Michel Husson, Agence Chine nouvelle (Xinhua), 1er mars 2017
Pour Michel Husson, économiste français travaillant à l'Institut de recherches économiques et
sociales, auteur du livre Le capitalisme en 10 leçons, la crise du capitalisme est globale, systémique,
imbriquant contradictions sociales et contradictions écologiques de manière inédite. Dans une
interview accordée récemment à Xinhua, il a indiqué que « le capitalisme ne va pas s'effondrer sous le
poids de ses contradictions », et que la véritable réponse aux besoins sociaux et aux contraintes
environnementales réside dans le dépassement du capitalisme vers un « écosocialisme » que seules
des luttes sociales d'envergure sont susceptibles de mettre en place.
Selon Michel Husson, la crise est inquiétante et elle inquiète aussi ceux qui ont la
responsabilité de guider le système, comme Christine Lagarde, la directrice générale du FMI.
De son propre point de vue, le capitalisme n'est pas vraiment sorti de la crise financière. Ni la
croissance, ni l'accumulation du capital, ni le profit n'ont vraiment repris. Le commerce
international est en train de s'étouffer et beaucoup d'économistes envisagent la perspective
d'une stagnation séculaire.
En Europe, et particulièrement au sein de la zone euro, la crise prend une dimension
particulière, celle d'une divergence croissante entre les pays du "Nord", autour de
l'Allemagne et ceux du "Sud", à savoir le Portugal, l'Italie, l'Espagne et surtout, évidemment
le Grèce. Le Brexit - la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne - contribue à un climat
de perte de confiance dans les vertus de la monnaie unique. La question des dettes
publiques risque aussi de réapparaître si les taux d'intérêt recommencent à augmenter, a
ajouté l'économiste français.
Pour comprendre la crise, il faut la mettre en perspective historique et analyser l'évolution
du taux de profit. C'est en effet la rentabilité du capital qui mesure la bonne santé du
capitalisme. Celle-ci dépend à son tour de deux facteurs: le salaire et la productivité. Dans le
capitalisme d'après-guerre, les gains de productivité permettaient à la fois d'augmenter les
salaires et de garantir un taux de profit élevé. Mais à partir du milieu des années 1970, les
gains de productivité ont commencé à ralentir tendanciellement, et c'est la cause profonde
de la crise, a-t-il poursuivi.
M. Husson a ajouté que malgré cet épuisement des gains de productivité réduits, le
capitalisme néo-libéral qui s'est mis en place au cours des années 1980 a réussi à rétablir le
taux de profit. Il a pu réaliser cette prouesse en faisant baisser de manière tendancielle la
part des salaires dans le revenu national. Mais il a dû aussi faire appel à des dispositifs
artificiels qui ne pouvaient se prolonger indéfiniment: creusement des inégalités,
surendettement, financiarisation, mondialisation déséquilibrée, etc. La crise actuelle peut
donc être interprétée comme la crise des solutions apportées à la crise précédente.
« Il n'existe pas de situation absolument sans issue », disait Lénine en 1920, au IIème
congrès de l'Internationale Communiste. Le capitalisme ne va pas s'effondrer sous le poids
de ses contradictions. Mais il est possible de démontrer que sa pérennité dépend de sa
capacité à imposer une régression sociale permanente. Le capitalisme a perdu toute
légitimité sociale : il ne promet plus rien et réclame toujours davantage de sacrifices sur
l'autel de la compétitivité et de la rentabilité, a noté l'expert.
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Pour Michel Husson, le plus grave sans doute réside dans l'incapacité de ce système à
répondre efficacement au défi climatique. La transition écologique et énergétique implique
nécessairement une moindre rentabilité économique et l'intervention publique. Dans la
mesure où le capitalisme cherche le maximum de rentabilité privée à court terme, il ne peut
donc se transformer en « capitalisme vert » que dans une proportion insuffisante par
rapport aux enjeux. Pour toutes ces raisons, la véritable réponse aux besoins sociaux et aux
contraintes environnementales réside dans le dépassement du capitalisme vers un
« écosocialisme » que seules des luttes sociales d'envergure sont susceptibles de mettre en
place, a conclu l'économiste français.
Source: Agence de presse Xinhua
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