Brève histoire de l’OTAN de 1991 à nos jours.
Manlio DINUCCI
L’Otan, fondée le 4 avril 1949, comprend pendant la guerre froide seize pays : Etats-Unis, Canada, Belgique, Danemark, France, République fédérale allemande, Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Turquie. A travers cette alliance, les Etats-Unis conservent leur domination sur les alliés européens, en utilisant l’Europe comme première ligne dans la confrontation, y compris nucléaire, avec le Pacte de Varsovie. Ce dernier, fondé le 14 mai 1955 (six ans après l’Otan), comprend Union Soviétique, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Pologne, République démocratique allemande, Roumanie, Hongrie, Albanie (de 1955 à 1968).
DE LA GUERRE FROIDE À L’APRÈS-GUERRE FROIDE
En 1989 survient l’ « écroulement du Mur de Berlin » : c’est le début de la réunification allemande qui se réalise quand, en 1990, la République Démocratique se dissout en adhérant à la République Fédérale d’Allemagne. En 1991 se dissout le Pacte de Varsovie : les pays de l’Europe centre-orientale qui en faisaient partie ne sont alors plus alliés de l’URSS. Dans la même année, se dissout l’Union Soviétique : à la place d’un unique état s’en forment quinze.
La disparition de l’URSS et de son bloc crée, dans la région européenne et centre-asiatique, une situation géopolitique entièrement nouvelle. Dans le même temps, la désagrégation de l’URSS et la profonde crise politique et économique qui frappe la Russie signent la fin de la superpuissance en mesure de rivaliser avec celle des Etats-Unis.
La guerre du Golfe de 1991 est la première guerre, dans la période suivant le second conflit mondial, que Washington ne justifie pas par la nécessité de contenir la menaçante avancée du communisme, justification qui a été à la base de toutes les précédentes interventions militaires étasuniennes dans le « tiers monde », de la guerre de Corée à celle du Vietnam, de l’invasion de la Grenade à l’opération contre le Nicaragua. Avec cette guerre les Etats-Unis renforcent leur présence militaire et leur influence politique dans l’aire stratégique du Golfe persique, où se concentre une grande partie des réserves pétrolières mondiales.
En même temps Washington lance à ses adversaires, ex adversaires et alliés un message sans équivoque. Il est contenu dans la National Security Strategy of the United States (Stratégie de la sécurité nationale des Etats-Unis), le document par lequel la Maison Blanche énonce, en août 1991, sa nouvelle stratégie.
« Malgré l’émergence de nouveaux centres de pouvoir - souligne le document signé par le président- les Etats-Unis restent le seul Etat avec une force, une portée et une influence en toutes dimensions - politique, économique et militaire - réellement mondiales. Dans les années 90, tout comme pour la grande partie de ce siècle, aucun substitut n’existe au leadership américain ».
Six mois après la directive présidentielle, un document provenant du Pentagone - Defense Planning Guidance for the Fiscal Years 1994-1999 (Guide pour la planification et la Défense pour les années fiscales 1994-1999), filtré à travers le New York Times en mars 1992, clarifie ce qui dans la directive présidentielle devait rester nécessairement implicite : le fait que, pour exercer leur leadership mondial, les Etats-Unis doivent empêcher que d’autres puissances, y compris les anciens et les nouveaux alliés, ne puissent devenir des concurrentes : « Notre premier objectif est d’empêcher la réémergence d’un autre rival, sur le territoire de l’Union Soviétique ou ailleurs, qui pose une menace de l’ordre de celle précédemment posée par l’Union Soviétique. Nous devons empêcher qu’aucune autre puissance hostile ne domine une région dont les ressources, si elles étaient étroitement contrôlées, suffiraient à générer une puissance mondiale. Ces régions comprennent l’Europe occidentale, l’Asie orientale, le territoire de l’ex Union Soviétique et l’Asie sud-occidentale ».
Dans un tel cadre, souligne le document, « il est d’ une importance fondamentale de préserver l’Otan comme principal instrument de la défense et de la sécurité occidentales, ainsi que comme canal de l’influence et de la participation étasuniennes dans les affaires de la sécurité européenne. Tandis que les Etats-Unis soutiennent l’objectif de l’intégration européenne, ils doivent essayer d’empêcher la création de dispositifs de sécurité uniquement européens, qui mineraient l’Otan, en particulier la structure de commandement de l’Alliance », c’est-à-dire le commandement USA.
LE NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE DE L’OTAN
Pendant qu’ils réorientent leur propre stratégie, les Etats-Unis font pression sur l’Otan pour qu’elle en fasse autant. Pour eux il est de première urgence de redéfinir non seulement la stratégie, mais le rôle-même de l’Alliance atlantique. Avec la fin de la guerre froide et la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’Union Soviétique même, se dissipe en effet la motivation de la « menace soviétique » qui a maintenu jusque là la cohésion de l’Otan sous l’indiscutable leadership étasunien : le danger existe donc que les alliés européens fassent des choix divergents voire jugent l’Otan inutile dans la nouvelle situation géopolitique qui s’est créée dans la région européenne.
Le 7 novembre 1991 (après la première guerre du Golfe, à laquelle l’Otan a participé non officiellement en tant que telle, mais avec ses forces et structures), les chefs d’Etat et de gouvernement des seize pays de l’Otan, réunis à Rome dans le Conseil atlantique, lancent « Le nouveau concept stratégique de l’Alliance ». « Contrairement à la menace prédominante du passé - affirme le document- les risques qui demeurent pour la sécurité de l’Alliance sont de nature multiforme et multidirectionnels, chose qui les rend difficiles à prévoir et évaluer. Les tensions pourraient conduire à des crises dommageables pour la stabilité européenne et jusqu’à des conflits armés, qui pourraient engager des puissances extérieures ou se répandre jusqu’à l’intérieur des pays de l’Otan ». Face à ces risques et d’autres, « la dimension militaire de notre Alliance reste un facteur essentiel, mais le fait nouveau est qu’elle sera plus que jamais au service d’un ample concept de sécurité ».
En définissant le concept de sécurité comme quelque chose qui n’est pas circonscrit à l’aire nord-atlantique, on commence à dessiner la « Grande Otan ».
Le « nouveau concept stratégique » de l’Otan se trouve mis en pratique dans les Balkans, où la crise de la Fédération Yougoslave, due aux oppositions entre les groupes de pouvoir et aux poussées centrifuges des républiques, a atteint le point de rupture.
En novembre 1990, le Congrès des Etats-Unis approuve le financement direct de toutes les nouvelles formations « démocratiques » de la Yougoslavie, encourageant ainsi les tendances sécessionnistes. En décembre, le parlement de la République croate, contrôlé par le parti de Franjo Tudjman, établit une nouvelle constitution par laquelle la Croatie est « patrie des Croates » (et non plus des Croates et des Serbes, peuples constituants de la république) et est souveraine sur son territoire. Six mois plus tard, en juin 1991, outre la Croatie, c’est la Slovénie qui proclame sa propre indépendance. Immédiatement après, éclatent des affrontements entre l’armée fédérale et les indépendantistes. En octobre, en Croatie, le gouvernement Tudjman expulse plus de 25 mille Serbes de la Slavonie, tandis que ses milices occupent Vukovar. L’armée fédérale répond, en bombardant et occupant la ville. La guerre civile commence à s’étendre, mais pourrait encore être arrêtée.
La voie qui vient d’être prise est au contraire diamétralement opposée : l’Allemagne, engagée à étendre son influence économique et politique dans la région des Balkans, en décembre 1991 reconnaît unilatéralement Croatie et Slovénie comme états indépendants. Conséquence : le jour suivant les Serbes de Croatie proclament à leur tour l’autodétermination, en constituant la République serbe de la Krajina. En janvier 1992 l’Europe des douze reconnaît aussi, outre la Croatie, la Slovénie. Dès lors s’enflamme aussi la Bosnie-Herzégovine qui, à petite échelle, représente la gamme complète des nœuds ethniques et religieux de la Fédération Yougoslave.
Les casques bleus de l’Onu, envoyés en Bosnie comme force d’interposition entre les factions en lutte, vont être volontairement laissés en nombre insuffisant, sans moyens adaptés et sans directives précises, finissant par devenir otages au milieu des combats. Tout concourt à démontrer la « faillite de l’Onu » et la nécessité que ce soit l’Otan qui prenne en main la situation. En juillet 1992 l’Otan lance la première opération de « réponse à la crise », pour imposer l’embargo à la Yougoslavie.
En février 1994, des avions Otan abattent des avions serbo-bosniaques qui violent l’espace aérien interdit sur la Bosnie. C’est la première action de guerre depuis la fondation de l’Alliance. Avec elle l’Otan viole l’article 5 de sa propre charte constitutive, puisque l’action guerrière n’est pas motivée par l’attaque d’un membre de l’Alliance et est effectuée en dehors de son aire géographique.
LA GUERRE CONTRE LA YOUGOSLAVIE
L’incendie ayant été éteint en Bosnie (où le feu couve sous la cendre de la division en états ethniques), les pompiers de l’Otan courent jeter de l’essence sur le foyer du Kosovo, où depuis des années est en cours une revendication d’indépendance par la majorité albanaise. A travers des canaux souterrains en grande partie gérés par la Cia, un fleuve d’armes et de financements, entre fin 1998 et début 1999, va alimenter l’Uck (Armée de libération du Kosovo), bras armé du mouvement séparatiste kosovar-albanais. Des agents de la Cia déclareront ensuite être entrés au Kosovo en 1998 et 1999, en habits d’observateurs de l’OSCE chargés de vérifier le « cessez-le-feu », fournissant à l’Uck des manuels étasuniens d’entraînement militaire et des téléphones satellitaires, afin que les commandants de la guérilla puissent être en contact avec l’Otan et Washington. L’Uck peut ainsi déclencher une offensive contre les troupes fédérales et les civils serbes, avec des centaines d’attentats et d’enlèvements. Alors que les affrontements entre les forces yougoslaves et celles de l’Uck provoquent des victimes des deux côtés, une puissante campagne politico-médiatique prépare l’opinion publique internationale à l’intervention de l’Otan, présentée comme unique façon d’arrêter la « purification ethnique » serbe au Kosovo. La cible prioritaire est le président de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, accusé de « crimes contre l’humanité » pour les opérations de « purification ethnique ».
La guerre, nommée « Opération force alliée », commence le 24 mars 1999. Pendant que les avions des Etats-Unis et d’autres pays de l’Otan larguent les premières bombes sur la Serbie et le Kosovo, le président démocrate Clinton annonce : « A la fin du XXème siècle, après deux guerres mondiales et une guerre froide, nous et nos alliés avons la possibilité de laisser à nos enfants une Europe libre, pacifique et stable ». Dans la guerre, le rôle de l’Italie va être déterminant : le gouvernement D’Alema met le territoire italien, en particulier les aéroports, à disposition totale des forces armées des Etats-Unis et d’autres pays, pour opérer ce que le président du Conseil définit comme « le droit d’ingérence humanitaire ».
Pendant 78 jours, décollant surtout des bases italiennes, 1100 avions effectuent 38000 sorties, larguant 23000 bombes et missiles. 75% des avions et 90% des bombes et missiles sont fournis par les Etats-Unis. Sont aussi étasuniens le réseau de communication, le commandement, le contrôle et le renseignement à travers lesquels sont conduites les opérations : « Sur 2000 objectifs traités en Serbie par les avions de l’Otan -documente ensuite le Pentagone- 1999 ont été choisis par le renseignement étasunien et un seulement par les Européens ».
Systématiquement, les bombardements démantèlent les structures et infrastructures de la Serbie, provoquant des victimes surtout parmi les civils. Les dommages qui en dérivent pour la santé et l’environnement sont incalculables. De la raffinerie de Pancevo, notamment, s’échappent, à cause des bombardements, des milliers de tonnes de substance chimiques hautement toxiques (dont dioxine et mercure). D’autres dégâts sont provoqués par l’emploi massif par l’Otan, en Serbie et Kosovo, de projectiles à uranium appauvri, déjà utilisés dans la guerre du Golfe.
Participent aussi aux bombardements 54 avions italiens, qui accomplissent 1378 sorties, attaquant les objectifs indiqués par le commandement étasunien. « Par le nombre d’avions nous n’avons été seconds que par rapport aux USA. L’Italie est un grand pays et on ne doit pas s’étonner de l’engagement démontré dans cette guerre », déclare le président du Conseil D’Alema pendant sa visite le 10 juin 1999 à la base d’Amendola, en soulignant que, pour les pilotes qui y ont participé, cela a été « une grande expérience humaine et professionnelle ».
Le 10 juin 1999, les troupes de la Fédération yougoslave commencent à se retirer du Kosovo et l’Otan met fin aux bombardements. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Onu indique que la présence internationale doit avoir une « participation substantielle de l’Otan » et être déployée « sous contrôle et commandement unifiés ». A qui revient le commandement ? Le président Clinton l’explique en soulignant que l’accord sur le Kosovo prévoit « le déploiement d’une force internationale de sécurité avec l’Otan comme noyau, ce qui signifie une chaîne de commandement unifiée de l’Otan ». « Aujourd’hui l’Otan affronte sa nouvelle mission : celle de gouverner », commente le Washington Post.
La guerre finie, les Etats-Unis envoient au Kosovo plus de 60 agents du FBI, mais on ne trouvera pas de traces de massacres pouvant justifier l’accusation, faite contre les Serbes, d’ « épuration ethnique ». Slobodan Milosevic, condamné à 40 années de réclusion par la Cour Pénale Internationale pour l’ex Yougoslavie, meurt en prison après cinq années de détention. La même cour le disculpe, en 2016, de l’accusation de « purification ethnique ».
Le Kosovo, où les Etats-Unis installent une grande base militaire (Camp Bondsteel), devient une sorte de protectorat de l’Otan. En même temps, sous la couverture de la « Force de paix », l’ex Uck au pouvoir terrorise et expulse plus de 250 mille Serbes, Roms, Juifs et Albanais « collaborationnistes ». En 2008, avec l’autoproclamation du Kosovo comme Etat indépendant, est accomplie la démolition de la Fédération Yougoslave.
(2. A suivre)
Alors qu’est en cours la guerre contre la Yougoslavie, est convoqué à Washington, les 23-25 avril 1999, le sommet qui officialise la transformation de l’Otan en « une nouvelle Alliance plus grande, plus flexible, capable d’entreprendre de nouvelles missions, y compris les opérations de réponse aux crises ».
D’une alliance qui, sur la base de l’article 5 du Traité du 4 avril 1949, engage les pays membres à assister même avec la force armée le pays membre qui serait attaqué dans l’aire nord-atlantique, elle est transformée en alliance qui, sur la base du « nouveau concept stratégique », engage aussi les pays membres à « conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance ».
Pour éviter tout équivoque, le président démocrate Clinton explique dans une conférence de presse que les alliés nord-atlantiques « réaffirment qu’ils sont prêts à affronter des conflits régionaux au-delà du territoire de l’Otan ». A la question de savoir quelle est l’aire géographique dans laquelle l’Otan est prête à intervenir, « le Président se refuse à spécifier à quelle distance l’Otan entend projeter sa propre force, en disant que ce n’est pas une question de géographie ». En d’autres termes, l’Otan entend projeter sa propre force militaire en-dehors de ses frontières non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions.
Ce qui ne change pas, dans la mutation de l’Otan, est la hiérarchie à l’intérieur de l’Alliance. La Maison Blanche dit en toutes lettres que « nous maintiendrons en Europe environ 100 mille militaires pour contribuer à la stabilité régionale, soutenir nos liens transatlantiques vitaux et conserver le leadership des Etats-Unis dans l’Otan ».
Et c’est toujours le Président des Etats-Unis qui nomme le Commandant Suprême Allié en Europe, qui est toujours un général ou amiral étasunien, et non pas les alliés, qui se bornent à ratifier le choix. Même chose pour les autres commandements clé de l’Alliance.
LA SUBORDINATION DE L’UNION EUROPÉENNE À L’OTAN
Le document qui engage les pays membres à opérer en-dehors du territoire de l’Alliance, souscrit par les leaders européens le 24 avril 1999 à Washington, rappelle que l’Otan « soutient pleinement le développement de l’identité européenne de la défense à l’intérieur de l’Alliance ». L’idée est claire : l’Europe occidentale peut avoir son « identité de la défense », mais elle doit rester à l’intérieur de l’Alliance, c’est-à-dire sous commandement USA.
Ainsi est confirmée et consolidée la subordination de l’Union européenne à l’Otan. Le Traité de Maastricht de 1992 établit, à l’article 42, que « l’Union respecte les obligations de certains Etats membres, lesquels estiment que leur défense commune se réalise par l’intermédiaire de l’Otan, dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord ». Celui-ci stipule, à l’article 8, que chaque Etat membre « assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le Traité ».
Et dans une confirmation ultérieure de ce qu’est le rapport Otan-UE, le protocole n° 10 sur la coopération instituée par l’article 42 souligne que l’Otan « reste le fondement de la défense » de l’Union européenne.
L’ADOPTION PAR L’ITALIE D’UN « NOUVEAU MODÈLE DE DÉFENSE » QUI VIOLE L’ARTICLE 11 DE SA CONSTITUTION
En participant avec ses bases et ses forces armées à la guerre contre la Yougoslavie, pays qui n’avait accompli aucune action agressive ni contre l’Italie ni contre d’autres membres de l’Otan, et en s’engageant à conduire des opérations non prévues par l’article 5 en-dehors du territoire de l’Alliance, l’Italie confirme avoir adopté une nouvelle politique militaire et, simultanément, une nouvelle politique étrangère. Celle-ci, en utilisant comme instrument la force militaire, viole le principe constitutionnel, affirmé par l’Article 11, que « l’Italie répudie la guerre en tant qu’instrument d’atteinte à la liberté des autres peuples et comme mode de solution des conflits internationaux ».
C’est le « nouveau modèle de défense » adopté par l’Italie, dans le sillage de la réorientation stratégique étasunienne, quand, avec le sixième gouvernement Andreotti, elle participe à la guerre du Golfe : les Tornado de l’aéronautique italienne effectuent 226 sorties pour un total de 589 heures de vol, bombardant les objectifs indiqués par le commandement étasunien. C’est la première guerre à laquelle participe la République italienne, en violant l’Article 11, un des principaux fondements de sa propre Constitution.
Immédiatement après la guerre du Golfe, pendant le septième gouvernement Andreotti, le Ministère de la défense publie, en octobre 1991, le rapport Modèle de défense / Lignes de développement des Forces Armées dans les années 90. Le document reconfigure le positionnement géostratégique de l’Italie, en la définissant comme « élément central de l’aire géostratégique qui s’étend de façon unitaire du Détroit de Gibraltar jusqu’à la Mer Noire, en se reliant, à travers Suez, avec la Mer Rouge, la Corne d’Afrique et le Golfe Persique ». Etant donné la « significative vulnérabilité stratégique de l’Italie » surtout pour l’approvisionnement pétrolifère, « les objectifs permanents de la politique de sécurité italienne se configurent dans la protection des intérêts nationaux, dans la plus vaste acception de ces termes, partout où c’est nécessaire », en particulier de ces intérêts qui « ont une incidence directe sur le système économique et sur le développement du système productif, en tant que condition indispensable pour la conservation et le progrès de l’actuelle organisation politique et sociale de la nation ».
En 1993 -pendant que l’Italie est en train de participer à l’opération militaire lancée par les USA en Somalie, et qu’au gouvernement Amato succède celui de Ciampi - l’Etat-major de la défense déclare qu’« il faut être prêts à se projeter à longue distance » pour défendre partout les « intérêts vitaux », afin de « garantir le progrès et le bien-être national en conservant la disponibilité des sources et voies d’approvisionnement des produits énergétiques et stratégiques ».
En 1995, pendant le gouvernement Dini, l’état-major de la défense fait un nouveau pas en avant, en affirmant que « la fonction des forces armées transcende le strict cadre militaire pour se hausser aussi à la mesure du statut et du rôle du pays dans le contexte international ».
En 1996, pendant le gouvernement Prodi, ce concept va être développé dans la 47ème session du Centre des hautes études de la défense. « La politique de la défense -affirme le général Angioni - devient un instrument de la politique de la sécurité et, donc, de la politique extérieure ».
Cette politique anticonstitutionnelle, introduite par des décisions apparemment techniques, se trouve de fait institutionnalisée en passant au-dessus d’un parlement qui, dans sa très grande majorité, s’en désintéresse ou ne sait même pas précisément ce qui est en train d’advenir.
(3. A suivre)
Dans cette même année -1999- où elle lance la guerre contre la Yougoslavie et annonce vouloir « conduire des opérations de réponse aux crises, non prévues à l’article 5, en-dehors du territoire de l’Alliance », l’Otan commence son expansion vers l’Est. Elle englobe les trois premiers pays de l’ex Pacte de Varsovie : Pologne, République tchèque et Hongrie.
Ensuite, en 2004, elle s’étend à sept autres : Estonie, Lettonie, Lituanie (auparavant parties de l’URSS) ; Bulgarie, Roumanie, Tchécoslovaquie (auparavant membres du Pacte de Varsovie) ; Slovénie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave). Au sommet de Bucarest, en avril 2008, est décidée l’entrée pour l’année suivante de l’Albanie (membre à un moment du Pacte de Varsovie) et de la Croatie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave).
En les faisant entrer dans l’Otan, Washington aliène ces pays non pas tant à l’Alliance que directement aux USA. Roumanie et Bulgarie mettent immédiatement à disposition des Etats-Unis les importantes bases militaires de Costanza et Burgas en Mer Noire. La République Tchèque garantit la disponibilité de son territoire pour le déploiement de rampes de missiles du « bouclier anti-missiles » USA.
La Lituanie, avant même d’entrer dans l’Otan, se met à acheter des armements étasuniens, en commençant par 60 missiles Stinger pour une valeur de plus de 30 millions de dollars.
En 2002 la Pologne achète 48 chasseurs F-16 de la société étasunienne Lockheed Martin et, pour les payer, utilise un prêt étasunien de presque 5 milliards de dollars (avec intérêts non seulement financiers mais politiques).
La Bulgarie procède, sur directive de Washington, à une drastique épuration des forces armées, en expulsant des milliers d’officiers (considérés comme non totalement fiables) pour les remplacer par plus de 2 mille officiers jeunes et fiables, formés par des instructeurs étasuniens et capables de parler un excellent anglais, ou plutôt américain.
De cette façon les Etats-Unis renforcent ensuite leur influence en Europe. Sur dix pays de l’Europe centre-orientale qui entrent dans l’Otan entre 1999 et 2004, sept entrent dans l’Union européenne entre 2004 et 2007 : à l’Union européenne qui s’élargit vers l’Est, les Etats-Unis superposent l’Otan qui s’élargit à l’Est sur l’Europe. Le véritable but de l’opération est révélé par les fonctionnaires du Pentagone : les dix pays de l’Europe centre-orientale entrés dans l’Otan - déclarent-ils en février 2003 - « sont en train de prendre d’importantes positions pro-USA, en réduisant efficacement l’influence des puissances de la vieille Europe, comme l’Allemagne et la France ».
Ainsi se révèle, clairement, le dessein stratégique de Washington : prendre appui sur les nouveaux membres de l’Est, pour établir dans l’Otan des rapports de force encore plus favorables aux Etats-Unis, afin d’isoler la « vieille Europe » qui pourrait un jour se rendre autonome.
L’expansion à l’est de l’Otan a, en plus de celles-là, d’autres implications. En englobant non seulement les pays de l’ex Pacte de Varsovie mais aussi les trois républiques baltes autrefois membres de l’URSS, l’Otan arrive jusqu’aux confins de la Fédération Russe. Malgré les assurances de Washington sur les intentions pacifiques de l’Otan, cela constitue une menace, y compris nucléaire, envers la Russie.
Pour tranquilliser la Russie, l’Otan affirme « ne pas avoir d’intention, ni plans, de déployer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres » de l’Europe centre-orientale. La valeur de cet engagement sera démontré par le fait que l’Otan, après avoir promis solennellement de ne pas maintenir d’unités de combat sur le territoire des pays de l’Europe centre-orientale sur le point d’entrer ou entrés dans l’Alliance, utilise immédiatement après la base aérienne hongroise de Taszar comme principal centre logistique des forces étasuniennes opérant dans les Balkans.
L’engagement de ne pas déployer d’armes nucléaires dans les pays d’Europe centre-orientale va être démenti par le fait que, parmi les armes nucléaires conservées par les Etats-Unis en Europe dans le cadre de l’Otan, se trouvent « des bombes nucléaires pour avions à double capacité ». Puisque des avions de ce type, tels les F-16 de l’U.S. Air Force et les 48 achetés par la Pologne, opèrent dans les pays de l’Europe centre-orientale entrés dans l’Otan, leur présence dans ces bases avancées constitue une potentielle menace nucléaire à l’égard de la Russie.
(4. A suivre)
Le motif réel de l’intervention USA/Otan en Afghanistan n’est pas sa libération des talibans, qui avaient été entraînés et armés au Pakistan dans une opération dirigée par la CIA pour conquérir le pouvoir à Kaboul, mais l’occupation de cette aire de première importance stratégique pour les Etats-Unis.
L’Afghanistan est au carrefour entre Moyen-Orient, Asie centrale, méridionale et orientale. Dans cette aire (dans le Golfe et dans la Caspienne) se trouvent les plus grandes réserves pétrolières du monde. Se trouvent aussi trois grandes puissances -Chine, Russie et Inde - dont la force est en train de s’accroître et d’influer sur l’organisation du monde. Comme l’avait prévu le Pentagone dans son rapport du 30 septembre 2001, « la possibilité existe qu’émerge en Asie un rival militaire avec une formidable base de ressources ».
La décision de délocaliser des forces en Afghanistan, comme premier pas pour étendre la présence militaire étasunienne en Asie centrale, va être prise à Washington non pas après le 11 septembre, mais avant. C’est ce que révèlent des sources fiables, selon lesquelles « le président Bush, deux jours avant le 11 septembre, était sur le point de signer un plan détaillé qui prévoyait des opérations militaires en Afghanistan » (NBC News, 16 mai 2002) : avant donc l’attaque terroriste qui officiellement motive la guerre en Afghanistan, était déjà sur la table du président « le plan de guerre que la Maison Blanche, la CIA et le Pentagone ont mis en acte après le 11 septembre ».
Dans la période précédant le 11 septembre 2001, apparaissent en Asie de forts signaux d’un rapprochement entre Chine et Russie, qui se concrétisent quand, le 17 juillet 2001, les présidents Jiang Zemin et Vladimir Poutine signent à Moscou le « Traité de bon voisinage, d’amitié et de coopération », défini comme une « pierre angulaire » dans les relations entre les deux pays. Sans toutefois le déclarer, Washington considère le rapprochement entre Chine et Russie comme un défi aux intérêts étasuniens en Asie, au moment critique où les Etats-Unis essaient d’occuper, avant d’autres, le vide que la désagrégation de l’URSS a laissé en Asie centrale. Une position géostratégique clé pour le contrôle de cette aire est celle de l’Afghanistan.
Sous la motivation officielle de pourchasser Ossama Ben Laden, désigné comme mandant des attaques du 11 septembre à New York et Washington, la guerre commence le 7 octobre 2001 avec le bombardement de l’Afghanistan effectué par l’aviation étasunienne et britannique. Précédemment on a infiltré en territoire afghan des forces spéciales avec la mission de préparer l’attaque avec l’Alliance du nord, et d’autres formations anti-Talibans. Sous les bombardements massifs et l’offensive terrestre de l’Alliance du nord, les forces talibanes, à qui se joignent des volontaires provenant du Pakistan et d’autres pays, sont contraintes à abandonner Kaboul le 13 novembre.
Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise alors, par la résolution 1386 du 20 décembre 2001, la constitution de l’Isaf (Force internationale d’assistance à la sécurité). Sa mission est d’assister l’autorité afghane par intérim à Kaboul et environs. Selon l’article VII de la Charte des Nations Unies, l’emploi des forces armées mises à disposition par des membres de l’ONU pour de telles missions doit être établi par le Conseil de sécurité assisté par le Comité d’état-major, composé des chefs d’état-major des membres permanents du Conseil de sécurité. Même si ce Comité n’existe pas, l’Isaf reste jusqu’en août 2003 une mission ONU, dont la direction va être confiée successivement à la Grande-Bretagne, la Turquie, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Mais soudain, le 11 août 2003, l’Otan annonce avoir « pris le rôle de leadership de l’Isaf, force sous mandat ONU ». C’est un véritable coup de force : aucune résolution du Conseil de sécurité n’autorise l’Otan à prendre le leadership, c’est-à-dire le commandement, de l’Isaf. C’est seulement après coup, dans la résolution 1659 du 15 février 2006, que le Conseil de sécurité « reconnaît l’engagement continu de l’Otan dans la direction de l’Isaf ».
Depuis le 11 août 2003 ce n’est plus l’ONU qui dirige la mission mais l’Otan : le quartier général de l’Isaf se trouve en fait inséré dans la chaîne de commandement de l’Otan, qui choisit tour à tour les généraux à mettre à la tête de l’Isaf. Comme le souligne un communiqué officiel, « L’Otan a assumé le commandement et la coordination de l’Isaf en août 2003 : cette mission est la première en dehors de l’aire euro-atlantique dans l’histoire de l’Otan ». La mission Isaf se trouve donc insérée dans la chaîne de commandement du Pentagone. Dans cette même chaîne de commandement sont insérés les militaires italiens assignés à l’Isaf, avec hélicoptères et avions, y compris chasseurs-bombardiers Tornado.
(5. A suivre)
Le plan étasunien d’attaquer et occuper l’Irak apparaît dans son évidence quand, après l’occupation de l’Afghanistan en novembre 2001, le président Bush le met, en 2002, à la première place des pays faisant partie de l’ « axe du mal ».
Après la première guerre du Golfe en 1991, l’Irak a été soumis à un très dur embargo qui a provoqué en dix années environ un millions de morts, dont environ un demi-million d’enfants. Massacre provoqué, en plus de la dénutrition chronique et du manque de médicaments, par la carence d’eau potable et les maladies infectieuses et parasitaires qui en découlent. Les Etats-Unis - des documents découverts plus tard le montrent - ont mis en oeuvre un plan précis : d’abord bombarder les sites d’épuration et les aqueducs pour provoquer une crise hydrique, puis empêcher avec l’embargo que l’Irak puisse importer les systèmes d’épuration. Les conséquences sanitaires étaient clairement prévues depuis le début et programmées de façon à accélérer l’effondrement de l’Irak. D’autres victimes seront provoquées, dans les années suivant la première guerre, par les projectiles à uranium appauvri, massivement utilisés par les forces étasuniennes et alliées dans les bombardements aussi bien aériens que terrestres.
La seconde guerre contre l’Irak se révèle cependant plus difficile à justifier que celle effectuée en 1990-1991. A la différence d’alors, l’Irak de Saddam Hussein n’accomplit aucune agression et s’en tient à la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations Unies, permettant aux inspecteurs ONU d’entrer dans tous les sites pour vérifier l’éventuelle existence d’armes de destruction massive (qui ne seront pas constatées). Il devient par conséquence plus difficile pour les Etats-Unis de créer la motivation « légale » pour la guerre et, sur cette base, d’obtenir un imprimatur international analogue à celui de 1991.
L’administration Bush est cependant décidée à aller jusqu’au bout. Elle fabrique donc une série de « preuves », qui s’avèreront ensuite fausses, sur la présumée existence d’un gros arsenal d’armes chimiques et bactériologiques, qui serait en possession de l’Irak, et sur sa présumée capacité de construire dans un bref délai des armes nucléaires. Et, comme le Conseil de sécurité de l’ONU se refuse à autoriser la guerre, l’administration Bush tout simplement le contourne.
La guerre commence le 20 mars 2003 avec le bombardement aérien de Bagdad et d’autres centres par l’aviation étasunienne et britannique et avec l’attaque terrestre effectuée par des marines entrés en Irak par le Koweït. Le 9 avril des troupes étasuniennes occupent Bagdad. L’opération, dénommée « Iraqi Freedom », est présentée comme « guerre préventive » et « exportation de la démocratie ». Ainsi est mis en acte le principe énoncé dans le Quadrennial Defense Review Report du Pentagone (30 septembre 2001) : « Les forces armées étasuniennes doivent conserver la capacité, sous la direction du Président, d’imposer la volonté des Etats-Unis à n’importe quel adversaire, y compris des états et entités non-étatiques, de changer le régime d’un état adversaire ou d’occuper un territoire étranger jusqu’à ce que les objectifs stratégiques étasuniens soient réalisés ».
Mais, outre la « volonté des Etats-Unis », il y a la volonté des peuples de résister. C’est ce qui advient en Irak, où les forces d’occupation étasuniennes et alliées-y compris les forces italiennes engagées dans l’opération « Antique Babylone » - auxquelles se joignent les mercenaires de compagnies privées, rencontrent une résistance qu’ils ne s’attendaient pas à trouver, malgré la très dure répression qui provoque (rien que par l’effet des actions militaires) des dizaines de milliers de morts dans la population.
Comme la résistance irakienne enraye la machine de guerre étasunienne et alliée, Washington recourt à l’antique mais toujours efficace politique du « diviser pour régner », en faisant des concessions à certains regroupements chiites et kurdes afin d’isoler les sunnites. Dans le cas où l’opération ne réussirait pas, Washington a un plan de réserve tout prêt : désagréger l’Irak (comme il l’a déjà fait avec la Fédération Yougoslave) de façon à pouvoir contrôler les zones pétrolifères et d’autres aires d’intérêt stratégique, à travers des accords avec des groupes de pouvoir locaux.
C’est dans cet objectif qu’intervient officiellement l’’Otan, qui a de fait participé à la guerre avec ses propres structures et forces. En 2004 est instituée la « Mission Otan d’entraînement », dans le but déclaré d’ « aider l’Irak à créer d’efficientes forces armées ». De 2004 à 2011 vont être entraînés, dans 2000 cours spéciaux tenus dans des pays de l’Alliance, des milliers de militaires et policiers irakiens qui sont aussi dotés d’armes données par ces mêmes pays. Simultanément l’Otan envoie en Irak des instructeurs et conseillers, y compris italiens, pour « aider l’Irak à créer son propre secteur de la sécurité sous conduite démocratique et durable » et pour « établir un partenariat à long terme de l’Otan avec l’Irak ».
(6. A suivre)
En avril 2001 Israël signe au quartier général de l’Otan à Bruxelles l’ « accord de sécurité », s’engageant à protéger les « informations classifiées » qu’il recevra dans le cadre de la coopération militaire.
En juin 2003 le gouvernement italien signe avec celui d’Israël un mémorandum d’entente pour la coopération dans le secteur militaire et de la défense, qui prévoit notamment le développement conjoint d’un nouveau système de guerre électronique.
En janvier 2004 un avion radar Awacs de l’Otan atterrit pour la première fois à Tel Aviv et le personnel israélien va être entraîné à l’utilisation de ses technologies.
En décembre 2004 on annonce que l’Allemagne fournira à Israël deux autres sous-marins Dolphin, qui s’ajouteront aux trois (dont deux offerts) remis dans les années 90. Israël peut ainsi renforcer sa flotte de sous-marins d’attaque nucléaire, constamment maintenus en navigation en Méditerranée, Mer Rouge et Golfe Persique.
En février 2005 le secrétaire général de l’Otan effectue sa première visite officielle à Tel Aviv, où il rencontre les plus hautes autorités militaires israéliennes pour « étendre la coopération militaire ».
En mars 2005 se déroule en Mer Rouge le premier exercice naval conjoint Israël-Otan : le commandement du groupe naval de la « Force de réaction Otan » est confié à la marine italienne qui y participe avec la frégate Bersagliere.
En mai 2005, après avoir été ratifié au Sénat et à la Chambre, le mémorandum d’entente italo-israélien devient loi : ainsi est institutionnalisée la coopération entre les ministères de la défense et les forces armées des deux pays concernant l’« importation, exportation et transit de matériels militaires », l’ « organisation des forces armées », la « formation/entraînement ».
En mai 2005, Israël est admis comme membre de l’Assemblée parlementaire de l’Otan.
En juin 2005 la marine israélienne participe à un exercice Otan dans le Golfe de Tarante.
En juillet 2005 des troupes israéliennes participent pour la première fois à un exercice Otan, qui se déroule en Ukraine.
En juin 2006 un navire de guerre israélien participe à un exercice Otan en Mer Noire dans le but de « créer une meilleure interopérabilité entre la marine israélienne et les forces navales Otan ».
En octobre 2006, Otan et Israël concluent un accord qui établit une coopération israélienne plus étroite avec le programme Otan « Dialogue méditerranéen », dont le but est de « contribuer à la sécurité et stabilité de la région ». Dans ce cadre, « Otan et Israël s’accordent sur les modalités de la contribution israélienne à l’opération maritime de la Nato Active Endeavour » (Nato/Israël Cooperation, 16 octobre 2006).
Israël est ainsi récompensé par l’Otan pour son attaque et invasion du Liban. Les forces navales israéliennes, qui avec les forces aériennes et terrestres viennent de pilonner le Liban avec des milliers de tonnes de bombes massacrant des civils, se trouvent intégrées dans l’opération Otan qui devrait « combattre le terrorisme en Méditerranée ». Les mêmes forces navales qui, en bombardant la centrale électrique de Jiyyeh sur les côtes libanaises ont provoqué une énorme marée noire qui s’est diffusée en Méditerranée (dont le traitement coûtera des centaines de millions de dollars), collaborent maintenant avec l’Otan pour « contribuer à la sécurité de la région ».
Le 2 décembre 2008, environ trois semaines avant l’attaque israélienne contre Gaza, l’Otan ratifie le « Programme de coopération individuel » avec Israël. Il comprend une vaste gamme de domaines dans lesquels « Otan et Israël coopèreront pleinement » : contre-terrorisme, dont échange d’informations entre les services de renseignement ; connexion d’Israël au système électronique Otan ; coopération dans le secteur des armements ; augmentation des exercices militaires conjoints Otan-Israël ; élargissement de la coopération dans la lutte contre la prolifération nucléaire (en ignorant qu’Israël, unique puissance nucléaire de la région, a refusé de signer le Traité de non-prolifération).
L’OTAN « À LA CHASSE AUX PIRATES » DANS L’OCÉAN INDIEN
En octobre 2008, un groupe naval de l’Otan, le Standing Nato Maritime Group 2 (Snmg2), traverse le Canal de Suez pour entrer dans l’Océan Indien. En font partie des navires de guerre d’Italie, des Etats-Unis, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Grèce et de Turquie. Ce groupe naval (dont le commandement est assumé par roulement des pays membres) fait partie d’une des trois composantes de l’Allied Joint Force Command Naples, dont le commandement est attribué de façon permanente à un amiral étasunien, le même qui commande les Forces navales USA en Europe. L’aire dans laquelle opère le Snmg2 n’a désormais plus de frontières, en ceci qu’il constitue une des unités de la « Force de réaction Otan », prête à être projetée « pour n’importe quelle mission dans n’importe quelle partie du monde ».
Objectif officiel de la mission du Snmg2 dans l’Océan Indien : mener des « opérations anti-piraterie » le long des côtes de la Somalie, en escortant les navires marchands qui transportent les aides alimentaires du World Food Program des Nations Unies. Dans cet « effort humanitaire », l’Otan « continue à coordonner son assistance avec l’opération Enduring Freedom sous conduite USA ». Derrière cette mission Otan, il y a donc bien autre chose. À ce moment-là, en Somalie, la politique étasunienne est en train de subir un nouvel échec : les troupes éthiopiennes, qui y ont été envoyées en 2006 après l’échec de la tentative de la CIA de renverser les Cours islamiques en soutenant une coalition « anti-terrorisme » des seigneurs de la guerre, ont été contraintes à se retirer par la résistance somalienne.
Washington prépare alors d’autres opérations militaires pour étendre son propre contrôle sur la Somalie, provoquant d’autres désastreuses conséquences sociales. Ces dernières sont à la base du phénomène de la piraterie, né à la suite de la pêche illégale par des flottes étrangères et de la décharge de substances toxiques dans les eaux somaliennes, qui ont ruiné les petits pêcheurs, parmi lesquels certains ont eu recours à la piraterie.
Dans la stratégie USA/Otan, la Somalie est importante par sa position géographique sur les côtes de l’Océan Indien. Pour contrôler cette aire a été positionnée à Djibouti, à l’embouchure de la Mer Rouge, une task forceétasunienne. L’intervention militaire, directe et indirecte, dans cette zone et dans d’autres s’intensifie alors avec la naissance du Commandement Africa des Etats-Unis. C’est dans son « aire de responsabilité » qu’est envoyé le groupe naval Otan.
Celui-ci a aussi une autre mission officielle : visiter certains pays du Golfe persique (Koweït, Bahreïn, Qatar et Emirats Arabes Unis), partenaires Otan dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul. Les navires de guerre de l’Otan vont ainsi s’ajouter aux porte-avions et autres nombreuses unités que les USA ont déployés dans le Golfe et dans l’Océan Indien, dans une fonction anti-Iran et pour mener, y compris avec l’aviation navale, la guerre aérienne en Afghanistan.
(7. A suivre)
La stratégie USA/Otan consiste à démolir les Etats qui sont totalement ou en grande partie hors du contrôle des Etats-Unis et des plus grandes puissances européennes, surtout ceux situés dans les aires riches en pétrole et/ou avec une importante position géostratégique. On privilégie, dans la liste des démolitions, les Etats qui n’ont pas une force militaire pouvant mettre en danger, par des représailles, celle des démolisseurs.
L’opération commence en plantant des coins dans les fissures internes, qu’on trouve dans tout Etat. Dans la Fédération Yougoslave, dans les années 90, vont être fomentées les tendances sécessionnistes, en soutenant et armant les secteurs ethniques et politiques qui s’opposent au gouvernement de Belgrade. Cette opération va être mise en oeuvre en prenant appui sur les nouveaux groupes de pouvoir, souvent formés de politiciens passés à l’opposition pour s’accaparer dollars et postes de pouvoir.
Simultanément on mène une campagne de matraquage médiatique pour présenter la guerre comme nécessaire pour défendre les civils, menacés d’extermination par un féroce dictateur.
On demande ensuite l’autorisation au Conseil de sécurité de l’ONU, en motivant l’intervention par la nécessité de destituer le dictateur qui massacre des civils désarmés. Il suffit d’un tampon où est écrit « on autorise toutes les mesures nécessaires » mais, s’il n’est pas donné (comme dans le cas de la Yougoslavie), on continue quand même. La machine de guerre USA/Otan, déjà préparée, entre en action avec une massive attaque aéronavale et des opérations terrestres à l’intérieur du pays, autour duquel le vide a été fait par un embargo très sévère.
Cette stratégie, après avoir été mise en oeuvre contre la Fédération Yougoslave, va être adoptée contre la Libye en 2011.
D’abord on va financer et armer les secteurs tribaux hostiles au gouvernement de Tripoli et aussi des groupes islamistes définis comme terroristes jusque quelques mois auparavant. En même temps sont infiltrées en Libye des forces spéciales, dont des milliers de commandos qataris facilement camouflables. Toute l’opération est dirigée par les Etats-Unis, d’abord via le Commandement Africa, puis via l’Otan sous commandement étasunien.
Le 19 mars 2011 commence le bombardement aéronaval de la Libye. En sept mois, l’aviation USA/Otan va effectuer 30 mille missions, dont 10 mille d’attaque, avec utilisation de plus de 40 mille bombes et missiles. l’Italie participe à cette guerre avec ses bases et forces militaires, en foulant le Traité d’amitié, de partenariat et de coopération entre les deux pays.
Pour la guerre contre la Libye l’Italie met à disposition des forces USA/Otan 7 bases aériennes (Trapani, Gioia del Colle, Sigonella, Decimomannu, Aviano, Amendola et Pantelleria), assurant assistance technique et approvisionnements. L’Aéronautique italienne participe à la guerre en effectuant 1182 missions, avec des chasseurs-bombardiers Tornado, F-16 Falcon, Eurofighter 2000, AMX, drones Predator B et ravitailleurs KC-767 e KC130J. La Marine militaire italienne est engagée dans la guerre sur plusieurs fronts : des opérations d’embargo naval aux activités de patrouille et d’approvisionnement.
Avec la guerre USA/Otan de 2011, l’Etat libyen est démoli et Kadhafi assassiné ; l’entreprise est attribuée à une « révolution inspiratrice » que les USA se disent fiers de soutenir, en créant « une alliance sans égal contre la tyrannie et pour la liberté ». Ainsi est démoli cet Etat qui, sur la rive sud de la Méditerranée face à l’Italie, garantissait « de hauts niveaux de croissance économique » (comme le montrait) en 2010 la Banque Mondiale) avec une augmentation moyenne annuelle du PIB de 7,5%, et enregistrait de « hauts indicateurs de développement humain » dont l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et, pour 46%, à celle de niveau universitaire. Malgré les disparités, le niveau de vie de la population libyenne était notablement plus élevé que celui des autres pays africains. En témoignait le fait que plus de deux millions d’immigrés, en majorité africains, trouvaient du travail en Libye.
La guerre, donc, va aussi toucher les immigrés venant d’Afrique sub-saharienne qui, persécutés sous l’accusation d’avoir collaboré avec Kadhafi, sont emprisonnés ou obligés de fuir. Nombre d’entre eux, poussés par le désespoir, tentant la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Ceux qui y perdent la vie sont eux aussi des victimes de la guerre par laquelle l’Otan a démoli l’État libyen.
LES VRAIES RAISONS DE LA GUERRE CONTRE LA LIBYE
De multiples facteurs rendent la Libye importante aux yeux des Etats-Unis et des puissances européennes. Les réserves pétrolières - les plus grandes d’Afrique, précieuses par leur haute qualité et leur faible coût d’extraction - et celles de gaz naturel.
Après que Washington a aboli en 2003 les sanctions en échange de l’engagement de Kadhafi de ne pas produire d’armes de destruction massive, les grandes compagnies pétrolières étasuniennes et européennes affluent en Libye avec des grandes espérances, qui seront cependant déçues. Le gouvernement libyen concède les licences d’exploitation aux compagnies étrangères qui laissent à la compagnie nationale libyenne (National Oil Corporation of Libya, Noc) le plus haut pourcentage du pétrole extrait : étant donnée la forte compétition, celui-ci atteint environ 90%. De plus la Noc demande, dans les contrats, que les compagnies étrangères embauchent du personnel libyen y compris dans des postes dirigeants. En abattant l’Etat libyen, les Etats-Unis et les puissances européennes visent de fait à s’emparer de sa richesse énergétique.
En plus de l’or noir, ils visent l’or blanc libyen : l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne (estimée à 150 mille km3), qui s’étend sous Libye, Soudan et Tchad. Les possibilités de développement qu’elle offre ont été démontrées par le gouvernement libyen, qui a construit un réseau d’aqueducs long de 4000 km pour transporter l’eau, extraite en profondeur par 1300 puits dans le désert, jusqu’aux villes côtières et à l’oasis de Koufra, en rendant fertiles des terres désertiques. Ces réserves hydriques, qui ont une perspective plus précieuse que celles pétrolifères, sont convoitées - à travers les privatisations promues par le FMI- par les multinationales de l’eau, qui contrôlent presque la moitié du marché mondial de l’eau privatisée.
Dans le viseur USA/Otan se trouvent aussi les fonds souverains, les capitaux que l’Etat libyen a investi à l’étranger. Les fonds souverains gérés par la Libyan Investment Authority (Lia) sont estimés à environ 70 milliards de dollars, qui montent à plus de 150 si on inclut les investissements étrangers de la Banque centrale et d’autres organismes. Depuis sa construction en 2006, la Lia a effectué en cinq années des investissements dans plus de cent sociétés nord-africaines, asiatiques, européennes, nord-américaines et sud-américaines : holding, banques, immobilières, industries, compagnies pétrolières et autres. Ces fonds sont « congelés », c’est-à-dire séquestrés, par les Etats-Unis et par les plus grandes puissances européennes.
L’assaut sur les fonds souverains libyens a un impact particulièrement fort en Afrique. C’est là que la Libyan Arab African Investment Company avait effectué des investissements dans plus de 25 pays, dont 22 en Afrique sub-saharienne, en programmant de les accroître surtout dans les secteurs minéralier, manufacturier, touristique et dans celui des télécommunications. Les investissements libyens avaient été décisifs dans la réalisation du premier satellite de télécommunications de la Rascom (Regional African Satellite Communications Organization) qui, entré en orbite en août 2010, permettait aux pays africains de commencer à se rendre indépendants des réseaux satellitaires étasuniens et européens, avec une économie annuelle de centaines de millions de dollars.
Plus importants encore avaient été les investissements libyens dans la réalisation des trois organismes financiers lancés par l’Union africaine : la Banque africaine d’investissement, avec siège à Tripoli ; le Fonds monétaire africain, avec siège à Yaoundé (Cameroun) ; la Banque centrale africaine, avec siège à Abuja (Nigéria). Le développement de ces organismes aurait pu permettre aux pays africains de se soustraire en partie au moins au contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, instruments de domination néocoloniale, en affaiblissant le dollar et le franc Cfa (monnaie que sont obligés d’utiliser 14 pays africains, ex-colonies françaises). Le gel des fonds libyens assène un coup mortel à tout le projet.
Les emails de Hillary Clinton (secrétaire d’état de l’administration Obama en 2011), révélés ensuite en 2016, confirment quel a été le véritable but de la guerre : bloquer le plan de Kadhafi d’utiliser les fonds souverains libyens pour créer des organismes financiers autonomes de l’Union africaine et une monnaie africaine alternative au dollar et au franc CFA.
Pour les USA et l’Otan, c’est la position géographique même de la Libye qui est importante, à l’intersection entre Méditerranée, Afrique et Moyen-Orient. On se souviendra que le Roi Idriss, en 1953, avait concédé aux Anglais l’utilisation de bases aériennes, navales et terrestres en Cyrénaïque et Tripolitaine. Un accord analogue avait été conclu en 1954 avec les Etats-Unis, qui avaient obtenu l’utilisation de la base aérienne de Wheelus Field aux portes de Tripoli. Après l’abolition de la monarchie, la République arabe libyenne avait obligé en 1970 les forces étasuniennes et britanniques à évacuer les bases militaires et, l’année suivante, avait nationalisé les propriétés de British Petroleum et obligé les autres compagnies à verser à l’Etat libyen des pourcentages beaucoup plus élevés de leurs profits.
(8. A suivre)
En octobre 2012 le conseil atlantique dénonce « les actes agressifs du régime syrien à la frontière sud-orientale de l’Otan », prêt à déclencher l’article 5 qui engage à assister par la voie armée le pays membre « attaqué », la Turquie. Mais on a déjà mis en acte le « non-article 5 » - introduit pendant la guerre contre la Yougoslavie et appliqué contre l’Afghanistan et la Libye - qui autorise des opérations non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance.
La guerre en Syrie commence en 2011. D’éloquentes images des édifices de Damas et Alep dévastés par de très puissants explosifs montrent qu’il s’agit d’actions non pas de simples rebelles, mais de professionnels de la guerre infiltrés. Environ 200 spécialistes des forces d’élite britanniques Sas et Sbs -rapporte le Daily Star - opèrent en Syrie, avec des unités britanniques et françaises.
Les troupes de choc sont constituées par un ramassis de groupes islamistes (définis par Washington jusque peu de temps auparavant comme terroristes) provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Libye et quelques autres pays. Dans le groupe d’Abu Omar al-Chechen – rapporte l’envoyé du Guardian à Alep - les ordres sont donnés en arabe, mais doivent être traduits en tchétchène, tadjik, turc, dialecte saoudien, urdu, français et quelques autres langues. Pourvus de faux passeports (spécialité Cia), les combattants affluent dans les provinces turques de Adana et Hatay, frontalières avec la Syrie, où la Cia a ouvert des centres de formation militaire. Les armes arrivent surtout via l’Arabie Saoudite et le Qatar qui, comme en Libye, fournissent aussi des forces spéciales.
Le commandement des opérations est à bord des navires Otan dans le port d’Alexandrite (Iskenderun). A Istanbul est ouvert un centre de propagande où des dissidents syriens, formés par le Département d’état USA, confectionnent les informations et les vidéos qui sont diffusés par réseaux satellitaires. La guerre Otan contre la Syrie est donc déjà en acte, avec la motivation officielle d’aider le pays à se libérer du régime d’Assad. Comme en Libye, on a planté un coin dans les fractures internes pour faire crouler l’Etat, en instrumentalisant la tragédie des populations accablées.
Une des raisons pour lesquelles on veut frapper et occuper la Syrie est le fait que Syrie, Iran et Irak ont signé en 2011 un accord pour un gazoduc qui devrait relier le gisement iranien de South Pars, le plus grand du monde, à la Syrie puis à la Méditerranée. La Syrie, où a été découvert un autre gros gisement près de Homs, pourrait devenir ainsi un hub de corridors énergétiques alternatifs à ceux traversant la Turquie et d’autres parcours, contrôlées par les compagnies étasuniennes et européennes.
(9. À suivre)
L’opération conduite par l’Otan en Ukraine commence quand en 1991, après le Pacte de Varsovie, se désagrège aussi l’Union Soviétique dont elle faisait partie. Les Etats-Unis et leurs alliés européens agissent immédiatement pour tirer le plus grand avantage de la nouvelle situation géopolitique.
L’Ukraine -dont le territoire de plus de 600 000 km2 fait tampon entre l’Otan et la Russie, et est traversé par les couloirs énergétiques entre la Russie et l’UE - n’entre pas dans l’Otan, comme le font d’autres pays de l’ex URSS et de l’ex Pacte de Varsovie. Elle va par contre entrer dans le “Conseil de coopération nord-atlantique” et, en 1994, dans le “Partenariat pour la paix”, en contribuant aux opérations de “maintien de la paix” dans les Balkans.
En 2002 est adopté le “Plan d’action Otan-Ukraine” et le président Kouchma annonce l’intention d’adhérer à l’Otan. En 2005, dans le sillage de la “révolution orange” (orchestrée et financée par les USA et par les puissances européennes), le président Yushchenko est invité au sommet Otan de Bruxelles.
Immédiatement après est lancé un “dialogue intensifié sur l’aspiration de l’Ukraine à devenir membre de l’Otan” et en 2008 le sommet de Bucarest donne le feu vert à son entrée. En 2009 Kiev signe un accord qui permet le transit terrestre en Ukraine d’approvisionnements pour les forces Otan en Afghanistan. Désormais l’adhésion à l’Otan semble certaine mais, en 2010, le président nouvel élu Yanoukovitch annonce que, tout en continuant la coopération, l’adhésion à l’Otan n’est pas au programme de son gouvernement.
Mais entretemps l’Otan tisse un réseau de liens à l’intérieur des forces armées ukrainiennes. Des officiers supérieurs participent pendant des années à des cours de l’Otan Defense College à Rome et à Oberammergau (Allemagne), sur des thèmes concernant l’intégration des forces armées ukrainiennes avec celles de l’Otan. S’insère dans le même cadre l’institution, auprès de l’Académie militaire ukrainienne, d’une nouvelle “faculté multinationale” avec des enseignants Otan.
Est aussi très développée la coopération technico-scientifique dans le domaine des armements pour faciliter, à travers une plus grande interopérabilité, la participation des forces armées ukrainiennes à des “opérations conjointes pour la paix” sous conduite Otan.
En outre, étant donné que “de nombreux Ukrainiens manquent d’informations sur le rôle et les objectifs de l’Alliance et gardent à l’esprit des stéréotypes dépassés datant de la guerre froide”, l’Otan institue à Kiev un Centre d’information qui organise des rencontres et séminaires et même des visites de “représentants de la société civile” au quartier général de Bruxelles.
Et comme n’existe pas seulement ce qui se voit, il est évident que l’Otan construit un réseau de relations dans les milieux militaires et civils beaucoup plus étendu que celui qui apparaît.
Sous direction USA/Otan, à travers la Cia et d’autres services secrets vont être recrutés, financés, entraînés et armés des militants néo-nazis. Une documentation géographique montre des jeunes militants néo-nazis ukrainiens de Uno-Unso entraînés en 2006 en Estonie par des instructeurs Otan, qui leur enseignent des techniques de combat urbain et l’utilisation d’explosifs pour des sabotages et attentats.
Même méthode que celle utilisée par l’Otan, pendant la guerre froide, pour former la structure paramilitaire secrète “Gladio”. Active aussi en Italie où, à Camp Darby et dans d’autres bases, sont entraînés des groupes néo-fascistes en les préparant à des attentats et à un éventuel coup d’état.
C’est cette structure paramilitaire qui entre en action Place Maïdan, en la transformant en champ de bataille : tandis que des groupes armés donnent l’assaut aux édifices de gouvernement, des tireurs isolés “inconnus” tirent avec les mêmes fusils de précision à la fois sur les manifestants et sur les policiers (presque tous touchés à la tête).
Le 20 février 2014 le secrétaire général de l’Otan s’adresse, sur un ton de commandement, aux forces armées ukrainiennes, en les avertissant de “rester neutres”, sous peine de “graves conséquences négatives pour nos relations”. Abandonné par le sommet des forces armées et par une grande partie de l’appareil gouvernemental, le président Viktor Yanoukovitch est contraint à la fuite.
Andriy Parubiy -co-fondateur du parti national-social, constitué en 1991 sur le modèle du Parti national-socialiste d’Adolf Hitler, et chef des formations paramilitaires néo-nazies est mis à la tête du “Conseil de défense et de sécurité nationale”.
Le putsch de la Place Maïdan est accompagné par une campagne de persécution, dirigée notamment contre le Parti communiste et les syndicats, analogue à celles qui marquèrent l’avènement du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne. Sièges de parti détruits, dirigeants lynchés, journalistes torturés et assassinés ; activistes brûlés vifs dans la Maison des Syndicats à Odessa ; des habitants, sans armes, de l’Ukraine orientale d’origine russe sont massacrés à Mariupol, bombardés au phosphore blanc à Slaviansk, Lugansk et Donetsk.
C’est un véritable coup d’état sous régie USA/Otan, dans le but stratégique de provoquer en Europe une nouvelle guerre froide pour frapper et isoler la Russie et renforcer, en même temps, l’influence et la présence militaire des Etats-Unis en Europe.
Face au coup d’état et à l’offensive contre les Russes d’Ukraine, le Conseil suprême de la République autonome de Crimée - territoire russe passé à l’Ukraine pendant la période soviétique en 1954- vote la sécession vis à vis de Kiev et la demande d’annexion à la Fédération russe, décision qui sera confirmée par 97% des votes favorables par un référendum populaire. Le 18 mars 2014 Vladimir Poutine signe le traité d’adhésion de la Crimée à la Fédération russe avec le statut de république autonome.
La Russie va alors être accusée par l’Otan et par l’UE d’avoir annexé illégalement la Crimée et soumise à des sanctions.
(10, à suivre)
Manlio Dinucci
DE LA GUERRE FROIDE À L’APRÈS-GUERRE FROIDE
En 1989 survient l’ « écroulement du Mur de Berlin » : c’est le début de la réunification allemande qui se réalise quand, en 1990, la République Démocratique se dissout en adhérant à la République Fédérale d’Allemagne. En 1991 se dissout le Pacte de Varsovie : les pays de l’Europe centre-orientale qui en faisaient partie ne sont alors plus alliés de l’URSS. Dans la même année, se dissout l’Union Soviétique : à la place d’un unique état s’en forment quinze.
La disparition de l’URSS et de son bloc crée, dans la région européenne et centre-asiatique, une situation géopolitique entièrement nouvelle. Dans le même temps, la désagrégation de l’URSS et la profonde crise politique et économique qui frappe la Russie signent la fin de la superpuissance en mesure de rivaliser avec celle des Etats-Unis.
La guerre du Golfe de 1991 est la première guerre, dans la période suivant le second conflit mondial, que Washington ne justifie pas par la nécessité de contenir la menaçante avancée du communisme, justification qui a été à la base de toutes les précédentes interventions militaires étasuniennes dans le « tiers monde », de la guerre de Corée à celle du Vietnam, de l’invasion de la Grenade à l’opération contre le Nicaragua. Avec cette guerre les Etats-Unis renforcent leur présence militaire et leur influence politique dans l’aire stratégique du Golfe persique, où se concentre une grande partie des réserves pétrolières mondiales.
En même temps Washington lance à ses adversaires, ex adversaires et alliés un message sans équivoque. Il est contenu dans la National Security Strategy of the United States (Stratégie de la sécurité nationale des Etats-Unis), le document par lequel la Maison Blanche énonce, en août 1991, sa nouvelle stratégie.
« Malgré l’émergence de nouveaux centres de pouvoir - souligne le document signé par le président- les Etats-Unis restent le seul Etat avec une force, une portée et une influence en toutes dimensions - politique, économique et militaire - réellement mondiales. Dans les années 90, tout comme pour la grande partie de ce siècle, aucun substitut n’existe au leadership américain ».
Six mois après la directive présidentielle, un document provenant du Pentagone - Defense Planning Guidance for the Fiscal Years 1994-1999 (Guide pour la planification et la Défense pour les années fiscales 1994-1999), filtré à travers le New York Times en mars 1992, clarifie ce qui dans la directive présidentielle devait rester nécessairement implicite : le fait que, pour exercer leur leadership mondial, les Etats-Unis doivent empêcher que d’autres puissances, y compris les anciens et les nouveaux alliés, ne puissent devenir des concurrentes : « Notre premier objectif est d’empêcher la réémergence d’un autre rival, sur le territoire de l’Union Soviétique ou ailleurs, qui pose une menace de l’ordre de celle précédemment posée par l’Union Soviétique. Nous devons empêcher qu’aucune autre puissance hostile ne domine une région dont les ressources, si elles étaient étroitement contrôlées, suffiraient à générer une puissance mondiale. Ces régions comprennent l’Europe occidentale, l’Asie orientale, le territoire de l’ex Union Soviétique et l’Asie sud-occidentale ».
Dans un tel cadre, souligne le document, « il est d’ une importance fondamentale de préserver l’Otan comme principal instrument de la défense et de la sécurité occidentales, ainsi que comme canal de l’influence et de la participation étasuniennes dans les affaires de la sécurité européenne. Tandis que les Etats-Unis soutiennent l’objectif de l’intégration européenne, ils doivent essayer d’empêcher la création de dispositifs de sécurité uniquement européens, qui mineraient l’Otan, en particulier la structure de commandement de l’Alliance », c’est-à-dire le commandement USA.
LE NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE DE L’OTAN
Pendant qu’ils réorientent leur propre stratégie, les Etats-Unis font pression sur l’Otan pour qu’elle en fasse autant. Pour eux il est de première urgence de redéfinir non seulement la stratégie, mais le rôle-même de l’Alliance atlantique. Avec la fin de la guerre froide et la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’Union Soviétique même, se dissipe en effet la motivation de la « menace soviétique » qui a maintenu jusque là la cohésion de l’Otan sous l’indiscutable leadership étasunien : le danger existe donc que les alliés européens fassent des choix divergents voire jugent l’Otan inutile dans la nouvelle situation géopolitique qui s’est créée dans la région européenne.
Le 7 novembre 1991 (après la première guerre du Golfe, à laquelle l’Otan a participé non officiellement en tant que telle, mais avec ses forces et structures), les chefs d’Etat et de gouvernement des seize pays de l’Otan, réunis à Rome dans le Conseil atlantique, lancent « Le nouveau concept stratégique de l’Alliance ». « Contrairement à la menace prédominante du passé - affirme le document- les risques qui demeurent pour la sécurité de l’Alliance sont de nature multiforme et multidirectionnels, chose qui les rend difficiles à prévoir et évaluer. Les tensions pourraient conduire à des crises dommageables pour la stabilité européenne et jusqu’à des conflits armés, qui pourraient engager des puissances extérieures ou se répandre jusqu’à l’intérieur des pays de l’Otan ». Face à ces risques et d’autres, « la dimension militaire de notre Alliance reste un facteur essentiel, mais le fait nouveau est qu’elle sera plus que jamais au service d’un ample concept de sécurité ».
En définissant le concept de sécurité comme quelque chose qui n’est pas circonscrit à l’aire nord-atlantique, on commence à dessiner la « Grande Otan ».
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (2)
L’INTERVENTION OTAN DANS LA CRISE DES BALKANSLe « nouveau concept stratégique » de l’Otan se trouve mis en pratique dans les Balkans, où la crise de la Fédération Yougoslave, due aux oppositions entre les groupes de pouvoir et aux poussées centrifuges des républiques, a atteint le point de rupture.
En novembre 1990, le Congrès des Etats-Unis approuve le financement direct de toutes les nouvelles formations « démocratiques » de la Yougoslavie, encourageant ainsi les tendances sécessionnistes. En décembre, le parlement de la République croate, contrôlé par le parti de Franjo Tudjman, établit une nouvelle constitution par laquelle la Croatie est « patrie des Croates » (et non plus des Croates et des Serbes, peuples constituants de la république) et est souveraine sur son territoire. Six mois plus tard, en juin 1991, outre la Croatie, c’est la Slovénie qui proclame sa propre indépendance. Immédiatement après, éclatent des affrontements entre l’armée fédérale et les indépendantistes. En octobre, en Croatie, le gouvernement Tudjman expulse plus de 25 mille Serbes de la Slavonie, tandis que ses milices occupent Vukovar. L’armée fédérale répond, en bombardant et occupant la ville. La guerre civile commence à s’étendre, mais pourrait encore être arrêtée.
La voie qui vient d’être prise est au contraire diamétralement opposée : l’Allemagne, engagée à étendre son influence économique et politique dans la région des Balkans, en décembre 1991 reconnaît unilatéralement Croatie et Slovénie comme états indépendants. Conséquence : le jour suivant les Serbes de Croatie proclament à leur tour l’autodétermination, en constituant la République serbe de la Krajina. En janvier 1992 l’Europe des douze reconnaît aussi, outre la Croatie, la Slovénie. Dès lors s’enflamme aussi la Bosnie-Herzégovine qui, à petite échelle, représente la gamme complète des nœuds ethniques et religieux de la Fédération Yougoslave.
Les casques bleus de l’Onu, envoyés en Bosnie comme force d’interposition entre les factions en lutte, vont être volontairement laissés en nombre insuffisant, sans moyens adaptés et sans directives précises, finissant par devenir otages au milieu des combats. Tout concourt à démontrer la « faillite de l’Onu » et la nécessité que ce soit l’Otan qui prenne en main la situation. En juillet 1992 l’Otan lance la première opération de « réponse à la crise », pour imposer l’embargo à la Yougoslavie.
En février 1994, des avions Otan abattent des avions serbo-bosniaques qui violent l’espace aérien interdit sur la Bosnie. C’est la première action de guerre depuis la fondation de l’Alliance. Avec elle l’Otan viole l’article 5 de sa propre charte constitutive, puisque l’action guerrière n’est pas motivée par l’attaque d’un membre de l’Alliance et est effectuée en dehors de son aire géographique.
LA GUERRE CONTRE LA YOUGOSLAVIE
L’incendie ayant été éteint en Bosnie (où le feu couve sous la cendre de la division en états ethniques), les pompiers de l’Otan courent jeter de l’essence sur le foyer du Kosovo, où depuis des années est en cours une revendication d’indépendance par la majorité albanaise. A travers des canaux souterrains en grande partie gérés par la Cia, un fleuve d’armes et de financements, entre fin 1998 et début 1999, va alimenter l’Uck (Armée de libération du Kosovo), bras armé du mouvement séparatiste kosovar-albanais. Des agents de la Cia déclareront ensuite être entrés au Kosovo en 1998 et 1999, en habits d’observateurs de l’OSCE chargés de vérifier le « cessez-le-feu », fournissant à l’Uck des manuels étasuniens d’entraînement militaire et des téléphones satellitaires, afin que les commandants de la guérilla puissent être en contact avec l’Otan et Washington. L’Uck peut ainsi déclencher une offensive contre les troupes fédérales et les civils serbes, avec des centaines d’attentats et d’enlèvements. Alors que les affrontements entre les forces yougoslaves et celles de l’Uck provoquent des victimes des deux côtés, une puissante campagne politico-médiatique prépare l’opinion publique internationale à l’intervention de l’Otan, présentée comme unique façon d’arrêter la « purification ethnique » serbe au Kosovo. La cible prioritaire est le président de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, accusé de « crimes contre l’humanité » pour les opérations de « purification ethnique ».
La guerre, nommée « Opération force alliée », commence le 24 mars 1999. Pendant que les avions des Etats-Unis et d’autres pays de l’Otan larguent les premières bombes sur la Serbie et le Kosovo, le président démocrate Clinton annonce : « A la fin du XXème siècle, après deux guerres mondiales et une guerre froide, nous et nos alliés avons la possibilité de laisser à nos enfants une Europe libre, pacifique et stable ». Dans la guerre, le rôle de l’Italie va être déterminant : le gouvernement D’Alema met le territoire italien, en particulier les aéroports, à disposition totale des forces armées des Etats-Unis et d’autres pays, pour opérer ce que le président du Conseil définit comme « le droit d’ingérence humanitaire ».
Pendant 78 jours, décollant surtout des bases italiennes, 1100 avions effectuent 38000 sorties, larguant 23000 bombes et missiles. 75% des avions et 90% des bombes et missiles sont fournis par les Etats-Unis. Sont aussi étasuniens le réseau de communication, le commandement, le contrôle et le renseignement à travers lesquels sont conduites les opérations : « Sur 2000 objectifs traités en Serbie par les avions de l’Otan -documente ensuite le Pentagone- 1999 ont été choisis par le renseignement étasunien et un seulement par les Européens ».
Systématiquement, les bombardements démantèlent les structures et infrastructures de la Serbie, provoquant des victimes surtout parmi les civils. Les dommages qui en dérivent pour la santé et l’environnement sont incalculables. De la raffinerie de Pancevo, notamment, s’échappent, à cause des bombardements, des milliers de tonnes de substance chimiques hautement toxiques (dont dioxine et mercure). D’autres dégâts sont provoqués par l’emploi massif par l’Otan, en Serbie et Kosovo, de projectiles à uranium appauvri, déjà utilisés dans la guerre du Golfe.
Participent aussi aux bombardements 54 avions italiens, qui accomplissent 1378 sorties, attaquant les objectifs indiqués par le commandement étasunien. « Par le nombre d’avions nous n’avons été seconds que par rapport aux USA. L’Italie est un grand pays et on ne doit pas s’étonner de l’engagement démontré dans cette guerre », déclare le président du Conseil D’Alema pendant sa visite le 10 juin 1999 à la base d’Amendola, en soulignant que, pour les pilotes qui y ont participé, cela a été « une grande expérience humaine et professionnelle ».
Le 10 juin 1999, les troupes de la Fédération yougoslave commencent à se retirer du Kosovo et l’Otan met fin aux bombardements. La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Onu indique que la présence internationale doit avoir une « participation substantielle de l’Otan » et être déployée « sous contrôle et commandement unifiés ». A qui revient le commandement ? Le président Clinton l’explique en soulignant que l’accord sur le Kosovo prévoit « le déploiement d’une force internationale de sécurité avec l’Otan comme noyau, ce qui signifie une chaîne de commandement unifiée de l’Otan ». « Aujourd’hui l’Otan affronte sa nouvelle mission : celle de gouverner », commente le Washington Post.
La guerre finie, les Etats-Unis envoient au Kosovo plus de 60 agents du FBI, mais on ne trouvera pas de traces de massacres pouvant justifier l’accusation, faite contre les Serbes, d’ « épuration ethnique ». Slobodan Milosevic, condamné à 40 années de réclusion par la Cour Pénale Internationale pour l’ex Yougoslavie, meurt en prison après cinq années de détention. La même cour le disculpe, en 2016, de l’accusation de « purification ethnique ».
Le Kosovo, où les Etats-Unis installent une grande base militaire (Camp Bondsteel), devient une sorte de protectorat de l’Otan. En même temps, sous la couverture de la « Force de paix », l’ex Uck au pouvoir terrorise et expulse plus de 250 mille Serbes, Roms, Juifs et Albanais « collaborationnistes ». En 2008, avec l’autoproclamation du Kosovo comme Etat indépendant, est accomplie la démolition de la Fédération Yougoslave.
(2. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (3)
LE CONTOURNEMENT DE L’ARTICLE 5 ET LA CONFIRMATION DU LEADERSHIP USAAlors qu’est en cours la guerre contre la Yougoslavie, est convoqué à Washington, les 23-25 avril 1999, le sommet qui officialise la transformation de l’Otan en « une nouvelle Alliance plus grande, plus flexible, capable d’entreprendre de nouvelles missions, y compris les opérations de réponse aux crises ».
D’une alliance qui, sur la base de l’article 5 du Traité du 4 avril 1949, engage les pays membres à assister même avec la force armée le pays membre qui serait attaqué dans l’aire nord-atlantique, elle est transformée en alliance qui, sur la base du « nouveau concept stratégique », engage aussi les pays membres à « conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance ».
Pour éviter tout équivoque, le président démocrate Clinton explique dans une conférence de presse que les alliés nord-atlantiques « réaffirment qu’ils sont prêts à affronter des conflits régionaux au-delà du territoire de l’Otan ». A la question de savoir quelle est l’aire géographique dans laquelle l’Otan est prête à intervenir, « le Président se refuse à spécifier à quelle distance l’Otan entend projeter sa propre force, en disant que ce n’est pas une question de géographie ». En d’autres termes, l’Otan entend projeter sa propre force militaire en-dehors de ses frontières non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions.
Ce qui ne change pas, dans la mutation de l’Otan, est la hiérarchie à l’intérieur de l’Alliance. La Maison Blanche dit en toutes lettres que « nous maintiendrons en Europe environ 100 mille militaires pour contribuer à la stabilité régionale, soutenir nos liens transatlantiques vitaux et conserver le leadership des Etats-Unis dans l’Otan ».
Et c’est toujours le Président des Etats-Unis qui nomme le Commandant Suprême Allié en Europe, qui est toujours un général ou amiral étasunien, et non pas les alliés, qui se bornent à ratifier le choix. Même chose pour les autres commandements clé de l’Alliance.
LA SUBORDINATION DE L’UNION EUROPÉENNE À L’OTAN
Le document qui engage les pays membres à opérer en-dehors du territoire de l’Alliance, souscrit par les leaders européens le 24 avril 1999 à Washington, rappelle que l’Otan « soutient pleinement le développement de l’identité européenne de la défense à l’intérieur de l’Alliance ». L’idée est claire : l’Europe occidentale peut avoir son « identité de la défense », mais elle doit rester à l’intérieur de l’Alliance, c’est-à-dire sous commandement USA.
Ainsi est confirmée et consolidée la subordination de l’Union européenne à l’Otan. Le Traité de Maastricht de 1992 établit, à l’article 42, que « l’Union respecte les obligations de certains Etats membres, lesquels estiment que leur défense commune se réalise par l’intermédiaire de l’Otan, dans le cadre du Traité de l’Atlantique Nord ». Celui-ci stipule, à l’article 8, que chaque Etat membre « assume l’obligation de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec le Traité ».
Et dans une confirmation ultérieure de ce qu’est le rapport Otan-UE, le protocole n° 10 sur la coopération instituée par l’article 42 souligne que l’Otan « reste le fondement de la défense » de l’Union européenne.
L’ADOPTION PAR L’ITALIE D’UN « NOUVEAU MODÈLE DE DÉFENSE » QUI VIOLE L’ARTICLE 11 DE SA CONSTITUTION
En participant avec ses bases et ses forces armées à la guerre contre la Yougoslavie, pays qui n’avait accompli aucune action agressive ni contre l’Italie ni contre d’autres membres de l’Otan, et en s’engageant à conduire des opérations non prévues par l’article 5 en-dehors du territoire de l’Alliance, l’Italie confirme avoir adopté une nouvelle politique militaire et, simultanément, une nouvelle politique étrangère. Celle-ci, en utilisant comme instrument la force militaire, viole le principe constitutionnel, affirmé par l’Article 11, que « l’Italie répudie la guerre en tant qu’instrument d’atteinte à la liberté des autres peuples et comme mode de solution des conflits internationaux ».
C’est le « nouveau modèle de défense » adopté par l’Italie, dans le sillage de la réorientation stratégique étasunienne, quand, avec le sixième gouvernement Andreotti, elle participe à la guerre du Golfe : les Tornado de l’aéronautique italienne effectuent 226 sorties pour un total de 589 heures de vol, bombardant les objectifs indiqués par le commandement étasunien. C’est la première guerre à laquelle participe la République italienne, en violant l’Article 11, un des principaux fondements de sa propre Constitution.
Immédiatement après la guerre du Golfe, pendant le septième gouvernement Andreotti, le Ministère de la défense publie, en octobre 1991, le rapport Modèle de défense / Lignes de développement des Forces Armées dans les années 90. Le document reconfigure le positionnement géostratégique de l’Italie, en la définissant comme « élément central de l’aire géostratégique qui s’étend de façon unitaire du Détroit de Gibraltar jusqu’à la Mer Noire, en se reliant, à travers Suez, avec la Mer Rouge, la Corne d’Afrique et le Golfe Persique ». Etant donné la « significative vulnérabilité stratégique de l’Italie » surtout pour l’approvisionnement pétrolifère, « les objectifs permanents de la politique de sécurité italienne se configurent dans la protection des intérêts nationaux, dans la plus vaste acception de ces termes, partout où c’est nécessaire », en particulier de ces intérêts qui « ont une incidence directe sur le système économique et sur le développement du système productif, en tant que condition indispensable pour la conservation et le progrès de l’actuelle organisation politique et sociale de la nation ».
En 1993 -pendant que l’Italie est en train de participer à l’opération militaire lancée par les USA en Somalie, et qu’au gouvernement Amato succède celui de Ciampi - l’Etat-major de la défense déclare qu’« il faut être prêts à se projeter à longue distance » pour défendre partout les « intérêts vitaux », afin de « garantir le progrès et le bien-être national en conservant la disponibilité des sources et voies d’approvisionnement des produits énergétiques et stratégiques ».
En 1995, pendant le gouvernement Dini, l’état-major de la défense fait un nouveau pas en avant, en affirmant que « la fonction des forces armées transcende le strict cadre militaire pour se hausser aussi à la mesure du statut et du rôle du pays dans le contexte international ».
En 1996, pendant le gouvernement Prodi, ce concept va être développé dans la 47ème session du Centre des hautes études de la défense. « La politique de la défense -affirme le général Angioni - devient un instrument de la politique de la sécurité et, donc, de la politique extérieure ».
Cette politique anticonstitutionnelle, introduite par des décisions apparemment techniques, se trouve de fait institutionnalisée en passant au-dessus d’un parlement qui, dans sa très grande majorité, s’en désintéresse ou ne sait même pas précisément ce qui est en train d’advenir.
(3. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (4)
L’EXPANSION DE L’OTAN VERS LA RUSSIEDans cette même année -1999- où elle lance la guerre contre la Yougoslavie et annonce vouloir « conduire des opérations de réponse aux crises, non prévues à l’article 5, en-dehors du territoire de l’Alliance », l’Otan commence son expansion vers l’Est. Elle englobe les trois premiers pays de l’ex Pacte de Varsovie : Pologne, République tchèque et Hongrie.
Ensuite, en 2004, elle s’étend à sept autres : Estonie, Lettonie, Lituanie (auparavant parties de l’URSS) ; Bulgarie, Roumanie, Tchécoslovaquie (auparavant membres du Pacte de Varsovie) ; Slovénie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave). Au sommet de Bucarest, en avril 2008, est décidée l’entrée pour l’année suivante de l’Albanie (membre à un moment du Pacte de Varsovie) et de la Croatie (auparavant partie de la Fédération Yougoslave).
En les faisant entrer dans l’Otan, Washington aliène ces pays non pas tant à l’Alliance que directement aux USA. Roumanie et Bulgarie mettent immédiatement à disposition des Etats-Unis les importantes bases militaires de Costanza et Burgas en Mer Noire. La République Tchèque garantit la disponibilité de son territoire pour le déploiement de rampes de missiles du « bouclier anti-missiles » USA.
La Lituanie, avant même d’entrer dans l’Otan, se met à acheter des armements étasuniens, en commençant par 60 missiles Stinger pour une valeur de plus de 30 millions de dollars.
En 2002 la Pologne achète 48 chasseurs F-16 de la société étasunienne Lockheed Martin et, pour les payer, utilise un prêt étasunien de presque 5 milliards de dollars (avec intérêts non seulement financiers mais politiques).
La Bulgarie procède, sur directive de Washington, à une drastique épuration des forces armées, en expulsant des milliers d’officiers (considérés comme non totalement fiables) pour les remplacer par plus de 2 mille officiers jeunes et fiables, formés par des instructeurs étasuniens et capables de parler un excellent anglais, ou plutôt américain.
De cette façon les Etats-Unis renforcent ensuite leur influence en Europe. Sur dix pays de l’Europe centre-orientale qui entrent dans l’Otan entre 1999 et 2004, sept entrent dans l’Union européenne entre 2004 et 2007 : à l’Union européenne qui s’élargit vers l’Est, les Etats-Unis superposent l’Otan qui s’élargit à l’Est sur l’Europe. Le véritable but de l’opération est révélé par les fonctionnaires du Pentagone : les dix pays de l’Europe centre-orientale entrés dans l’Otan - déclarent-ils en février 2003 - « sont en train de prendre d’importantes positions pro-USA, en réduisant efficacement l’influence des puissances de la vieille Europe, comme l’Allemagne et la France ».
Ainsi se révèle, clairement, le dessein stratégique de Washington : prendre appui sur les nouveaux membres de l’Est, pour établir dans l’Otan des rapports de force encore plus favorables aux Etats-Unis, afin d’isoler la « vieille Europe » qui pourrait un jour se rendre autonome.
L’expansion à l’est de l’Otan a, en plus de celles-là, d’autres implications. En englobant non seulement les pays de l’ex Pacte de Varsovie mais aussi les trois républiques baltes autrefois membres de l’URSS, l’Otan arrive jusqu’aux confins de la Fédération Russe. Malgré les assurances de Washington sur les intentions pacifiques de l’Otan, cela constitue une menace, y compris nucléaire, envers la Russie.
Pour tranquilliser la Russie, l’Otan affirme « ne pas avoir d’intention, ni plans, de déployer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres » de l’Europe centre-orientale. La valeur de cet engagement sera démontré par le fait que l’Otan, après avoir promis solennellement de ne pas maintenir d’unités de combat sur le territoire des pays de l’Europe centre-orientale sur le point d’entrer ou entrés dans l’Alliance, utilise immédiatement après la base aérienne hongroise de Taszar comme principal centre logistique des forces étasuniennes opérant dans les Balkans.
L’engagement de ne pas déployer d’armes nucléaires dans les pays d’Europe centre-orientale va être démenti par le fait que, parmi les armes nucléaires conservées par les Etats-Unis en Europe dans le cadre de l’Otan, se trouvent « des bombes nucléaires pour avions à double capacité ». Puisque des avions de ce type, tels les F-16 de l’U.S. Air Force et les 48 achetés par la Pologne, opèrent dans les pays de l’Europe centre-orientale entrés dans l’Otan, leur présence dans ces bases avancées constitue une potentielle menace nucléaire à l’égard de la Russie.
(4. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (5)
AFGHANISTAN : LA PREMIÈRE GUERRE DE L’OTAN EN-DEHORS DE L’AIRE EURO-ATLANTIQUELe motif réel de l’intervention USA/Otan en Afghanistan n’est pas sa libération des talibans, qui avaient été entraînés et armés au Pakistan dans une opération dirigée par la CIA pour conquérir le pouvoir à Kaboul, mais l’occupation de cette aire de première importance stratégique pour les Etats-Unis.
L’Afghanistan est au carrefour entre Moyen-Orient, Asie centrale, méridionale et orientale. Dans cette aire (dans le Golfe et dans la Caspienne) se trouvent les plus grandes réserves pétrolières du monde. Se trouvent aussi trois grandes puissances -Chine, Russie et Inde - dont la force est en train de s’accroître et d’influer sur l’organisation du monde. Comme l’avait prévu le Pentagone dans son rapport du 30 septembre 2001, « la possibilité existe qu’émerge en Asie un rival militaire avec une formidable base de ressources ».
La décision de délocaliser des forces en Afghanistan, comme premier pas pour étendre la présence militaire étasunienne en Asie centrale, va être prise à Washington non pas après le 11 septembre, mais avant. C’est ce que révèlent des sources fiables, selon lesquelles « le président Bush, deux jours avant le 11 septembre, était sur le point de signer un plan détaillé qui prévoyait des opérations militaires en Afghanistan » (NBC News, 16 mai 2002) : avant donc l’attaque terroriste qui officiellement motive la guerre en Afghanistan, était déjà sur la table du président « le plan de guerre que la Maison Blanche, la CIA et le Pentagone ont mis en acte après le 11 septembre ».
Dans la période précédant le 11 septembre 2001, apparaissent en Asie de forts signaux d’un rapprochement entre Chine et Russie, qui se concrétisent quand, le 17 juillet 2001, les présidents Jiang Zemin et Vladimir Poutine signent à Moscou le « Traité de bon voisinage, d’amitié et de coopération », défini comme une « pierre angulaire » dans les relations entre les deux pays. Sans toutefois le déclarer, Washington considère le rapprochement entre Chine et Russie comme un défi aux intérêts étasuniens en Asie, au moment critique où les Etats-Unis essaient d’occuper, avant d’autres, le vide que la désagrégation de l’URSS a laissé en Asie centrale. Une position géostratégique clé pour le contrôle de cette aire est celle de l’Afghanistan.
Sous la motivation officielle de pourchasser Ossama Ben Laden, désigné comme mandant des attaques du 11 septembre à New York et Washington, la guerre commence le 7 octobre 2001 avec le bombardement de l’Afghanistan effectué par l’aviation étasunienne et britannique. Précédemment on a infiltré en territoire afghan des forces spéciales avec la mission de préparer l’attaque avec l’Alliance du nord, et d’autres formations anti-Talibans. Sous les bombardements massifs et l’offensive terrestre de l’Alliance du nord, les forces talibanes, à qui se joignent des volontaires provenant du Pakistan et d’autres pays, sont contraintes à abandonner Kaboul le 13 novembre.
Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise alors, par la résolution 1386 du 20 décembre 2001, la constitution de l’Isaf (Force internationale d’assistance à la sécurité). Sa mission est d’assister l’autorité afghane par intérim à Kaboul et environs. Selon l’article VII de la Charte des Nations Unies, l’emploi des forces armées mises à disposition par des membres de l’ONU pour de telles missions doit être établi par le Conseil de sécurité assisté par le Comité d’état-major, composé des chefs d’état-major des membres permanents du Conseil de sécurité. Même si ce Comité n’existe pas, l’Isaf reste jusqu’en août 2003 une mission ONU, dont la direction va être confiée successivement à la Grande-Bretagne, la Turquie, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Mais soudain, le 11 août 2003, l’Otan annonce avoir « pris le rôle de leadership de l’Isaf, force sous mandat ONU ». C’est un véritable coup de force : aucune résolution du Conseil de sécurité n’autorise l’Otan à prendre le leadership, c’est-à-dire le commandement, de l’Isaf. C’est seulement après coup, dans la résolution 1659 du 15 février 2006, que le Conseil de sécurité « reconnaît l’engagement continu de l’Otan dans la direction de l’Isaf ».
Depuis le 11 août 2003 ce n’est plus l’ONU qui dirige la mission mais l’Otan : le quartier général de l’Isaf se trouve en fait inséré dans la chaîne de commandement de l’Otan, qui choisit tour à tour les généraux à mettre à la tête de l’Isaf. Comme le souligne un communiqué officiel, « L’Otan a assumé le commandement et la coordination de l’Isaf en août 2003 : cette mission est la première en dehors de l’aire euro-atlantique dans l’histoire de l’Otan ». La mission Isaf se trouve donc insérée dans la chaîne de commandement du Pentagone. Dans cette même chaîne de commandement sont insérés les militaires italiens assignés à l’Isaf, avec hélicoptères et avions, y compris chasseurs-bombardiers Tornado.
(5. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (6)
LA GUERRE US/OTAN EN IRAKLe plan étasunien d’attaquer et occuper l’Irak apparaît dans son évidence quand, après l’occupation de l’Afghanistan en novembre 2001, le président Bush le met, en 2002, à la première place des pays faisant partie de l’ « axe du mal ».
Après la première guerre du Golfe en 1991, l’Irak a été soumis à un très dur embargo qui a provoqué en dix années environ un millions de morts, dont environ un demi-million d’enfants. Massacre provoqué, en plus de la dénutrition chronique et du manque de médicaments, par la carence d’eau potable et les maladies infectieuses et parasitaires qui en découlent. Les Etats-Unis - des documents découverts plus tard le montrent - ont mis en oeuvre un plan précis : d’abord bombarder les sites d’épuration et les aqueducs pour provoquer une crise hydrique, puis empêcher avec l’embargo que l’Irak puisse importer les systèmes d’épuration. Les conséquences sanitaires étaient clairement prévues depuis le début et programmées de façon à accélérer l’effondrement de l’Irak. D’autres victimes seront provoquées, dans les années suivant la première guerre, par les projectiles à uranium appauvri, massivement utilisés par les forces étasuniennes et alliées dans les bombardements aussi bien aériens que terrestres.
La seconde guerre contre l’Irak se révèle cependant plus difficile à justifier que celle effectuée en 1990-1991. A la différence d’alors, l’Irak de Saddam Hussein n’accomplit aucune agression et s’en tient à la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations Unies, permettant aux inspecteurs ONU d’entrer dans tous les sites pour vérifier l’éventuelle existence d’armes de destruction massive (qui ne seront pas constatées). Il devient par conséquence plus difficile pour les Etats-Unis de créer la motivation « légale » pour la guerre et, sur cette base, d’obtenir un imprimatur international analogue à celui de 1991.
L’administration Bush est cependant décidée à aller jusqu’au bout. Elle fabrique donc une série de « preuves », qui s’avèreront ensuite fausses, sur la présumée existence d’un gros arsenal d’armes chimiques et bactériologiques, qui serait en possession de l’Irak, et sur sa présumée capacité de construire dans un bref délai des armes nucléaires. Et, comme le Conseil de sécurité de l’ONU se refuse à autoriser la guerre, l’administration Bush tout simplement le contourne.
La guerre commence le 20 mars 2003 avec le bombardement aérien de Bagdad et d’autres centres par l’aviation étasunienne et britannique et avec l’attaque terrestre effectuée par des marines entrés en Irak par le Koweït. Le 9 avril des troupes étasuniennes occupent Bagdad. L’opération, dénommée « Iraqi Freedom », est présentée comme « guerre préventive » et « exportation de la démocratie ». Ainsi est mis en acte le principe énoncé dans le Quadrennial Defense Review Report du Pentagone (30 septembre 2001) : « Les forces armées étasuniennes doivent conserver la capacité, sous la direction du Président, d’imposer la volonté des Etats-Unis à n’importe quel adversaire, y compris des états et entités non-étatiques, de changer le régime d’un état adversaire ou d’occuper un territoire étranger jusqu’à ce que les objectifs stratégiques étasuniens soient réalisés ».
Mais, outre la « volonté des Etats-Unis », il y a la volonté des peuples de résister. C’est ce qui advient en Irak, où les forces d’occupation étasuniennes et alliées-y compris les forces italiennes engagées dans l’opération « Antique Babylone » - auxquelles se joignent les mercenaires de compagnies privées, rencontrent une résistance qu’ils ne s’attendaient pas à trouver, malgré la très dure répression qui provoque (rien que par l’effet des actions militaires) des dizaines de milliers de morts dans la population.
Comme la résistance irakienne enraye la machine de guerre étasunienne et alliée, Washington recourt à l’antique mais toujours efficace politique du « diviser pour régner », en faisant des concessions à certains regroupements chiites et kurdes afin d’isoler les sunnites. Dans le cas où l’opération ne réussirait pas, Washington a un plan de réserve tout prêt : désagréger l’Irak (comme il l’a déjà fait avec la Fédération Yougoslave) de façon à pouvoir contrôler les zones pétrolifères et d’autres aires d’intérêt stratégique, à travers des accords avec des groupes de pouvoir locaux.
C’est dans cet objectif qu’intervient officiellement l’’Otan, qui a de fait participé à la guerre avec ses propres structures et forces. En 2004 est instituée la « Mission Otan d’entraînement », dans le but déclaré d’ « aider l’Irak à créer d’efficientes forces armées ». De 2004 à 2011 vont être entraînés, dans 2000 cours spéciaux tenus dans des pays de l’Alliance, des milliers de militaires et policiers irakiens qui sont aussi dotés d’armes données par ces mêmes pays. Simultanément l’Otan envoie en Irak des instructeurs et conseillers, y compris italiens, pour « aider l’Irak à créer son propre secteur de la sécurité sous conduite démocratique et durable » et pour « établir un partenariat à long terme de l’Otan avec l’Irak ».
(6. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (7)
LA COOPÉRATION MILITAIRE OTAN-ISRAEL DE PLUS EN PLUS ÉTROITEEn avril 2001 Israël signe au quartier général de l’Otan à Bruxelles l’ « accord de sécurité », s’engageant à protéger les « informations classifiées » qu’il recevra dans le cadre de la coopération militaire.
En juin 2003 le gouvernement italien signe avec celui d’Israël un mémorandum d’entente pour la coopération dans le secteur militaire et de la défense, qui prévoit notamment le développement conjoint d’un nouveau système de guerre électronique.
En janvier 2004 un avion radar Awacs de l’Otan atterrit pour la première fois à Tel Aviv et le personnel israélien va être entraîné à l’utilisation de ses technologies.
En décembre 2004 on annonce que l’Allemagne fournira à Israël deux autres sous-marins Dolphin, qui s’ajouteront aux trois (dont deux offerts) remis dans les années 90. Israël peut ainsi renforcer sa flotte de sous-marins d’attaque nucléaire, constamment maintenus en navigation en Méditerranée, Mer Rouge et Golfe Persique.
En février 2005 le secrétaire général de l’Otan effectue sa première visite officielle à Tel Aviv, où il rencontre les plus hautes autorités militaires israéliennes pour « étendre la coopération militaire ».
En mars 2005 se déroule en Mer Rouge le premier exercice naval conjoint Israël-Otan : le commandement du groupe naval de la « Force de réaction Otan » est confié à la marine italienne qui y participe avec la frégate Bersagliere.
En mai 2005, après avoir été ratifié au Sénat et à la Chambre, le mémorandum d’entente italo-israélien devient loi : ainsi est institutionnalisée la coopération entre les ministères de la défense et les forces armées des deux pays concernant l’« importation, exportation et transit de matériels militaires », l’ « organisation des forces armées », la « formation/entraînement ».
En mai 2005, Israël est admis comme membre de l’Assemblée parlementaire de l’Otan.
En juin 2005 la marine israélienne participe à un exercice Otan dans le Golfe de Tarante.
En juillet 2005 des troupes israéliennes participent pour la première fois à un exercice Otan, qui se déroule en Ukraine.
En juin 2006 un navire de guerre israélien participe à un exercice Otan en Mer Noire dans le but de « créer une meilleure interopérabilité entre la marine israélienne et les forces navales Otan ».
En octobre 2006, Otan et Israël concluent un accord qui établit une coopération israélienne plus étroite avec le programme Otan « Dialogue méditerranéen », dont le but est de « contribuer à la sécurité et stabilité de la région ». Dans ce cadre, « Otan et Israël s’accordent sur les modalités de la contribution israélienne à l’opération maritime de la Nato Active Endeavour » (Nato/Israël Cooperation, 16 octobre 2006).
Israël est ainsi récompensé par l’Otan pour son attaque et invasion du Liban. Les forces navales israéliennes, qui avec les forces aériennes et terrestres viennent de pilonner le Liban avec des milliers de tonnes de bombes massacrant des civils, se trouvent intégrées dans l’opération Otan qui devrait « combattre le terrorisme en Méditerranée ». Les mêmes forces navales qui, en bombardant la centrale électrique de Jiyyeh sur les côtes libanaises ont provoqué une énorme marée noire qui s’est diffusée en Méditerranée (dont le traitement coûtera des centaines de millions de dollars), collaborent maintenant avec l’Otan pour « contribuer à la sécurité de la région ».
Le 2 décembre 2008, environ trois semaines avant l’attaque israélienne contre Gaza, l’Otan ratifie le « Programme de coopération individuel » avec Israël. Il comprend une vaste gamme de domaines dans lesquels « Otan et Israël coopèreront pleinement » : contre-terrorisme, dont échange d’informations entre les services de renseignement ; connexion d’Israël au système électronique Otan ; coopération dans le secteur des armements ; augmentation des exercices militaires conjoints Otan-Israël ; élargissement de la coopération dans la lutte contre la prolifération nucléaire (en ignorant qu’Israël, unique puissance nucléaire de la région, a refusé de signer le Traité de non-prolifération).
L’OTAN « À LA CHASSE AUX PIRATES » DANS L’OCÉAN INDIEN
En octobre 2008, un groupe naval de l’Otan, le Standing Nato Maritime Group 2 (Snmg2), traverse le Canal de Suez pour entrer dans l’Océan Indien. En font partie des navires de guerre d’Italie, des Etats-Unis, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de Grèce et de Turquie. Ce groupe naval (dont le commandement est assumé par roulement des pays membres) fait partie d’une des trois composantes de l’Allied Joint Force Command Naples, dont le commandement est attribué de façon permanente à un amiral étasunien, le même qui commande les Forces navales USA en Europe. L’aire dans laquelle opère le Snmg2 n’a désormais plus de frontières, en ceci qu’il constitue une des unités de la « Force de réaction Otan », prête à être projetée « pour n’importe quelle mission dans n’importe quelle partie du monde ».
Objectif officiel de la mission du Snmg2 dans l’Océan Indien : mener des « opérations anti-piraterie » le long des côtes de la Somalie, en escortant les navires marchands qui transportent les aides alimentaires du World Food Program des Nations Unies. Dans cet « effort humanitaire », l’Otan « continue à coordonner son assistance avec l’opération Enduring Freedom sous conduite USA ». Derrière cette mission Otan, il y a donc bien autre chose. À ce moment-là, en Somalie, la politique étasunienne est en train de subir un nouvel échec : les troupes éthiopiennes, qui y ont été envoyées en 2006 après l’échec de la tentative de la CIA de renverser les Cours islamiques en soutenant une coalition « anti-terrorisme » des seigneurs de la guerre, ont été contraintes à se retirer par la résistance somalienne.
Washington prépare alors d’autres opérations militaires pour étendre son propre contrôle sur la Somalie, provoquant d’autres désastreuses conséquences sociales. Ces dernières sont à la base du phénomène de la piraterie, né à la suite de la pêche illégale par des flottes étrangères et de la décharge de substances toxiques dans les eaux somaliennes, qui ont ruiné les petits pêcheurs, parmi lesquels certains ont eu recours à la piraterie.
Dans la stratégie USA/Otan, la Somalie est importante par sa position géographique sur les côtes de l’Océan Indien. Pour contrôler cette aire a été positionnée à Djibouti, à l’embouchure de la Mer Rouge, une task forceétasunienne. L’intervention militaire, directe et indirecte, dans cette zone et dans d’autres s’intensifie alors avec la naissance du Commandement Africa des Etats-Unis. C’est dans son « aire de responsabilité » qu’est envoyé le groupe naval Otan.
Celui-ci a aussi une autre mission officielle : visiter certains pays du Golfe persique (Koweït, Bahreïn, Qatar et Emirats Arabes Unis), partenaires Otan dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul. Les navires de guerre de l’Otan vont ainsi s’ajouter aux porte-avions et autres nombreuses unités que les USA ont déployés dans le Golfe et dans l’Océan Indien, dans une fonction anti-Iran et pour mener, y compris avec l’aviation navale, la guerre aérienne en Afghanistan.
(7. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (8)
LA DÉMOLITION DE L’ÉTAT LYBIENLa stratégie USA/Otan consiste à démolir les Etats qui sont totalement ou en grande partie hors du contrôle des Etats-Unis et des plus grandes puissances européennes, surtout ceux situés dans les aires riches en pétrole et/ou avec une importante position géostratégique. On privilégie, dans la liste des démolitions, les Etats qui n’ont pas une force militaire pouvant mettre en danger, par des représailles, celle des démolisseurs.
L’opération commence en plantant des coins dans les fissures internes, qu’on trouve dans tout Etat. Dans la Fédération Yougoslave, dans les années 90, vont être fomentées les tendances sécessionnistes, en soutenant et armant les secteurs ethniques et politiques qui s’opposent au gouvernement de Belgrade. Cette opération va être mise en oeuvre en prenant appui sur les nouveaux groupes de pouvoir, souvent formés de politiciens passés à l’opposition pour s’accaparer dollars et postes de pouvoir.
Simultanément on mène une campagne de matraquage médiatique pour présenter la guerre comme nécessaire pour défendre les civils, menacés d’extermination par un féroce dictateur.
On demande ensuite l’autorisation au Conseil de sécurité de l’ONU, en motivant l’intervention par la nécessité de destituer le dictateur qui massacre des civils désarmés. Il suffit d’un tampon où est écrit « on autorise toutes les mesures nécessaires » mais, s’il n’est pas donné (comme dans le cas de la Yougoslavie), on continue quand même. La machine de guerre USA/Otan, déjà préparée, entre en action avec une massive attaque aéronavale et des opérations terrestres à l’intérieur du pays, autour duquel le vide a été fait par un embargo très sévère.
Cette stratégie, après avoir été mise en oeuvre contre la Fédération Yougoslave, va être adoptée contre la Libye en 2011.
D’abord on va financer et armer les secteurs tribaux hostiles au gouvernement de Tripoli et aussi des groupes islamistes définis comme terroristes jusque quelques mois auparavant. En même temps sont infiltrées en Libye des forces spéciales, dont des milliers de commandos qataris facilement camouflables. Toute l’opération est dirigée par les Etats-Unis, d’abord via le Commandement Africa, puis via l’Otan sous commandement étasunien.
Le 19 mars 2011 commence le bombardement aéronaval de la Libye. En sept mois, l’aviation USA/Otan va effectuer 30 mille missions, dont 10 mille d’attaque, avec utilisation de plus de 40 mille bombes et missiles. l’Italie participe à cette guerre avec ses bases et forces militaires, en foulant le Traité d’amitié, de partenariat et de coopération entre les deux pays.
Pour la guerre contre la Libye l’Italie met à disposition des forces USA/Otan 7 bases aériennes (Trapani, Gioia del Colle, Sigonella, Decimomannu, Aviano, Amendola et Pantelleria), assurant assistance technique et approvisionnements. L’Aéronautique italienne participe à la guerre en effectuant 1182 missions, avec des chasseurs-bombardiers Tornado, F-16 Falcon, Eurofighter 2000, AMX, drones Predator B et ravitailleurs KC-767 e KC130J. La Marine militaire italienne est engagée dans la guerre sur plusieurs fronts : des opérations d’embargo naval aux activités de patrouille et d’approvisionnement.
Avec la guerre USA/Otan de 2011, l’Etat libyen est démoli et Kadhafi assassiné ; l’entreprise est attribuée à une « révolution inspiratrice » que les USA se disent fiers de soutenir, en créant « une alliance sans égal contre la tyrannie et pour la liberté ». Ainsi est démoli cet Etat qui, sur la rive sud de la Méditerranée face à l’Italie, garantissait « de hauts niveaux de croissance économique » (comme le montrait) en 2010 la Banque Mondiale) avec une augmentation moyenne annuelle du PIB de 7,5%, et enregistrait de « hauts indicateurs de développement humain » dont l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et, pour 46%, à celle de niveau universitaire. Malgré les disparités, le niveau de vie de la population libyenne était notablement plus élevé que celui des autres pays africains. En témoignait le fait que plus de deux millions d’immigrés, en majorité africains, trouvaient du travail en Libye.
La guerre, donc, va aussi toucher les immigrés venant d’Afrique sub-saharienne qui, persécutés sous l’accusation d’avoir collaboré avec Kadhafi, sont emprisonnés ou obligés de fuir. Nombre d’entre eux, poussés par le désespoir, tentant la traversée de la Méditerranée vers l’Europe. Ceux qui y perdent la vie sont eux aussi des victimes de la guerre par laquelle l’Otan a démoli l’État libyen.
LES VRAIES RAISONS DE LA GUERRE CONTRE LA LIBYE
De multiples facteurs rendent la Libye importante aux yeux des Etats-Unis et des puissances européennes. Les réserves pétrolières - les plus grandes d’Afrique, précieuses par leur haute qualité et leur faible coût d’extraction - et celles de gaz naturel.
Après que Washington a aboli en 2003 les sanctions en échange de l’engagement de Kadhafi de ne pas produire d’armes de destruction massive, les grandes compagnies pétrolières étasuniennes et européennes affluent en Libye avec des grandes espérances, qui seront cependant déçues. Le gouvernement libyen concède les licences d’exploitation aux compagnies étrangères qui laissent à la compagnie nationale libyenne (National Oil Corporation of Libya, Noc) le plus haut pourcentage du pétrole extrait : étant donnée la forte compétition, celui-ci atteint environ 90%. De plus la Noc demande, dans les contrats, que les compagnies étrangères embauchent du personnel libyen y compris dans des postes dirigeants. En abattant l’Etat libyen, les Etats-Unis et les puissances européennes visent de fait à s’emparer de sa richesse énergétique.
En plus de l’or noir, ils visent l’or blanc libyen : l’immense réserve d’eau fossile de la nappe nubienne (estimée à 150 mille km3), qui s’étend sous Libye, Soudan et Tchad. Les possibilités de développement qu’elle offre ont été démontrées par le gouvernement libyen, qui a construit un réseau d’aqueducs long de 4000 km pour transporter l’eau, extraite en profondeur par 1300 puits dans le désert, jusqu’aux villes côtières et à l’oasis de Koufra, en rendant fertiles des terres désertiques. Ces réserves hydriques, qui ont une perspective plus précieuse que celles pétrolifères, sont convoitées - à travers les privatisations promues par le FMI- par les multinationales de l’eau, qui contrôlent presque la moitié du marché mondial de l’eau privatisée.
Dans le viseur USA/Otan se trouvent aussi les fonds souverains, les capitaux que l’Etat libyen a investi à l’étranger. Les fonds souverains gérés par la Libyan Investment Authority (Lia) sont estimés à environ 70 milliards de dollars, qui montent à plus de 150 si on inclut les investissements étrangers de la Banque centrale et d’autres organismes. Depuis sa construction en 2006, la Lia a effectué en cinq années des investissements dans plus de cent sociétés nord-africaines, asiatiques, européennes, nord-américaines et sud-américaines : holding, banques, immobilières, industries, compagnies pétrolières et autres. Ces fonds sont « congelés », c’est-à-dire séquestrés, par les Etats-Unis et par les plus grandes puissances européennes.
L’assaut sur les fonds souverains libyens a un impact particulièrement fort en Afrique. C’est là que la Libyan Arab African Investment Company avait effectué des investissements dans plus de 25 pays, dont 22 en Afrique sub-saharienne, en programmant de les accroître surtout dans les secteurs minéralier, manufacturier, touristique et dans celui des télécommunications. Les investissements libyens avaient été décisifs dans la réalisation du premier satellite de télécommunications de la Rascom (Regional African Satellite Communications Organization) qui, entré en orbite en août 2010, permettait aux pays africains de commencer à se rendre indépendants des réseaux satellitaires étasuniens et européens, avec une économie annuelle de centaines de millions de dollars.
Plus importants encore avaient été les investissements libyens dans la réalisation des trois organismes financiers lancés par l’Union africaine : la Banque africaine d’investissement, avec siège à Tripoli ; le Fonds monétaire africain, avec siège à Yaoundé (Cameroun) ; la Banque centrale africaine, avec siège à Abuja (Nigéria). Le développement de ces organismes aurait pu permettre aux pays africains de se soustraire en partie au moins au contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, instruments de domination néocoloniale, en affaiblissant le dollar et le franc Cfa (monnaie que sont obligés d’utiliser 14 pays africains, ex-colonies françaises). Le gel des fonds libyens assène un coup mortel à tout le projet.
Les emails de Hillary Clinton (secrétaire d’état de l’administration Obama en 2011), révélés ensuite en 2016, confirment quel a été le véritable but de la guerre : bloquer le plan de Kadhafi d’utiliser les fonds souverains libyens pour créer des organismes financiers autonomes de l’Union africaine et une monnaie africaine alternative au dollar et au franc CFA.
Pour les USA et l’Otan, c’est la position géographique même de la Libye qui est importante, à l’intersection entre Méditerranée, Afrique et Moyen-Orient. On se souviendra que le Roi Idriss, en 1953, avait concédé aux Anglais l’utilisation de bases aériennes, navales et terrestres en Cyrénaïque et Tripolitaine. Un accord analogue avait été conclu en 1954 avec les Etats-Unis, qui avaient obtenu l’utilisation de la base aérienne de Wheelus Field aux portes de Tripoli. Après l’abolition de la monarchie, la République arabe libyenne avait obligé en 1970 les forces étasuniennes et britanniques à évacuer les bases militaires et, l’année suivante, avait nationalisé les propriétés de British Petroleum et obligé les autres compagnies à verser à l’Etat libyen des pourcentages beaucoup plus élevés de leurs profits.
(8. A suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (9)
LE DÉBUT DE LA GUERRE CONTRE LA SYRIEEn octobre 2012 le conseil atlantique dénonce « les actes agressifs du régime syrien à la frontière sud-orientale de l’Otan », prêt à déclencher l’article 5 qui engage à assister par la voie armée le pays membre « attaqué », la Turquie. Mais on a déjà mis en acte le « non-article 5 » - introduit pendant la guerre contre la Yougoslavie et appliqué contre l’Afghanistan et la Libye - qui autorise des opérations non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance.
La guerre en Syrie commence en 2011. D’éloquentes images des édifices de Damas et Alep dévastés par de très puissants explosifs montrent qu’il s’agit d’actions non pas de simples rebelles, mais de professionnels de la guerre infiltrés. Environ 200 spécialistes des forces d’élite britanniques Sas et Sbs -rapporte le Daily Star - opèrent en Syrie, avec des unités britanniques et françaises.
Les troupes de choc sont constituées par un ramassis de groupes islamistes (définis par Washington jusque peu de temps auparavant comme terroristes) provenant d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie, Libye et quelques autres pays. Dans le groupe d’Abu Omar al-Chechen – rapporte l’envoyé du Guardian à Alep - les ordres sont donnés en arabe, mais doivent être traduits en tchétchène, tadjik, turc, dialecte saoudien, urdu, français et quelques autres langues. Pourvus de faux passeports (spécialité Cia), les combattants affluent dans les provinces turques de Adana et Hatay, frontalières avec la Syrie, où la Cia a ouvert des centres de formation militaire. Les armes arrivent surtout via l’Arabie Saoudite et le Qatar qui, comme en Libye, fournissent aussi des forces spéciales.
Le commandement des opérations est à bord des navires Otan dans le port d’Alexandrite (Iskenderun). A Istanbul est ouvert un centre de propagande où des dissidents syriens, formés par le Département d’état USA, confectionnent les informations et les vidéos qui sont diffusés par réseaux satellitaires. La guerre Otan contre la Syrie est donc déjà en acte, avec la motivation officielle d’aider le pays à se libérer du régime d’Assad. Comme en Libye, on a planté un coin dans les fractures internes pour faire crouler l’Etat, en instrumentalisant la tragédie des populations accablées.
Une des raisons pour lesquelles on veut frapper et occuper la Syrie est le fait que Syrie, Iran et Irak ont signé en 2011 un accord pour un gazoduc qui devrait relier le gisement iranien de South Pars, le plus grand du monde, à la Syrie puis à la Méditerranée. La Syrie, où a été découvert un autre gros gisement près de Homs, pourrait devenir ainsi un hub de corridors énergétiques alternatifs à ceux traversant la Turquie et d’autres parcours, contrôlées par les compagnies étasuniennes et européennes.
(9. À suivre)
BRÈVE HISTOIRE DE L’OTAN DE 1991 À NOS JOURS (10)
LE COUP D’ÉTAT EN UKRAINEL’opération conduite par l’Otan en Ukraine commence quand en 1991, après le Pacte de Varsovie, se désagrège aussi l’Union Soviétique dont elle faisait partie. Les Etats-Unis et leurs alliés européens agissent immédiatement pour tirer le plus grand avantage de la nouvelle situation géopolitique.
L’Ukraine -dont le territoire de plus de 600 000 km2 fait tampon entre l’Otan et la Russie, et est traversé par les couloirs énergétiques entre la Russie et l’UE - n’entre pas dans l’Otan, comme le font d’autres pays de l’ex URSS et de l’ex Pacte de Varsovie. Elle va par contre entrer dans le “Conseil de coopération nord-atlantique” et, en 1994, dans le “Partenariat pour la paix”, en contribuant aux opérations de “maintien de la paix” dans les Balkans.
En 2002 est adopté le “Plan d’action Otan-Ukraine” et le président Kouchma annonce l’intention d’adhérer à l’Otan. En 2005, dans le sillage de la “révolution orange” (orchestrée et financée par les USA et par les puissances européennes), le président Yushchenko est invité au sommet Otan de Bruxelles.
Immédiatement après est lancé un “dialogue intensifié sur l’aspiration de l’Ukraine à devenir membre de l’Otan” et en 2008 le sommet de Bucarest donne le feu vert à son entrée. En 2009 Kiev signe un accord qui permet le transit terrestre en Ukraine d’approvisionnements pour les forces Otan en Afghanistan. Désormais l’adhésion à l’Otan semble certaine mais, en 2010, le président nouvel élu Yanoukovitch annonce que, tout en continuant la coopération, l’adhésion à l’Otan n’est pas au programme de son gouvernement.
Mais entretemps l’Otan tisse un réseau de liens à l’intérieur des forces armées ukrainiennes. Des officiers supérieurs participent pendant des années à des cours de l’Otan Defense College à Rome et à Oberammergau (Allemagne), sur des thèmes concernant l’intégration des forces armées ukrainiennes avec celles de l’Otan. S’insère dans le même cadre l’institution, auprès de l’Académie militaire ukrainienne, d’une nouvelle “faculté multinationale” avec des enseignants Otan.
Est aussi très développée la coopération technico-scientifique dans le domaine des armements pour faciliter, à travers une plus grande interopérabilité, la participation des forces armées ukrainiennes à des “opérations conjointes pour la paix” sous conduite Otan.
En outre, étant donné que “de nombreux Ukrainiens manquent d’informations sur le rôle et les objectifs de l’Alliance et gardent à l’esprit des stéréotypes dépassés datant de la guerre froide”, l’Otan institue à Kiev un Centre d’information qui organise des rencontres et séminaires et même des visites de “représentants de la société civile” au quartier général de Bruxelles.
Et comme n’existe pas seulement ce qui se voit, il est évident que l’Otan construit un réseau de relations dans les milieux militaires et civils beaucoup plus étendu que celui qui apparaît.
Sous direction USA/Otan, à travers la Cia et d’autres services secrets vont être recrutés, financés, entraînés et armés des militants néo-nazis. Une documentation géographique montre des jeunes militants néo-nazis ukrainiens de Uno-Unso entraînés en 2006 en Estonie par des instructeurs Otan, qui leur enseignent des techniques de combat urbain et l’utilisation d’explosifs pour des sabotages et attentats.
Même méthode que celle utilisée par l’Otan, pendant la guerre froide, pour former la structure paramilitaire secrète “Gladio”. Active aussi en Italie où, à Camp Darby et dans d’autres bases, sont entraînés des groupes néo-fascistes en les préparant à des attentats et à un éventuel coup d’état.
C’est cette structure paramilitaire qui entre en action Place Maïdan, en la transformant en champ de bataille : tandis que des groupes armés donnent l’assaut aux édifices de gouvernement, des tireurs isolés “inconnus” tirent avec les mêmes fusils de précision à la fois sur les manifestants et sur les policiers (presque tous touchés à la tête).
Le 20 février 2014 le secrétaire général de l’Otan s’adresse, sur un ton de commandement, aux forces armées ukrainiennes, en les avertissant de “rester neutres”, sous peine de “graves conséquences négatives pour nos relations”. Abandonné par le sommet des forces armées et par une grande partie de l’appareil gouvernemental, le président Viktor Yanoukovitch est contraint à la fuite.
Andriy Parubiy -co-fondateur du parti national-social, constitué en 1991 sur le modèle du Parti national-socialiste d’Adolf Hitler, et chef des formations paramilitaires néo-nazies est mis à la tête du “Conseil de défense et de sécurité nationale”.
Le putsch de la Place Maïdan est accompagné par une campagne de persécution, dirigée notamment contre le Parti communiste et les syndicats, analogue à celles qui marquèrent l’avènement du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne. Sièges de parti détruits, dirigeants lynchés, journalistes torturés et assassinés ; activistes brûlés vifs dans la Maison des Syndicats à Odessa ; des habitants, sans armes, de l’Ukraine orientale d’origine russe sont massacrés à Mariupol, bombardés au phosphore blanc à Slaviansk, Lugansk et Donetsk.
C’est un véritable coup d’état sous régie USA/Otan, dans le but stratégique de provoquer en Europe une nouvelle guerre froide pour frapper et isoler la Russie et renforcer, en même temps, l’influence et la présence militaire des Etats-Unis en Europe.
Face au coup d’état et à l’offensive contre les Russes d’Ukraine, le Conseil suprême de la République autonome de Crimée - territoire russe passé à l’Ukraine pendant la période soviétique en 1954- vote la sécession vis à vis de Kiev et la demande d’annexion à la Fédération russe, décision qui sera confirmée par 97% des votes favorables par un référendum populaire. Le 18 mars 2014 Vladimir Poutine signe le traité d’adhésion de la Crimée à la Fédération russe avec le statut de république autonome.
La Russie va alors être accusée par l’Otan et par l’UE d’avoir annexé illégalement la Crimée et soumise à des sanctions.
(10, à suivre)
Manlio Dinucci
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