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27 de setembro de 2017

Kurdos

Le Kurdistan est indépendant. C’est un fait. Il a son parlement, son gouvernement, son armée, sa diplomatie, ses services de sécurité, dispose des ressources pétrolières des régions sous son contrôle sans rien reverser au gouvernement central, se réserve les recettes douanières aux frontières de l’État irakien, et l’armée irakienne ne pénètre son territoire à moins d’une autorisation, toujours limitée dans le temps et l’espace, malgré les nécessités de la guerre contre le terrorisme.
Autrement dit, la relation du Kurdistan avec l’Irak est comparable à la relation de n’importe quel pays européen avec l’Union européenne. En revanche, l’analogie avec le modèle catalan d’Espagne ou le modèle écossais de la Grande Bretagne, est une falsification de l’histoire, de la géographie, du droit et de la politique.

Par ailleurs le système dit « fédéral » actuellement en vigueur est un pur mensonge, car le Kurdistan irakien dispose des avantages d’une entité fédérale et indépendante à la fois, un système permettant au gouvernement irakien de parler d’un Irak unifié, mais où Bagdad n’est partenaire que pour la prise des risques, alors qu’Erbil n’est partenaire que pour engranger les bénéfices.
Dans ces conditions, quel est le but du référendum de Barzani en ce moment précis ? La réponse est qu’il s’agit d’une escroquerie qu’il voudrait faire passer par le biais d’un « fait accompli » dans les zones contestées entre le gouvernement central et Erbil, notamment le gouvernorat de Kirkouk, source de grandes richesses.
Par ce référendum, Barzani compte faire d’une pierre trois coups :
  • Annexer Kirkouk profitant du fait qu’elle est pratiquement sous le contrôle des Peshmergas, l’armée irakienne étant occupée ailleurs et au comble de sa guerre contre Daech.
  • Tourner la page sur deux cents milliards de dollars correspondant à la vente de pétrole sur plus de dix ans, empochés par Barzani et ne figurant ni dans le budget de l’Irak, ni dans le budget de la région.
  • Accorder aux États-Unis et à Israël une tribune politique pour faire chanter les forces régionales et dessiner les nouvelles cartes de la région, le but premier étant la sécurité d’Israël puisque Daech a perdu son efficacité en la matière.
En d’autres termes, une transaction tripartite : à Barzani, l’argent ; aux États-Unis, l’atout en prévision des négociations ; à Israël, la poursuite de la guerre d’usure contre l’axe de la Résistance.
Et, dans ce contexte, s’il fallait désigner le candidat au premier rang des « empoisonneurs empoisonnés », ce serait incontestablement le gouvernement turc avec, à sa tête, Erdogan.
Le régime d’Ankara n’a pas dû imaginer qu’en cherchant à concrétiser le projet destructeur de la Syrie, il finirait par mettre en danger la cohésion, l’unité et l’intégrité territoriale de son propre pays.
Il n’a pas prévu que l’Iran et la Russie s’impliqueraient autant pour faire échouer ce projet ; ni, qu’après l’échec dudit projet, Washington passerait au plan alternatif du soutien des Kurdes au détriment de la Turquie ; ni qu’il serait amené à faire la guerre à ses partenaires au sein de Daech et du Front al-Nosra [Accords d’Astana ; NdT].
Pire encore, ni Erdogan, ni les autorités politiques turques, ni leurs services de sécurité, n’avaient imaginé que ceux qui détournaient le pétrole irakien moyennant des pots de vin consistants et la coopération de mafias dirigeantes turques, pousseraient la trahison jusqu’à exiger ce référendum séparatiste dans le marasme actuel et seraient, de surcroit, soutenus par Israël et les États-Unis, ouvrant ainsi la voie au démantèlement de la Turquie.
En effet, depuis des années, Erbil est l’alliée indéfectible d’Ankara tandis que Téhéran est son ennemi désigné, mais voilà que tout bascule. Et alors que la Turquie a joué sur les toutes les cordes des conflits sectaires, en partenariat avec le Qatar et l’Arabie saoudite, espérant en tirer la haute main sur le monde sunnite, la voici devenue partenaire de ceux qui appellent à l’union entre chiites et sunnites en Irak et dans la région, au même titre que l’Iran.
Revirement impensable sans la menace d’une balkanisation annoncée dès 2006 par Joseph Biden dans le New York Times sous le titre : « Unity Through Autonomy in Irak » [*].
Et maintenant que Barzani a concrétisé cette menace, en dépit de toutes les mises en garde des pays voisins et qu’Israël l’a applaudi, la Turquie et l’Iran ont fermé l’espace aérien du Kurdistan irakien avec le soutien de Bagdad qui a annoncé des décisions législatives et juridiques en réponse au référendum, Erdogan a déclaré que l’option militaire est sur la table si nécessaire, et l’Iran a entamé des « manœuvres militaires » au niveau de ses frontières terrestres, etc.
Quel que soit le jeu des uns et des autres, les États-Unis finiront par découvrir que chacune de leur nouvelle tentative coûte plus cher que le bénéfice attendu et qu’en cherchant à sortir d’une impasse, ils tombent dans une autre. Déclarer leur soutien aux séparatistes kurdes leur vaudrait l’inimitié des deux gouvernements de Bagdad et d’Ankara. Les désapprouver susciterait la frustration des Kurdes ayant cru à leur promesse et, surtout, à la promesse de Barzani quant à la force invincible du « fait accompli » introduit par le oui au référendum et le soutien d’Israël.
Israël qui ne désire qu’une seule chose : que les Kurdes s’imposent en tant qu’entité hostile à Téhéran et à Bagdad, entité située tout le long des frontières stratégiquement intéressantes pour la poursuite de ses projets déstabilisateurs, au moindre coût. Il ne peut donc leur offrir que des illusions et les encourager au suicide.
Quant à Barzani, il scie la branche sur laquelle il est assis depuis tant d’années et il n’est pas dit qu’il puisse rebrousser chemin… À suivre.
Nasser Kandil

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