La Chine prend peu à peu ses distances avec le dollar
Pékin achète de plus en plus de dette japonaise, et la part de l'euro dans les réserves de la Banque centrale serait passée de 18% à 23% au cours des cinq dernières années.
Ecrit par
Gabriel Gresillon et Yann Rousseau
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Pékin est-il en train de prendre ses distances avec le dollar ? La question est à nouveau d'actualité, depuis qu'une petite phrase a « fuité », mercredi 8 juin, sur un site internet chinois, avant d'être effacée. Guan Tao, qui dirige le département des paiements internationaux de l'Administration chinoise du taux de change, a en effet déclaré qu'il fallait « rester vigilant face aux risques économiques et politiques d'une détention excessive d'actifs en dollars » avant de pointer du doigt le fait que les Etats-Unis « risquent de trouver difficile de résister à la tentation d'affaiblir le dollar ». Les propos ont été retirés du site Internet qui les relayait, et leur auteur s'est employé à en minimiser l'importance, expliquant que ce point de vue « personnel » n'engageait en rien la position de l'administration chinoise.
Mais, depuis plusieurs années, Pékin ne cache pas son souhait de diversifier ses colossales réserves de change. Lentement mais sûrement, il joint les actes à la parole. La part de l'euro dans les réserves de la Banque centrale serait ainsi passée de 18% à 23% au cours des cinq dernières années, tandis que le dollar serait désormais au-dessous de la barre des 70%. La Banque centrale acquiert également de nouvelles devises, comme le Won coréen. De même, la dette japonaise retrouve les faveurs de la Banque centrale chinoise. Depuis qu'elles ont commencé à mesurer en 2005 les achats de dette japonaise par la Chine, les autorités de Tokyo n'avaient jamais enregistré une telle progression de l'appétit de Pékin. Hier, le ministère des Finances nippon a révélé que les investissements chinois nets dans des obligations japonaises de long terme avaient atteint en avril dernier 1.330 milliards de yens (16,6 milliards de dollars). En mars, ces achats nets, qui durent sans discontinuer depuis maintenant six mois, avaient été mesurés à 234 milliards de yens.
Bref, les experts estiment que Pékin continue d'accélérer ses placements dans des actifs non libellés en dollars. « Avec des réserves de change qui dépassent les 3.000 milliards de dollars, la Chine veut absolument diversifier ses investissements », résume Masanari Takada, un stratégiste de Nomura avant de rappeler que les achats de dette à long terme en yens sont perçus comme peu risqués et peu touchés par les pressions inflationnistes qui concernent d'autres actifs. Le chercheur note que la plupart des investisseurs étrangers ont d'ailleurs accéléré, en avril, leurs achats d'obligations japonaises de moyen et long terme.
Pour autant, la rapidité avec laquelle la petite bombe prononcée par Guan Tao a été désamorcée illustre la complexité de la position de la Chine. Pour plusieurs raisons, celle-ci ne peut pas réellement s'affranchir du billet vert.
La première est le flux constant de dollars qui rentrent sur le territoire, via les investissements extérieurs et l'excédent commercial. « A moins d'un investissement massif dans des actifs libellés dans une autre devise, Pékin est contraint à placer l'essentiel de ses actifs en dollars », note un spécialiste de la Banque centrale. Or, et c'est la deuxième explication, l'hypothèse d'un très fort investissement dans une autre devise est elle-même difficilement envisageable. Elle présente le risque d'entraîner des mouvements contre-productifs sur le marché des changes. Tout achat substantiel d'euro risque d'être compris par le marché, et amplifié par celui-ci, ce qui précipiterait la baisse relative du dollar, et donc celle de la valeur des réserves chinoises. Pékin ne vend donc du dollar qu'à petite dose, et le fait lorsque le billet vert progresse.
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