisme de protection des investisseurs contenu dans le traité. Le CETA, en effet, crée un système de protection de ces investisseurs entre l’Union européenne et le Canada qui, par l’institution d’un tribunal d’arbitrage leur permettrait de poursuivre un État (ou une décision de l’Union européenne) si une décision publique prise par cet Etat était de nature à compromettre les « attentes légitimes en terme de retour sur investissement »[88]. Autrement dit, c’est un mécanisme, que l’on appelle la clause ISDS (ou RDIE) et qui sert essentiellement de protection des bénéfices futurs. Et ce mécanisme est à sens unique : un État ne pourra pas, lui, poursuivre une entreprise privée dans le cadre ainsi prévu.
On constate alors que le CETA va permettre aux investisseurs d’attaquer des décisions politiques s’ils estiment qu’elles vont à l’encontre de leurs intérêts. Cette procédure, qui pourrait s’avérer très coûteuse pour les Etats, aura un effet dissuasif dans le cas d’une simple menace de procès. A cet égard, rappelons qu’en 2011, le Québec recula sur l’interdiction d’un composant d’herbicide, dont on suspectait les effets cancérigènes, et qui était commercialisé par Dow Chemical, car cette dernière société était déterminée à porter l’affaire devant les tribunaux.
Nous sommes bien en présence d’un dessaisissement des Etats et création d’un droit édicté hors de tout contrôle démocratique et l’établissement d’une nouvelle hiérarchie des normes[89]. Il a pourtant été ratifié au Parlement européen, le 15 février 2017, il doit être ratifié par différents parlements nationaux. Or, il est néanmoins considéré comme applicable en partie dès avant sa ratification par les Parlements nationaux[90]. Le CETA a donc été adopté de manière provisoire et partielle le 21 septembre 2017, sur les volets de compétences exclusives à l’UE, excluant temporairement certains volets de compétences partagées nécessitant le vote des pays membres de l’UE. Mais, environ 90 % des dispositions de l’accord seront appliquées.
Ceci constitue un véritable déni de démocratie politique auquel les opinions publiques ont été sensibles. Tout a été fait pour que ce traité soit élaboré et appliqué en dehors de la vérification et de la volonté des peuples. De ce point de vue, il traduit le fait que la « mondialisation » est aujourd’hui un moyen pour retirer nombre de questions du domaine du choix politique en prétendant qu’il s’agit de questions techniques et qu’il convient de les réserver à des collèges d’experts. La question de la responsabilité politique a donc été évacuée. L’Union européenne a été connivent, à cet égard, de cette logique.

6. La Souveraineté et la question des ressources naturelles

La question de la souveraineté se pose directement avec les ressources naturelles dans le contexte d’une demande sans cesse grandissante et de conflits d’appropriation[91], qu’il s’agisse des ressources énergétiques ou des ressources directement nécessaires aux activités humaines comme l’eau[92]. Cette question, qui fut soulevée aux Nations Unies dès les années 1950[93], est même devenue l’un des points de débats[94] les plus importants quant au principe de souveraineté des Etats[95]. En ce qui concerne les ressources énergétiques, la question de la souveraineté se pose à la fois quant à l’exploitation de ces ressources, et ce depuis longtemps[96], que du point de vue d’un pays consommateur confronté au problème de sa souveraineté énergétique[97]. La question de la souveraineté énergétique a d’ailleurs été très discutée[98], parce que les questions de l’énergie peuvent avoir une influence décisive sur le développement[99].
Remarquons cependant que droit international, notamment à travers la jurisprudence, consacre le droit à la propriété privée comme un droit fondamental aux individus. En ce qui concerne les ressources naturelles, l’usage et la jouissance « des biens », que le droit à la propriété privée confère à toute personne (Jus utendi et abutendi), concerne l’usage et jouissance des ressources naturelles ou des terres où celles-ci se trouvent. Or, ce droit à la propriété privée peut venir faire obstacle à la souveraineté de l’Etat (perçu comme le délégataire de TOUS) les citoyens sur ces ressources naturelles[100]. Les Nations Unies ont donc reconnu que le droit d’un ensemble (le peuple finlandais) était supérieur à la revendication d’une partie de cet ensemble (la communauté des Sami).
Le problème de la souveraineté énergétique se pose aussi dans les rapports que peut entretenir un Etat avec les grandes sociétés d’extraction. Dans un certain nombre de cas, la puissance économique de ces sociétés peut être équivalente à celle de l’Etat en question. Même si ce n’est pas le cas, un conflit entre l’Etat et ces sociétés peut être l’occasion de procédures longues et souvent extrêmement couteuses[101], en particulier dans le cas de la renégociation d’un système de concessions[102]. Ce problème doit être rattaché à celui du monopole technique « de fait » que certaines compagnies détiennent dans certains secteurs. Même si le « monopole » d’une technique n’est pas total, le coût d’acquisition de la technique considérée par un pays donné (en admettant la question des brevets résolues) peut se révéler prohibitif. La souveraineté de l’Etat est ici combattue, non dans son principe mais dans son application, par des situations de contrôle sur des techniques données, techniques qui peuvent être incontournables pour l’exploitation des ressources naturelles à un moment donné. Mais, même dans le cas où l’acquisition par l’Etat de la totalité des techniques n’est pas financièrement souhaitable et ne serait pas économiquement efficiente, il n’en reste pas moins qu’il peut s’avérer nécessaire pour l’Etat de disposer de base de comparaison (benchmarking) dans le processus industriel en question. En effet dans le processus de régulation d’acteurs privés se pose toujours la question de la « capture du régulateur » par le régulé, un problème qui est particulièrement sérieux si l’Etat n’a aucune connaissance sur le processus industriel[103]. Notons qu’une autre dimension de ce problème peut résider dans les conséquences écologiques issues de certaines techniques d’exploitation. Le cas ici se la fracturation hydraulique doit être mentionné[104].
Si la question des techniques utilisées est certainement un point critique, un autre point important est lié au contrôle sur les quantités extraites La question de la souveraineté de l’Etat passe donc aussi par celle de son contrôle, direct ou indirect, sur les moyens de transports des ressources extraites en vue de leur exportation. On se souvient que ceci fut l’un des premiers points de friction entre l’UE et la Russie en raison de la « Charte de l’Energie »[105]. Le Traité de la Charte de l’Energie (TCE) présentait plusieurs défauts du point de vue de la Russie[106]. L’expérience a cependant montré que si le monopole d’Etat sur les moyens de transports pouvait avoir des défauts, il avait cependant permis à la Russie de recouvrer un véritable contrôle sur les quantités exportées, contrôle qui avait permis à ce pays de recouvrer des éléments importants de sa souveraineté économique. La décision de la Russie de se retirer du TCE en 2009 doit donc être mis dans cette perspective. Il faut signaler qu’en janvier 2016 ce fut au tour de l’Italie de se retirer du TCE, provoquant une forme d’effondrement de ce cadre institutionnel[107].
On notera enfin, pour en terminer avec la question des ressources naturelles que la gestion de l’eau douce soulève, elle aussi, un problème réel de souveraineté. Le problème est ici celui de la souveraineté interne : comment un Etat peut-il faire appliquer et respecter une législation protégeant les ressources en eau douce dont il dispose ? La loi française stipule ainsi : « « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur générale, et le développement de la ressource utilisable dans le respect des équilibres naturels sont d’intérêt général.
L’usage appartient à tous » mais la loi ajoute toutefois, dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis
. [108]»
Les eaux de source peuvent entre utilisées librement par celui qui a une source sur son fonds, à la condition que le propriétaire n’utilise pas celle-ci de manière à enlever aux habitants d’une commune l’eau qui leur est nécessaire. On retrouve ici la fonction collective de l’eau. Dans le même esprit, les eaux souterraines n’appartiennent pas au propriétaire du fonds qui est en superficie. Celui-ci ne peut disposer que de l’eau qui est captée. Cette réglementation a cependant permis, à travers la notion de délégation de service public à des compagnies privées d’obtenir des concessions pour la construction et l’exploitation des réseaux d’eau courante[109]. Cependant, on constate depuis une dizaine d’années une tendance des communes et des municipalités à revenir aux régies municipales pour la gestion de ces systèmes[110]. La part de ces dernières est passée de 28% à 34% de 2004 à 2012, et le mouvement s’est poursuivi par la suite. Il atteint aujourd’hui un peu plus de 40%[111].
La question de l’équilibre entre le secteur public et le secteur privé est déterminée par des questions d’efficacité mais aussi des questions de financement. L’entretien des infrastructures de distribution, mais aussi des infrastructures d’épuration des eaux, est coûteux. Cependant, même dans le cas des concessions, le cahier des charges mis en place par la puissance publique permettait un contrôle en dernier instance de cette dernière et donc de l’Etat. Le renversement d’un régime de concessions à un régime de régies, renversement qui est aujourd’hui massif[112], renvoie normalement plus à des problèmes concrets de gestions qu’à une question de principe. Il convient de signaler qu’il n’est pas général. Ainsi, le processus de mise en concession des autoroutes se poursuit, en dépit des conditions très défavorables pour l’Etat dans lequel il se produit. Globalement, la question de l’exploitation et de la préservation des ressources naturelles, qu’elles soient énergétique ou pas, pose la question du « bien commun » et plus précisément de la res publica. En cela, cette question constitue naturellement l’un des points d’application de la souveraineté[113]. En fait, on peut penser que le mouvement de retour vers des régies publique montre que dans les formes de mises en œuvre, à un moment donné, l’application de la délégation peut apparaître aux électeurs comme attentatoire au principe même de la souveraineté.

7. Existe-t-il des conflits de niveau de souveraineté ?

La question maintenant se pose de savoir comment relier aux principes énoncés ci-dessus les difficultés réelles de mise en œuvre de décisions issues de ces principes. Le problème se concrétise dans les conflits de niveau de souveraineté et comment ces conflits peuvent-ils être résolus[114]. Ces conflits peuvent opposer des firmes à des Etats, mais aussi des groupes de firmes à des groupes d’Etats, et enfin des groupes inclus au sein de populations. Ces conflits portent en réalité sur les conditions d’exercice de la souveraineté. Mais, ils mettent aussi en jeu la question de la hiérarchie des normes.
Dans le cas d’un conflit opposant la « souveraineté des propriétaires » à la souveraineté du peuple mis en œuvre à travers la souveraineté d’un Etat, la question se complique du fait que les grandes firmes transnationales ont des propriétaires appartenant à divers pays[115]. Dès lors, ce qui devrait être simple en droit « interne » (le peuple est supérieur aux groupes le constituant) se pare d’un aspect de droit international. Le problème se dédouble quand des Etats se considérant comme trop faibles ou trop petits pour affronter ces grandes firmes transnationales décident de s’associer, mettant en commun, mais aussi en partage, l’exercice de leur souveraineté[116]. On peut en trouver un exemple avec l’action de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Ainsi, on peut citer l’affaire Google Spain en 2014, où les activités d’un moteur de recherche ont été contrôlées par la directive européenne 95/46, alors même que le traitement litigieux de données à caractère personnel avait été réalisé par une société mère établie aux Etats-Unis, et non pas directement par sa filiale européenne établie en Espagne[117]. Mais, l’institution même de la CJUE est critiquable. Par ailleurs, la coordination au sein de l’Union européenne a été sub-optimale en ce qui concerne le processus de contrôle et de taxation des GAFA[118]. La mise en commun de la souveraineté n’aboutit donc pas toujours à un meilleur exercice de cette souveraineté.
La question du conflit entre la souveraineté des « propriétaires » (c’est-à-dire des actionnaires) et la souveraineté du peuple, mise en œuvre par l’Etat, rebondit au niveau international. On assiste en effet à diverses tentatives de législation, de l’AMI au CETA, qui visent à établir une procédure juridique de protection des propriétaires sur la base de la supériorité du droit international sur le droit national (ou des Traités sur le droit national)[119]. C’est un problème récurrent au sujet des investissements[120]. De fait, la jurisprudence des différents Etats est diverse sur ce point. La France tend à admettre une supériorité du droit international sur le droit national[121], ce que tend à refuser l’Allemagne[122]. Si les juristes des deux pays s’accordent depuis longtemps sur le principe de la souveraineté, ils diffèrent de manière sensible quant à la mise en œuvre de ces principes, nous rappelant ainsi que le droit est aussi affaire de jurisprudence, et porte donc la marque de l’histoire spécifique de chaque société.
Un autre point permet de montrer les conflits possibles entre les formes de mise en œuvre de la souveraineté. Des travaux appellent aujourd’hui, devant la dégradation écologique générale, et au nom justement de cette « urgence » écologique, à la constitution d’un droit des « communs »[123], droit qui serait issu non pas des droits nationaux mais constitué directement au niveau international[124]. Un tel droit proviendrait donc d’une souveraineté « supérieure » à la souveraineté des peuples, d’où la nécessité, mais aussi la très grande difficulté, de constituer un « être » humain à l’échelle mondiale[125]. N’aboutit-on pas ici, poussé par les meilleures intentions du monde, à une vision tyrannique d’un « droit » édicté par des « experts » complètement du « peuple » en tant que corps politique ? Rappelons ici qu’il s’agit de déterminer des institutions. Cela implique l’existence a priori d’un contrat social. Or, celui-ci est implicitement pensé dans un cadre national, vu le caractère embryonnaire de la citoyenneté mondiale et l’inexistence de la souveraineté transnationale. Cela implique de réfléchir sur le concept d’Etat-nation, et sur la souveraineté de l’Etat-Nation comme forme d’expression de la souveraineté du peuple. Soit l’Etat est perçu comme un simple segment des marchés remplissant des fonctions collectives spécifiques dans la théorie néoclassique, soit il est perçu comme porteur de la souveraineté dans les théories de l’école “réaliste” de relations internationales ou encore il est le lieu d’interdépendance des pouvoirs économiques et politiques dans les théories d’économie politique internationale[126]. On retrouve ici le problème entre l’articulation d’un principe (qui est souverain, qu’est-ce que la souveraineté) et les formes concrètes d’application de cette souveraineté. Car, les Etats n’ont jamais cessé de passer des traités entre eux. Mais, les institutions régulant les « biens publics » mondiaux doivent-elles résulter de traités internationaux ou découler d’institutions supranationales ? De fait, les objectifs de la COP-21 restent non contraignants et les pays peuvent se retirer, comme l’ont fait les Etats-Unis de ces accords.
On peut remarquer que de nombreux auteurs reproduisent la confusion qu’avait déjà dénoncée Mme Goyard-Fabre[127], entre le principe de souveraineté et les formes concrètes de mise en œuvre de cette dernière[128].

De cette exploration allant des principes de la souveraineté, et de la souveraineté économique, aux interprétations, mais aussi aux conflits, qui peuvent naître de la mise en œuvre des formes d’application de cette souveraineté, on peut tirer plusieurs remarques.
La première est que la question de la souveraineté est réellement fondamentale, et qu’elle court dans l’histoire des institutions depuis maintenant une très longue période. L’aspiration par les peuples à la souveraineté n’est que la forme que prend l’aspiration à la démocratie. La seconde est que si le principe de la souveraineté est désormais bien établi dans une lignée intellectuelle qui va du Droit Romain aux auteurs du XXème siècle comme Carl Schmitt, en passant bien entendu par Jean Bodin, la question des formes d’application est en permanence renouvelée par le développement de l’économie et des relations internationales. Il en va ainsi pace que la souveraineté, si elle repose dans le peuple, est mise en pratique par les Etats-nations. La permanence de la double nature de la souveraineté, souveraineté interne et souveraineté externe, démultiplie les débats quant aux formes d’application. De fait, on ne voit pas aujourd’hui d’autre solution que le principe de coordination entre des droits nationaux car, si les principes peuvent être considérés comme universel, les formes de mise en œuvre de ces principes sont largement déterminées par les histoires spécifiques de chaque nation. La troisième remarque est que dans le processus de renouvellement des formes de mise en œuvre s’introduit en permanence une tension entre les principes et la question des formes, et que la tendance des auteurs, en particuliers des économistes, est de prendre les formes pour les principes. Cela ne contribue évidemment pas à la clarté des débats. Il faut aussi considérer qu’il existe des intérêts, et donc une tendance politique, vouloir déposséder les peuples de leur souveraineté et que cette tendance trouve un écho tant dans les difficultés (réelles) de concevoir des formes de mise en œuvre que dans la volonté de trouver des raccourcis entre des problèmes (eux aussi réels) et des solutions. La question d’un potentiel droit international de l’environnement résume assez bien le risque d’aboutir, pour les meilleures intentions du monde, à un droit tyrannique.

Notes

[1] Bodin, J., (1576, 1986), Les six livres de la République, Paris, éd. Fayard, Livre I, chap. X, p. 306.
[2] Haquet, A., (2004), Le concept de souveraineté en droit constitutionnel français, Paris, éd. PUF.
[3] Sauvé J.M., (2015), « Quelle souveraineté juridique pour les Etats et pour l’Union ? », Conseil d’Etat, http://www.conseil-etat.fr/content/download/49222/430858/version/2/file/Quelle%20souverainete%20juridique%20pour%20les%20Etats%20et%20pour%20l%20Union.pdf
[4] Voir Rosenberg D., (2013), « Quelques observations sur la souveraineté économique de l’Etat post-moderne », in Coll, Penser la science administrative dans la post-modernité, Mélanges en l’honneur de Jacques Chevalier, Paris, Librairie Générale du Droit et de la Jurisprudence.
[6] Carayon B., (2005), Patriotisme économique, de la guerre à la paix économique, Monaco, Le Rocher.
[7] Cette contestation a commencé for tôt : Vernon R., (1968), « Economic Sovereignty at Bay », in Foreign Affairs, octobre 1968, https://www.foreignaffairs.com/articles/1968-10-01/economic-sovereignty-bay
[8] Cohen D., (2017), « Economic sovereignty : a delusion », https://www.socialeurope.eu/economic-sovereignty-delusion
[9] Donohoe P., (2013), « Economic Sovereignty and our National Question », in Studies: An Irish Quarterly Review, Vol. 102, No. 405, pp. 19-29.
[10] Strange S., (1996), The Retreat of the State: The Diffusion of Power in the World Economy, New
York, Cambridge University Press.
[11] Présenté en 1996 pour la première fois. Voir : http://www.fao.org/wfs/begin/paral/cngo-f.htm
[12] Krasner S. (2002), « Globalization and sovereignty » in Smith D., Solinger D., Topik S. (ed), (2002), States and Sovereignty in the Global Economy, Londres, Routledge, pp.34-52.
[13] Chang Ha-Joon, (2007), Bad Samaritians  the Myth of Free Trade and Secret History of Capitalism, Londres, Bloomsbury Publishing PLC.
[14] Wedel J.R., (1998), Collision and Collusion – The strange case of Western Aid to eastern Europe, 1989-1998, New York, St Martin’s Press.
[15] Sapir J. (2000), “Le FMI et la Russie: conditionnalité sous influence”, Critique Internationale, n°6, hiver 2000, pp. 12-19.
[16] Camdessus M., (1999), in Libération, 31 août 1999, p.3. Voir aussi, Stiglitz J. E., (1999), “Quis Custodiet Ipsos Custodes?”, Keynote Address, Annual Bank Conference on Development Economics – Europe, Governance, Equity and Global Markets, Banque Mondiale et CAE, Paris, 21-23 juin.
[17] Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.
[18] Schmitt C., (1922, 1988), Théologie politiqueI, Paris, Gallimard ; voir le chapitre I de l’ouvrage.
[19] Bodin J., (1993), Les Six Livres de la République, (1575), Librairie générale française, Paris, Le livre de poche, LP17, n° 4619. Classiques de la philosophie.
[20] Balakrishnan G., (2002) The Ennemy: An intellectual portait of Carl Schmitt, Verso. Voir aussi Kervégan J-F, (2011), Que Faire de Carl Schmitt, Paris, Gallimard, coll. Tel Quel.
[21] Hirst P., (1999), “Carl Schmitt’s Decisionism” in C. Mouffe, (ed.), The Challenge of Carl Schmitt, Londres, Verso, pp. 7-17
[22] G. Agamben, Etat d’exception – Homo Sacer, Seuil, Paris, 2003, p.40.
[23] Schmitt C., La dictature [1921], Paris, Seuil, 2000
[24] Schmitt C., Théologie Politique, op.cit.
[25] Schmitt C., Théologie politiqueI chapitre I, op.cit., p.16.
[26] Tuchscherer E., « Le décisionnisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre » in Mots – Les langages du Politique n°73, 2003, pp 25-42.
[27] Schmitt C., Théologie politique I, op.cit. p. 23.
[28] Burdeau G., (1972), Droit Constitutionnel et Institutions Politiques, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 15ème édition, pp. 28-29.
[29] Combacau J., (2001), « La Souveraineté Internationale de l’Etat dans la Jurisprudence du Conseil Constitutionnel », Paris, Cahiers Du Conseil Constitutionnel, N° 9 (Dossier : Souveraineté De L’Etat et Hiérarchie Des Normes) – Février , https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-souverainete-internationale-de-l-etat-dans-la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-francais
[30] Bourdin B., Sapir J., (2017), Souveraineté, Nation, Religion – Dilemme ou réconciliation ? Paris, ed. du Cerf.
[31] Moatti C., (2018), Res publica – Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, coll. Ouvertures, p. 8.
[32] Maingueneau D., « De la République romaine à la République française : exemple historique et scénographie », Argumentation et Analyse du Discours, mis en ligne le 09 avril 2016, URL : http://journals.openedition.org/aad/2102
[33] Moatti C., Res Publica, op.cit., p. 26.
[34] Cicéron De la République [De re publica], T-1, Trad. Esther Breguet, Paris, Les Belles Lettres, 1980, I.26.41.
[35] Moatti C., Res Publica, op.cit., p. 27.
[36] Moatti C., Res Publica, op.cit., p. 34.
[37] Moatti C., Res Publica, op.cit., p. 35.
[38] Formule antérieure à celle, plus connue, de Senatus Populusque Romanum, qui date, elle, de la période d’Auguste.
[39] Moatti C., (2018), Res Publica, op.cit., p. 45.
[40] Moatti C., (2018), Res Publica, op.cit., p. 43.
[41] Pani M., (1997), La politica in Roma antica – Cultura et praxi, Rome, Feltrinelli.
[42] Ce que je soulignais dans Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.
[43] Voir Lukacs G., Histoire et conscience de classe. Essais de dialectique marxiste. Paris, Les Éditions de Minuit, 1960, 383 pages. Collection « Arguments »
[44] Bretone M., (1975), Technice i ideologie des giuristi romani, Naples, EDI.
[45] Bretone M., Technice i ideologie des giuristi romani, op.cit., p. 17.
[46] Moatti C., (2018),, Res Publica, op.cit., p. 81.
[47] Astin A.E., (1967),Scipio Aemilianus, Oxford, Oxford University Press.
[48] Wiseman T.P., (2010), « The Two-Headed State. How Romans explained civil wars » in Breed B.W., Damon C. et Rossi A. (eds), (2010), Citizens of Discord : Rome and its civil wars, Oxford-New York, Oxford University Press, p. 25-44
[49] Fiori R., (1996), Homo Sacer. Dinamica politico-constituzionale di une sanzione giudiciaro-religioso, Naples, Jovene Editore.
[50] Mantovani D., (1989), Il problema d’origine della accusa populare. Della « questio » unilaterale alla « questio » bilaterale, Padoue, CEDAM.
[51] Magdelain A., (1943), Essai sur l’origine de la sponsio, Paris, TEPAC, 1943.
[52] Nicolet C. (1972), « Les lois judiciaires et les tribunaux de concussion » in ANRW (AUFSTIEG UND NIEDERGANG DER RÖMISCHEN WELT) Vol. II, n°2, p. 193-214
[53] Licandro O., (1999), In magistratus damnari. Ricerche sulla responsabilita del magistrati romani durante l’exercizio delle funzioni, Turin, Giapichelli.
[54] Moatti C., (2018), Res Publica, op.cit., p. 85-89.
[55] Moatti C., (2018), Res Publica, op.cit., p. 92-94.
[56] Weber M., (1963), Le Savant et le Politique, UGE, coll. 10/18, Paris.
[57] Simmel G., (1900, 1978), Philosophy of Money, Londres, Routledge, (publié originellement sous le titre Philosophie des Geldes) ; Deutschmann C., (1996), “Monney as a Social Construction: on the Actuality of Marx and Simmel”, Thesis Eleven, n°47, novembre, pp. 1-20
[58] CJUE, (2015), Grande chambre, 16 juin 2015, Peter Gauweiler, C-62/14.
[59] Voir Commons J., (1968), Legal Foundation of Capitalism, Madison, Univ. Of Wisconsin.
[60] Commons J., (1968), Legal Foundation of Capitalism, op.cit., pp. 62-64.
[61] Williamson O.E., (1985), The Economics Institutions of Capitalism, New York, The Free Press, p. 20.
[62] Dugger W. M., (1992), « An Evolutionary View of the State and the Market » in W.M. Dugger et W.T. Waller, edits, (1992), The Stratified State, Armonk, M.E. Sharpe, pp. 87-115.
[63] Grotius H. (1625, 2012), Le droit de la guerre et de la paix, [De Jure Belli ac Pacis] Paris, PUF, coll. Quadrige, Prolégomènes XVII.
[64] Goyard-Fabre S., (1991), “Y-a-t-il une crise de la souveraineté?”, in Revue Internationale de Philosophie, Vol. 45, n°4, pp. 459-498, p. 480-1.
[65] Idem, p. 485.
[66] Simon H.A., (1978), “Rationality as a process and as a Product of thought” in American Economic Review, vol. 68, n°2, pp. 1-16 ; Idem, (1976), “From Substantive to Procedural Rationality”, in S.J. Latsis, (ed.), (1976), Method ans Appraisal in Economics, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 129-148.
[67] Cohen E., (2001), L’ordre économique mondial – Essai sur les autorités de régulation, Fayard, Paris, pp. 90-96.
[68] Holmes S., (1988), “Gag rules or the politics of omission”, in J. Elster & R. Slagstad, (eds.), (1988), Constitutionalism and Democracy, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 19-58.
[69] L’argument est cité dans l’ouvrage classique sur l’histoire constitutionnelle des États-Unis, McLaughlin A. (1935), A Constitutional History of the United States, Appleton, Century-Crofts, New York; voir l’intervention du Sénateur Benton citée p. 509.
[70] Voir le classique, Johannsen R., (1965), (ed), The Lincoln-Douglas Debates, Londres et New York, Oxford University Press.
[71] Dupuy R.J., (1963), Le Droit International, Paris PUF.
[72] Voir Sapir J., La démondialisation, Paris, Seuil, 2011.
[73] Ohlin B., (1933), Interregional and International Trade, Cambridge, Harvard University Press ; W. Stomper, P. Samuelson, (1941), « Protection and Real Wages », Review of Economic Studies, n° 9, novembre, p. 58-67
[74] Duchin F., (2000), « International Trade: Evolution in the Thought and Analysis of Wassily Leontief », disponible sur www.wassily.leontief.net/PDF/Duchin.pdf . Voir aussi plus récemment Krugman P., (2010), « A Globalization Puzzle », 21 février 2010, disponible sur krugman.blogs.nytimes.com/2010/02/21/a-globalization-puzzle.
[75] MacEwan A., (1999), Neo-Liberalism or Democracy?: Economic Strategy, Markets and Alternatives For the 21st Century, New York, Zed Books.
[76] Beffa J-L., (2002), « Pourquoi les modes de gestion continuent à différer : le cas de Saint-Gobain » in R. Boyer et P.-F. Souyri (dir.), (2002), Mondialisation et Régulation, Paris, La Découverte.
[77] Chang H-J., (2002), Kicking Away the Ladder: Development Strategy in Historical Perspective, Londres, Anthem Press.
[78] « À propos du TTIP » sur le site officiel de la commission européenne (http://ec.europa.eu ), Commission européenne, 1 avril 2015 : http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/about-ttip/index_fr.htm
[79] Gallagher K et T. Wise, (2006), « Is Development Back in Doha Round? », Policy Brief, n° 18, Genève, South Centre, novembre 2009. Pour un travail plus ancien voir S. Polaski, « Winners and Losers: The Impact of the Doha Round on Developing Countries », Carnegie Endowment for International Peace, Washington.
[80] Vidigal G., (2013), “From Bilateral to Multilateral Law-making: Legislation, Practice, Evolution and the Future of Inter Se Agreements in the WTO,” in European Journal of International Law, vol. 24, 2013, pp. 1027-1050.
[81] Francois, J., H. Van Meijl, and F. Van Tongeren (2005) “Trade Liberalization in the Doha Development Round.” In Economic Policy 20 (42): 350–91
[84] « Accord économique et commercial global (AECG) », sur Europa, 27 septembre 2016, http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ceta/index_fr.htm ,
[85] « TAFTA, CETA : des traités climaticides qui menacent nos démocraties », Fondation Nicolas Hulot, 2017, http://www.fondation-nicolas-hulot.org/action/tafta-ceta-des-traites-climaticides-qui-menacent-nos-democraties?gclid=CPOTm57L7s8CFUEaGwod6mMP8Q
[86] Kohler P. and S. Storm, (2016), CETA Without Blinders: How Cutting ‘Trade Costs and More’ Will Cause Unemployment, Inequality and Welfare Losses, Global Development And Environment Iinstitute, Working Paper N° 16-03, Medford, Tufts University.
[87] Trade Justice Network (2016) “CETA and Food Sovereignty – Trade Justice Network.” Available from: http://tradejustice.ca/ceta/ceta-and-food-sovereignty/ .
[88] Capaldo, J , A. Izurieta, et J. Kwame Sundaram (2016) “Trading Down: Unemployment, Inequality and Other Risks of the Trans-Pacific Partnership Agreement.” GDAE Working Paper 16-01. GDAE, Tufts University. Available from: https://ideas.repec.org/p/dae/daepap/16-01.html
[89] McGinnis J.O., (2003), “The Appropriate Hierarchy of Global Multilateralism and Customary International Law: The Example of the WTO,” in Virginia Journal of International Law, vol. 44, pp. 225-237.
[90] « Déclaration conjointe du premier ministre et du président de la Commission européenne sur l’établissement d’une date pour l’application provisoire de l’Accord économique et commercial global », site du Premier ministre du Canada, déclaration faite à Hambourg, 8 juillet 2017, http://www.pm.gc.ca/fra/nouvelles/2017/07/08/declaration-conjointe-du-premier-ministre-et-du-president-de-la-commission
[91] Orsenna, E. (2007) Un monde de ressources rares. Perrin, Paris
[92] Le Billon, P. et Serfati C. (2007) Mondialisation et conflits de ressources naturelles in Ecologie et politique n° 34. Le Billon, P. (2007) Guerre pour les ressources, une face visible de la mondialisation in Ecologie et politique n° 34.
[93] Voir « Résolution du Conseil économique et social no 586 » D (XX), UN Yearbook1955, pp. 158-160
[94] Schrijver, N., (1988), « Permanent sovereignty over natural resources versus the common heritage of mankind: complementary or contradictory principles of international economic law ? », in De Waart, P., Peters, P., Denters, E., (1988), International Law and Development, Dordrecht, Nijhoff, pp. 87-101.
[95] Rosenberg D., (1983), Le principe de souveraineté des Etats sur les ressources naturelles, Paris, Librairie Générale du Droit et de la Jurisprudence.
[96] Fischer G., (1962), « La souveraineté sur les ressources naturelles », In Annuaire français de droit international, volume 8, pp. 516-528
[97] Wu K. (2014), « China’s energy security: Oil and gas » in Energy Policy, Vol. 73, pp. 11–4
[98] Carbonnier, G., (2008), « Les négociations multi-parties prenantes : l’exemple de l’Initiative de transparence des industries extractives », in Relations internationales, IV, pp. 101-113.
[99] Sapir J., (2006), « Energobezopasnost’ kak vseobchtchee blago » La sécurité énergétique comme bien collectif in Rossija v Global’noj Politike, n°6, Novembre-Décembre.
[100] Voir la plainte des Sami contre l’Etat finlandais : UN, « Affaire Länsman et consorts c. Finlande (III) », communication no 1023/2001, 83ème session, conclusions du 17 mars 2005.
[101] Moulier, I., (2013), « La responsabilité des entreprises transnationales et de leurs dirigeants : approche extraterritoriale et internationale », in Ailincai, M., Lavorel, S. (dir.), (2013), Exploitation des ressources naturelles et protection des droits de l’homme, Paris, Pedone, 252 p
[102] Desmarais, F., (2006), « Le consentement préalable, libre et déclarées peuples autochtones en droit international : la nécessaire redéfinition de son cadre conceptuel », in Revue Québécoise de Droit International, vol. 19, n°I, pp. 161-210.
[103] Sapir J., (2004), “Estestvennye monopolii: problemy opredelenija i kontrolja” (les monopoles naturels: problèmes de définition et de contrôle) in Problemy Prognozirovanija, n°6, pp. 42-55.
[104] Majlis, N., (2014), «L’extraction du gaz de schiste (shale gas) par fracturation hydraulique : une menace environnementale», Les cahiers psychologie politique [En ligne], numéro 25, Juillet 2014. URL : http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=2861 . Gaz de schiste et interdiction de la fracturation hydraulique. Principe de précaution et de prévention -Charte de l’environnement. Conseil constitutionnel, décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013, Société Schuepbach Energy LLC, JORF n° 0239 du 13 octobre 2013, p. 16905, texte n° 20.
[105] Charles P., J. Profaizer, S. Cooper et I. Timofeyev, (2015), «Investment disputes involving the renewable energy industry under the Energy Charter Treaty», in D. Bishop et G. Kaiser (éditeurs), (2015), The Guide to Energy Arbitrations, Londres, Law Business Research. Yafimava K., (2011), The Transit Dimension of EU Energy Security, Oxford, Oxford University Press.
[106] Belyi A., (2014), «International Energy Governance: Weaknesses of Multilateralism», in International Studies Perspectives, vol. 15, p. 313-328.
[107] Wilson B., (2017), La Charte de l’Energie, EPRS, Bruxelles ; http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2017/607297/EPRS_IDA(2017)607297_FR.pdf
[108] Article 1 de la loi 92-3 du 3 janvier 1992.
[109] Ce fut le cas de la Compagnie générale des eaux (aujourd’hui groupe Veolia Environnement) et de la créé le 2 février 1880 la Lyonnaise des eaux, crée par le Crédit lyonnais devenue aujourd’hui le groupe Suez.
[110] En particulier à Paris, « Eau: Paris coupe le robinet au privé » in NouvelObs.com, 24 novembre 2008
[113] Pani M., (1997), La politica in Roma antica – Cultura et praxi, op.cit..
[114] Sassen S., (2002), « Embedding the global in the national – implications for the role of the state » in Smith D., Solinger D., Topik S. (ed), (2002), States and Sovereignty in the Global Economy, Londres, Routledge, pp.158-171.
[115] Biersteker T., (1980), « The Illusion of State Power: Transnational Corporations and the
Neutralization of Host-Country Legislation » in, Journal of Peace Research, 17 (no.3), pp.
207– 221.
[116] Vlcek W., (2008), Offshore Finance and Small States- Sovereignty, Size and Money, New York, Palgrave-Macmillan.
[117] CJUE, (2014), Google Spain SL, Google Inc. c/ Agencia Española de Protección de Datos (AEPD), Mario Costeja González, arrêt de la Grande chambre, 13 mai 2014 C-131/12, § 56-57.
[119] Vidigal G., (2013), “From Bilateral to Multilateral Law-making: Legislation, Practice, Evolution and the Future of Inter Se Agreements in the WTO,” in European Journal of International Law, op.cit.. McGinnis J.O., (2003), “The Appropriate Hierarchy of Global Multilateralism and Customary International Law: The Example of the WTO,” in Virginia Journal of International Law.
[120] OCDE, Direction des affaires financières et des entreprises, (2004), Relations entre les accords internationaux sur l’investissement, documents de travail sur l’investissement international, Numéro 2004/1, Paris, OCDE.
[121] CC n°92-308 DC du 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne (« Maastricht I »), cons. 13.
[123] Kaul I., Grunberg I., M. A. Stern, dir. (1999), Global Public Goods. International Cooperation in the 21st Century, Londres et New York, Oxford University Press.
[124] Gabas J-J. et P. Hugon, (2001), « Les biens publics mondiaux et la coopération internationale », in L’Economie Politique, n°12, pages 19 à 31.
[125] Petit Y., (2011), « Le droit international de l’environnement a la croisée des chemins : globalisation versus souveraineté nationale », in Revue juridique de l’environnement n°1 (Volume 36), pages 31 à 55
[126] Cohen B.J., (2008), International Political Economy: An Intellectual History, Princeton, Princeton University Press ; Paquin S., (2009), Économie politique internationale, Paris, Montchrestien ; Berthaud P., G. Kébabdjian, (2006), La question politique en économie internationale, Paris, La Découverte.
[127] Goyard-Fabre S., (1991), “Y-a-t-il une crise de la souveraineté?”, op.cit.

[128] C’est le cas de Gabas J-J. et P. Hugon, (2001), « Les biens publics mondiaux et la coopération internationale », op.cit.

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