Les lignes bougent de tous les côtés
La provocation de Matteo Salvini a atteint son but au-delà de toute espérance. Il a mis en évidence la cacophonie européenne qui ne demandait qu’à se réveiller à propos des réfugiés et dont il entend profiter. Elle ne va pas manquer de s’exprimer lors du sommet de fin juin, où une nouvelle réglementation succédant à celle Dublin n’a aucune chance d’être trouvée. Entre répartir une immigration sélectionnée grâce à la redéfinition du droit d’asile et barricader les frontières de l’Europe, le choix est impossible.
Mais cela va plus loin. Angela Merkel est soumise à des pressions renforcées venant de son ministre de l’intérieur de la CSU, Horst Seehofer, ainsi que de son propre parti la CDU. Les autorités autrichiennes d’extrême-droite souhaitent la constitution d’un « axe » – terminologie de triste mémoire – regroupant les gouvernements allemands, autrichiens et italiens. La portée du coup de téléphone entre le ministre et Matteo Salvini n’était pas seulement symbolique. La chancelière, qui résiste, va devoir trouver un compromis de plus afin sauver sa coalition qui ne survivrait pas au départ de la CSU.
Comme si les menaces des sanctions de Donald Trump planant sur l’industrie automobile allemande ne suffisaient pas, celle-ci subit coup sur coup de son propre fait. Le scandale des rejets masqués d’oxyde d’azote des moteurs diesels la touche désormais en quasi-totalité. L’autorité fédérale allemande en matière de transport pourrait y voir l’expression d’un cartel. En priorité, les industriels cherchent à éviter des interdictions de circulation qui s’additionnent ville par ville pour leurs diesels. Toutefois, l’affaire ne se joue pas seulement dans les prétoires mais aussi dans l’opinion. De révélation en révélation, les constructeurs automobiles ont perdu leur crédibilité et ne se révèlent pas prêt à assurer la transition vers la voiture électrique qui est réclamée.
Décidément, le modèle d’une Allemagne dégageant des surplus commerciaux grâce à ses exportations – les automobiles représentant un quart d’entre elles aux États-Unis – n’est plus à donner en exemple ! Avec lui disparaitra la justification de la politique européenne de désendettement imposée. Un souci de plus.
Les nouvelles équipes au pouvoir italienne et espagnole n’ont pas l’intention de presser le mouvement, au risque de devoir sortir de l’euro, qui n’y résisterait pas, et de leur faire perdre leurs dernières protections. Pedro Sánchez n’a pas de « plan B » dans ses tiroirs comme les italiens dans le sillage desquels il va pouvoir se placer. Les efforts de Matteo Renzi de jouer sur toutes les flexibilités disponibles les ayant épuisé, il fallait trouver autre chose, c’est chose faite. L’émission d’une monnaie parallèle – un terrain inconnu de plus doit-il effrayer ? – a en tout cas l’avantage politique de ne pas imposer de rectification des Traités. Et, comme peut le déclarer Paolo Savona dans ses fonctions de ministre des affaires européennes, n’implique pas d’avoir comme objectif une sortie de l’euro. Comment Angela Merkel réagira-t-elle à ce contournement de ses principes qui toutefois n’impliquent pas une solidarité financière qu’elle rejette ? Dans l’immédiat, cela n’appelle pas de réaction de sa part.
Les lignes bougent non sans réserver au passage quelques surprises. François L.
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