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26 de abril de 2018

O Bétinho Macron e o Papá Trump


Jackes Sapir
La visite d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis, derrière les flonflons et les déclarations tonitruantes, pourrait bien s’avérer désastreuse. Parti en position de faiblesse, face à un Président américain, Donald Trump, qui était conforté tant par les sondages en interne que par les premiers résultats de sa politique, Emmanuel Macron a été dans l’incapacité d’obtenir gain de cause sur quelques grands dossiers que ce soit. En matière d’image, cette visite a été une catastrophe, et les photos montrant le Président français soit dans une position ridicule soit dans une position de soumission face à son homologue américains, même si elle ne traduisent pas une réalité, circuleront massivement. Emmanuel Macron a commis, avec ce voyage, sa première faute majeure. Il faut alors revenir sur les dossiers en discussion.



Images, image


Reste les images que l’on peut avoir de cette visite. Elles sont déplorables, et surtout leurs conséquences seront lourdes. Les embrassades appuyées (surtout du côté de Macron), la scène assez ridicule où les deux hommes plantent le chêne offert en cadeau, voire cette photo, assez dramatique quant à l’image qu’elle transmet, ou Emmanuel Macron est pris par la main par Trump comme un petit enfant un peu niais par son père, resteront dans les mémoires


L’Iran, la France et les Etats-Unis



Sur la question de l’accord avec l’Iran, les enjeux étaient de taille. Cet accord avait stabilisé la situation et confirmait la volonté du gouvernement iranien de revenir, à égalité, dans le concert des nations[1]. Qu’il y ait eu des points complexes, et des points de compromis, dans cet accord est une évidence. Mais, il en va de même dans tout accord[2]. L’important était qu’avec cet accord on avait une garantie que l’Iran ne deviendrait pas une nouvelle puissance nucléaire, un acte potentiellement déstabilisant qui pourrait pousser l’Arabie Saoudite et l’Egypte à faire de même, mais qui pouvait aussi se comprendre quand on sait qu’Israël est un proliférateur clandestin massif, avec un arsenal estimé entre 150 et 250 têtes nucléaires. En acceptant de ne pas poursuivre l’enrichissement de l’uranium jusqu’à la qualité militaire, tout en se réservant le droit de poursuivre cet enrichissement pour une qualité civile (et les deux qualités, qui définissent l’usage soit militaire soit dans ces centrales nucléaires de l’uranium sont assez largement différentes), l’Iran avait accepté le cadre global d’une surveillance internationale.
Donald Trump avait annoncé, dès sa campagne, qu’il voulait sortir de cet accord et le remettre en cause. Sur ce point précis, la France était sur une position identique à la Russie, dont le Ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, a déclaré il y a peu que si Donald Trump sortait de l’accord, il pourrait bien être le père du nucléaire iranien. La déclaration de Trump, sur laquelle Macron a donné son accord, de « renégocier » l’accord montre bien que c’est Trump qui a gagné sur ce point. Une « renégociation » est toujours extrêmement difficile sur des sujets aussi délicats que la question du nucléaire. De plus, les derniers actes des Etats-Unis, et hélas de la France, comme les frappes en Syrie, ne peuvent que convaincre les dirigeants iraniens que seul un armement nucléaire les mettra à l’abri des foucades des pays occidentaux. De ce point de vue, on n’a hélas pas fini de mesurer ce que cette action, illégale au regard du droit international, aura comme conséquences en matière de prolifération. Dans ces conditions, on peut penser que les dirigeants iraniens seront beaucoup moins flexibles dans toute nouvelle négociation qu’ils ne l’avaient été de 2013 à 2015, lors de la négociation de l’accord. Surtout, l’idée même d’une « renégociation » implique que le traité existant est caduc.

Trump, et le multilatéralisme

Dans le domaine des mesures prises par les Etats-Unis pour sortir du multilatéralisme dans le domaine commercial et pour imposer des cadres de négociation qui soient bilatéraux, ici aussi Emmanuel Macron a largement échoué à faire changer Donald Trump d’opinion. Ce dernier considère, et on ne peut lui donner tort, que ses déclarations fracassantes ont déjà produit des résultats. Et, de fait, on constate que la Chine commence à modifier ses tarifs commerciaux sur les automobiles. On a pu plaisanter sur la « politique Twitter » de Donald Trump ; mais on découvre en réalité que cette politique donne des résultats. Et, l’image qui se dégage de Trump est bien différente de celle que nous servent à satiété, et jusqu’à l’écoeurement, les grands médias, qu’ils soient français ou américains. Que le Président des Etats-Unis soit un personnage brutal, réactionnaire, avec un goût prononcé pour la provocation est certain. Mais il n’est pas l’imbécile ou l’irresponsable que se plaisent à décrire les grands journaux, de Paris ou de la Cote Est !
On savait le multilatéralisme commercial à l’agonie depuis l’échec du « cycle de Doha » impulsé par l’OMC dans les années 2000. C’était d’ailleurs l’une des raisons qui me faisaient pronostiquer un mouvement de démondialisation dès 2010[3]. Trump en a tiré froidement le bilan. Il ajuste la politique des Etats-Unis à la nouvelle situation. Nul ne peut dire à l’heure actuelle s’il obtiendra le grand mouvement de retour vers les Etats-Unis des industriels qui sont partis dans les années 1990 et 2000. Mais, il a clairement donné un coup d’arrêt au phénomène des délocalisations.
Si Emmanuel Macron a pensé qu’il pourrait se présenter en défenseur des « grands principes », il a manifestement erré. Car, la France est sur ce point isolée. Elle ne pourrait retrouver une certaine capacité de peser sur les décisions américaines que si elle s’associait aux puissances qui contestent aujourd’hui la politique des Etats-Unis, c’est à dire la Chine et la Russie. Et, de ce point de vue, on peut penser qu’Emmanuel Macron aurait bien mieux fait de commencer par une visite à Moscou avant d’aller voir Trump. Cette erreur dans l’échéancier des visites, car il est prévu qu’il rencontre Vladimir Poutine en juin, doit être expliqué.

“Travaillez, prenez de la peine, C’est le fond qui manque le moins” Jean de la Fontaine, Le Laboureur et ses Enfants

Un président isolé

Emmanuel Macron s’est donné comme ambition de changer les institutions européennes. Il n’est pas le premier dirigeant français à nourrir cette ambition, mais il faut lui reconnaître le fait qu’il l’a construite de manière cohérente. Le problème est qu’il s’est heurté à un mur. Privilégiant une relation avec l’Allemagne, il s’est détourné de l’Italie – un pays qui aurait pourtant intérêt à ce changement – mais aussi des pays de l’Europe centrale. Or, l’Allemagne, et il faut savoir que cela concerne tant la CDU-CSU que la SPD, n’a aucune raison, et aucune intention, de changer quoi que ce soit dans l’Union européenne. L’Allemagne profite largement des institutions existantes ; elle les défendra sans faiblir.
Isolé, sans alliés, sur la question de la réforme de l’UE, et on l’a vu lors de son discours devant le Parlement européen, Emmanuel Macron a cru trouver un allié de circonstances en la personne de Donald Trump. D’où cette calamiteuse visite et les images à laquelle elle donne lieu. Mais, s’il a cru trouver un appui dans la personne du Président des Etats-Unis, il s’est lourdement trompé. D’une part, parce que la nature des relations entre les Etats-Unis et l’Allemagne a changé profondément depuis les années 1980 et 1990[4]. L’Allemagne actuelle, réunifiée, avec un excédent commercial qui dépasse celui de la Chine, n’est plus dans la situation de dépendance politique avec les Etats-Unis. Les réactions du gouvernement allemand aux menaces de Washington sur la question du nouveau gazoduc « Nord-Stream 2 » voire la participation des industriels allemands, en dépit des sanctions, au développement économique de la Crimée, le prouvent.
Dès lors, on comprend que toutes les concessions qu’Emmanuel Macron a fait à Donald Trump, que ce soit sur la Syrie (avec les conséquences dramatiques qui en découlent) ou que ce soit sur l’Iran, ne seront nullement payée de retour.
Emmanuel Macron est parti nu aux Etats-Unis. Il en reviendra « une main derrière, une main devant » comme on dit dans le midi de la France !

cc. Les français se sentiront, et se sentent déjà, humiliés par le comportement de leur Président. Ce sentiment d’humiliation n’avait pas été pour rien dans le désamour profond qui s’était installé entre les français et François Hollande. Emmanuel Macron glisse rapidement sur la même pente.


Notes
[2] Joyner D.H., Interpreting the Non-Proliferation Treaty, Londres, Oxford University Press, 2011
[3] Sapir J., La Démondialisation, Paris, Le Seuil, 2010.
[4] Sur ce point, Fondation Respublica, L’avenir des relations germano-américaines, note 109, 18 septembre 2017.

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