La Grèce en faillite en 2012. Nous aussi ?
Jean-Louis Dell'Oro
L'information est loin de faire les gros titres des journaux économiques. Il pourrait pourtant s'agir d'une avancée vers notre propre faillite. Le gouvernement français demande aux parlementaires d'augmenter de 48 milliards d'euros la garantie de la France au Fonds européen de stabilité financière (FESF), l'un des mécanismes anti-faillite des pays de la Zone euro. En termes plus clairs, cela signifie qu'en cas de défaut de paiement d'un Etat (au hasard la Grèce), le contribuable français devra se saigner.
"Le gouvernement va déposer un amendement au collectif budgétaire portant de 111 milliards à 159 milliards d'euros la quote-part garantie par la France au Fonds européen de stabilité financière", explique l'édition de lundi des Echos. Cela représente 48 milliards d'euros, pratiquement 10 kerviels, notre unité de crise (1 kerviel = 5 milliards d'euros). On se souviendra qu'en 2008, cinq "malheureux" milliards d'euros pouvaient déstabiliser la finance mondiale. Aujourd'hui, cela passe inaperçu.
Le but de la manoeuvre est assez simple. Alors que les négociations vont bon train sur un deuxième plan d'aide en faveur de la Grèce (évoque de 85 à 95 milliards d'euros supplémentaires), le FESF a besoin d'emprunter plus. Cette structure est en effet censée aider les pays surendettés en empruntant à leur place de l'argent qu'on ne possède pas non plus. Actuellement, sa capacité de prêt est de "seulement" 250 milliards d'euros, soit plus que le PIB de la Grèce en 2010.
Mais cela ne sera pas suffisant. Pour éviter (disons plus sûrement retarder) la faillite des PIGS, les autorités européennes estiment que le Fonds devrait avoir une capacité de prêt de 440 milliards d'euros. Et comme tout bon débiteur, il a besoin que quelqu'un se porte garant. C'est là qu'interviennent la France et les autres pays de la Zone euro dont la dette est notée triple A. La France ne fait ici que respecter l'accord trouvé lors du sommet européen du 24 mars dernier sur l'augmentation des garanties des Etats au FESF.
Le défaut de la Grèce de plus en plus probable
Le problème, bien évidemment, c'est qu'un défaut de paiement de la Grèce semble de plus en plus probable. Ce qui pourrait avoir de graves conséquences pour nos finances publiques. C'est d'ailleurs cela qui pousse les pays européens à accepter un deuxième plan d'aide à la Grèce, alors qu'on parlait jusqu'ici d'un "reprofilage" ou d'une "restructuration douce" de la dette grecque.
Les marchés sont particulièrement nerveux sur la question. Il suffit de regarder l'évolution des CDS. Les credit default swap, ce sont ces assurances contre le défaut de paiement d'un pays. Plus le risque de non remboursement des créances est fort, plus cette assurance coûte chère. Celle-ci se déclenche dans trois cas de figure : un défaut de paiement pur et simple, une répudiation ou moratoire, une restructuration. Or, les agences de notation ont déjà prévenu que toute forme de "reprofilage" de la dette grecque serait assimilée à un défaut.
D'après le niveau des CDS, les investisseurs pensent qu'un défaut de la Grèce est plus probable que celui de pays comme le Venezuela, le Pakistan ou encore l'Irak. Plus inquiétant, comme le souligne AXA IM dans une note datée du 31 mai : "la courbe de spreads CDS de la Grèce a une pente décroissante, ce qui est typique des noms proches du défaut. Cela traduit le fait que le marché attribue une probabilité de défaut élevée à court terme". Autrement dit, la probabilité de défaut de la Grèce est plus forte à 1 ans qu'à 3 ans, plus forte à 3 ans qu'à 5 ans, etc.
Les analystes de CreditSights sont du même avis dans une note du 30 mai et estiment que "le marché croit qu'un événement de crédit (comme une restructuration) est probable quelque part dans la première moitié de l'année 2012". Pour CreditSights, ce sont les craintes sur les difficultés de financement de la Grèce sans perfusion qui inquiètent les investisseurs. Les carottes seraient donc bientôt cuites pour la Grèce.
Quelles conséquences pour la France ?
En cas de faillite de la Grèce, le FESF ne sera plus remboursé par Athènes. Les garants, dont la France, vont devoir prendre le relai pour que le FESF puisse rembourser les institutions auxquelles il a emprunté. Si le fameux amendement passe, la France sera alors exposée à hauteur de 159 milliards d'euros. Cela représente 10% de notre dette publique actuelle (1 591,2 milliards d'euros au quatrième trimestre 2010, soit 82,3% du PIB selon l'Insee). Cela équivaut également à peu de choses près au déficit budgétaire de l'année dernière (7,1% du PIB).
La France s'est engagée à réduire son déficit public à 5,7% en 2011 (contre 6,0% envisagé initialement) puis 4,2% en 2012 et 3,0% en 2013. L'agence Fitch, qui vient de confirmer la note AAA de la France, a prévenu qu'un "écart important par rapport à ces objectifs mettrait la note AAA de la France sous pression baissière". Un défaut de paiement de la Grèce pourrait donc remettre en cause la note de la France et nous faire basculer du mauvais côté : celui des pays insolvables.
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