Crise du "Média", des indignés en peau de lapin.
Jacques-Marie BOURGET
Ce qui n'est pas simple dans un combat pour une vérité minimale, un "traitement" journalistique équilibré, c'est que nous avons aujourd'hui face à nous, des hommes et des femmes "de gauche". De plus en plus nombreux, et qui défendent les thèses forgées à Washington. Un document diplomatique secret, publié par Richard Labévière, indique que l'OTAN a donné l'ordre, comme s'il en était besoin, de "dramatiser la situation à la Ghouta". Consignes entendues par ceux qui, aujourd'hui, tirent à balles à blanc sur "Le Média".
De l’école il me reste quelques souvenirs fondamentaux. Ainsi l’eau bout à cent degrés, la boussole indique le nord, le chameau blatère, le mètre étalon en platine iridié digère son avoine au Pavillon de Breteuil et la phtaléine du phénol est un révélateur. Le révélateur ? Parlons en puisque « Le Média » vient d’être trempé dans un bouillon de phtaléine, et que ça révèle, ça révèle ! Pire qu’un article de Plenel, ce qui n’est pas peu dire. Oui mais quoi ? Eh bien la vraie nature des bons apôtres qui protestent et se dé-socio-alisent du « Média », au prétexte que son correspondant à Beyrouth, Claude El Khal, a refusé de passer des images de la Ghouta en Syrie, renvoyant dos à dos les propagandistes des deux camps. Et, pour avoir très longtemps respiré la poudre du Moyen Orient, je pense qu’il a eu raison.
« Le Média » ne montre pas la guerre ? Et alors ? Quelle est donc la mécanique qui fâche si violet (la couleur de la phtaléine), nos amis « socios » d’hier et aujourd’hui indignés ? Non pardon pour le synonyme, ils ne le sont plus, je voulais dire meurtris ? Ce qui les blesse c’est de ne point voir couler le sang dans les caniveaux de la Ghouta. Car ces « « blessés » ont là-bas des amis, dits « Casques Blancs », qui s’y entendent en production à l’hémoglobine. Que la Syrie du « clan Bachar » – ce qui commence à faire pas mal de monde – reçoive des mortiers en guise de coup de peigne ? Ce n’est pas grave, roulés dans le panier de son, on ne compte pas les amis du bourreau.
Sans doute incapable de faire autre chose, de militer autrement, j’ai « couvert » toutes les guerres depuis la « Guerre des 6 jours ». Je peux vous révéler que c’est à vomir. Sans répit, une affaire détestable. Ceux qui parlent aujourd’hui, les « blessés » du « Média », n’ont en tête que « d’épargner les « Soldats de l’Armée Libre » enfermés à la Ghouta ». Nous prenant pour des ignorants puisque ces soldats sont des djihadistes déguisés en libérateurs, leurs maîtres dirigeant la manœuvre depuis Washington, Doha ou Riyad.
Pour, à propos de l’Irak, avoir vécu à Bagdad les effets des images montrant des cormorans noyés sous le pétrole « libérés en mer par Saddam », avoir vu aussi le film d’infirmières décrivant à Koweit les troupes du même moustachu entrant dans les salles de l’hôpital pour se saisir des couveuses après en avoir vidé les enfants, je me méfie des images. Dans ce cas précis les fake news avaient été tournées et imaginées par une agence de communication étasunienne et les cormorans étaient des volatiles bretons victimes de la marée noire de « l’Amoco Cadiz ». La facture de cette super production sur champ de bataille étant payée par papa Bush...
Pour en finir avec cette escale en Irak je rappelle, en coup de vent, que le bombardement étasunien sur l’abri d’Amaria, et qui a tué 408 femmes et enfants le 13 février 1991, n’a pas été suivi des protestations de François Morel, le comédien qui se moque du peuple, ni de ceux de Patrick Pelloux, urgentiste à l’hôpital et sur les plateaux de télévision. Qui sont aujourd’hui deux blessés de l’affaire El Khal et de la « crise » du « Média ». La guerre n’est pas un mézzé au sein duquel on choisirait sa « cause » à la carte. Alors, les ex-Indignés, parlez-nous du Yémen, de la Birmanie, de la Palestine, du Sud Soudan, des tueries de l’OTAN à Mossoul, là où les casques ne sont pas blancs.
A ceux qui aiment rire dans les cimetières je recommande la lecture d’un papier paru sur le site « Lundi Matin ». C’est un article rare comme on le dit dans les bons bazars.
Je vous livre le début. Un condensé du style qui vous assomme pendant je ne sais combien de feuillets : « Il est des documents dont on sait très rapidement qu’ils sont d’ores et déjà porteurs d’une certaine valeur historique tant ils font cas. Il en est ainsi d’un extrait du journal du Média TV dans lequel sont agglomérées toutes les ficelles d’un révisionnisme en temps réel bon teint, voire d’un conspirationnisme avéré, malgré ses efforts pour se cacher sous le masque de la neutralité. Florilège. »
Sarah Kilami, co-auteur est médecin à Rouen où, depuis Jeanne d’Arc, fleurissent de grands experts du brûlant. Elle se dit, si j’ai bien compris communisto-anarchiste ? Ou l’inverse ! Pour elle la « révolte syrienne a été longtemps le triomphe d’un néo-bolchevisme avec fonctionnement au petit poil des comités de ceci et de cela, des scrutins, le tout sous l’œil bienveillant d’un Daech naissant.
La doctoresse et son complice, Thomas Moreau, sont sans pitié pour El Khal et « Le Média », le libanais et les amis de JLM, pendons les. Leurs références sont l’oracle Jean-Pierre Filiu, l’un de ceux qui poussent des cantiques à la vision d’un barbu, et l’œuvre complète de Médiapart. Ils ignorent sans doute qu’en 1999, lors de la guerre du Kosovo, Plenel, ami du Qatar alors directeur de la rédaction du Monde, a compté 700 000 morts (bilan officiel 2500) et pris au sérieux un programme de « génocide des Albanais » : le « Plan fer à cheval ». En fait une invention des services secrets allemands ! Ces deux-là, Kilami et Moreau, n’aiment pas les témoins qui pourraient détricoter leur bel ouvrage... Comme Robert Fisk, vieux journaliste britannique qui a passé sa vie dans les batailles du Moyen Orient et continue de vivre à Beyrouth pour ne pas en perdre une larme. Pour la doctoresse et son co-auteur, Fisk... C’est pas bien. Il est vrai que ce Robert a tant à dire qu’il y a peu de place pour les aventures des néo-bolcheviques syriens.
Pour permettre à nos amis « blessés » de retrouver rapidement la raison, je vais leur conter la radieuse histoire de Bilal Abdul Kareem, un correspondant de guerre hors pair, récipiendaire d’un Prix au festival de journalistes guerriers de Bayeux.
L’heureux confrère, primé en 2016 pour un reportage signé avec Clarissa Ward de CNN, porte le nom de Bilal Abdul Kareem. Et ce n’est pas n’importe qui. Né en 1970 à New York, Bilal se rêve d’abord acteur. Plutôt que l’écran, il crève la faim. Dans sa pérégrination, en 1997, il déménage à Brooklyn, par hasard près d’une mosquée, et c’est la révélation. Bilal devient un fou de Dieu. Tant même que certains lui accordent le titre d’imam...
Le 5 novembre 2009 quand, à l’intérieur du camp de Fort Hodd au Texas, l’officier Nidal Malick Hasan flingue 13 de ses collègues, le désormais vidéaste Bilal approuve le massacre : « un acte de guerre et non une action terroriste ou criminelle ». Dans la foulée de son aspiration à un Djihad mondialisé, il soutient les rebelles tchétchènes au point que son nom est cité lors d’un procès lié à un marché d’armes. En 2012 la guerre en Syrie arrive à temps, photos, films, écrits : Bilal est au point et Alep lui tend les bras. Sa maison devient une rédaction multimédia tenue par un seul homme.
En novembre 2015, après les massacres de Paris Bilal rend son jugement : « Je ne condamne ces crimes que si l’on condamne les crimes commis par les tueurs français contre des musulmans innocents ». A l’automne 2015, Abdul Kareem, sur un forum de Facebook, répond à 29 questions posées par le web planétaire. Il évoque l’avenir : « Le danger serait l’installation à Damas d’un nouveau pouvoir qui ne représenterait pas toutes les forces islamiques ».
Un futur tout en vert : « Le Syrie est un pays musulman qui doit être gouverné par des musulmans. Ici la démocratie est une notion étrangère qui ne peut fonctionner, la Constitution c’est la charia ».
« Correspondant de guerre », à contre temps, essentiellement quand les canons grondent moins, le vénéré Jean-Claude Guillebaud, prince de la conscience bonne, a présidé le jury du Prix Bayeux versus 2016. Il a donc eu la main heureuse en distinguant Bilal Kareem un journaliste modèle : engagement total, courage, abnégation, publication sur des supports multiples, notes de frais ridicules. Finalement ce dont rêvent les patrons du Cac 40, ceux qui possèdent tous nos médias.
Aujourd’hui notre gentil confrère a disparu des écrans. S’il n’est en stage à la CIA, il a sans doute rejoint ses frères libérateurs dans un coin où le djihad va renaître. Préparant de nouvelles et bonnes images. Ce qui annonce d’autres « blessés » de guère. Pour bientôt. Et d’autres larmes qui ne coulent que d’un seul œil. Le grand Soir.
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