Retournement imprévu de situation en Europe
On ne savait pas comment les lignes allaient pouvoir bouger en Europe, toutes les conditions de l’immobilisme étant remplies. C’était sans compter avec la nomination au ministère de l’Intérieur italien du leader de la ligue d’extrême-droite, Matteo Salvini qui avait un plan et n’a pas tardé à l’exécuter avec bonheur (de son point de vue).
Moins visible mais plus déterminant, l’opposition à la politique d’Angela Merkel s’est cristallisée au sein de son propre parti, la CDU. Des rumeurs de vote de confiance au Bundestag dont elle pourrait ne pas sortir victorieuse circulant. Selon d’autres rumeurs, une large majorité du groupe parlementaire de la CDU serait en désaccord avec la politique suivie par la chancelière et n’attendrait qu’une occasion pour le manifester. En tout état de cause, elle est dans ses petits souliers.
L’ouverture des frontières qu’elle avait décidée n’a jamais été digérée et une réorientation de sa politique est en vue. Le ministre de l’Intérieur et leader de la CSU s’en charge en exigeant que les frontières allemandes soient fermées aux réfugiés enregistrés en Italie et en Grèce, qui doivent donc les garder.
La chancelière va devoir rechercher un compromis, mais elle ne dispose pas de beaucoup de temps pour y parvenir. Des élections doivent avoir lieu en octobre prochain en Bavière, et le ménage doit être fait auparavant. Elle peut chercher à tergiverser mais au bout du compte, il n’y a que deux solutions : les frontières allemandes seront ouvertes ou fermées. Si elle refusait cette dernière mesure, elle devrait faire face au départ de la CSU de la coalition qui, réduite à la CDU et au SPD, perdrait sa majorité au Parlement. Et il n’y a pas de tradition de gouvernement minoritaire en Allemagne. Sa marge de manœuvre est pour le moins étroite devant la détermination de son allié et principal opposant.
Afin de sauver sa coalition, Angela Merkel va devoir négocier avec les gouvernements grecs et italiens, un étonnant retournement de situation. Que va-t-elle pouvoir leur offrir pour qu’ils acceptent de conserver tous les réfugiés abordant en Europe dans leurs deux pays ? Les hypothèses ne manquent pas. Les Grecs pourront demander que le remboursement de leur dette – dont le sort continue de faire débat – soit soulagé, et les Italiens un appui à leur politique migratoire européenne, ou bien de la mansuétude pour leurs dépassements budgétaires à venir…
L’Autriche, qui va prendre la présidence tournante de l’Union européenne au 1er juillet, a déjà annoncé que sa priorité sera le renforcement de l’agence Frontex chargée de la surveillance des frontières et l’évolution de son mandat. Cela va aussi donner plus de poids à la proposition de Sebastian Kurz, le chancelier autrichien, de création d’un « axe » regroupant l’Autriche, l’Italie et l’Allemagne afin de peser de tout son poids en faveur de la fermeture des frontières européennes. Pour en montrer l’urgence, il fait déjà état de l’ouverture d’une nouvelle Route des Balkans, passant par l’Albanie, ce qui suggère qu’un accord avec ce pays du même type qu’avec la Turquie pourrait être passé.
La relance européenne proposée par Emmanuel Macron écartée, c’est sur un autre terrain que les autorités européennes vont s’écharper, avivant leurs dissensions et suscitant des replis nationaux. Le démantèlement de l’Union européenne prend une forme imprévue, la dynamique italienne contenant en germe d’autres facteurs pour prendre le relais F. L.
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