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26 de março de 2018

https://www.counterpunch.org/2018/03/20/how-they-sold-the-iraq-war/

The war on Iraq won’t be remembered for how it was waged so much as for how it was sold. It was a propaganda war, a war of perception management, where loaded phrases, such as “weapons of mass destruction” and “rogue state” were hurled like precision weapons at the target audience: us.(...)
Versão em francês:

On ne se souviendra pas de la guerre contre l’Irak pour la façon dont elle a été menée, mais plutôt pour la façon dont elle a été vendue. Ce fut une guerre de propagande, une guerre de « gestion de la perception », où des expressions chargées de sens, telles que « armes de destruction massive » et « état voyou » furent lancées comme des armes de précision sur le public cible : nous.
Pour comprendre la guerre en Irak, il n’est pas nécessaire de consulter les généraux, mais les spin doctors (propagandistes) et les chargés des relations publiques qui ont géré le compte à rebours de la guerre à partir des couloirs obscurs de Washington où cohabitent la politique, les propagandistes et les barbouzes des opérations psychologiques.
Prenez le parcours picaresque du dossier plagié par Tony Blair sur l’Irak, tiré du site Web d’un étudiant diplômé et copié-collé dans le discours grandiloquent du premier ministre à la Chambre des communes. Blair, têtu et verbeux, a payé le prix de sa grandiose bouffonnerie. Bush, qui a pillé des passages entiers du discours de Blair pour ses propres présentations maladroites, a traversé la tempête indemne. Pourquoi ?
Contrairement à Blair, l’équipe Bush n’a jamais présenté des arguments juridiques en faveur de la guerre. Ils n’avaient aucun intérêt à ce que leurs allégations au sujet de l’Irak soient étayées par des preuves.
L’effort réel avait pour but d’exacerber l’ambiance de guerre en utilisant la psychologie de la peur.
Les faits n’ont jamais eu d’importance pour l’équipe de Bush. Ils n’étaient que des os à ronger qui pouvaient être remplacés par n’importe quelle nouvelle justification qui jouait favorablement avec leurs sondages et leurs groupes de discussion. Pendant une semaine, la guerre portait sur les armes de destruction massive et la semaine suivante sur Al-Qaïda. Lorsque ni l’une ni l’autre n’a pu être prouvée sur le terrain, la position de repli fut les fosses communes (beaucoup qui dataient de la guerre Iran/Irak où les Etats-Unis ont soutenu l’Irak) prouvant que Saddam était un voyou maléfique qui méritait d’être renversé. La devise de la machine de propagande était : En avant. Pas d’explications. Dites n’importe quoi pour cacher la perfidie derrière les motifs réels de la guerre. Ne jamais regarder en arrière. Accusez ceux qui posent des questions d’être anti-patriotiques. Finalement, même le discret Wolfowitz a admis que les arguments officiels en faveur de la guerre visaient principalement à rendre l’invasion acceptable, et non à la justifier.
La clique Bush de faucons néoconservateurs considérait la guerre en Irak comme un produit de consommation et, comme une nouvelle paire de Nikes, il lui fallait une campagne de lancement pour préparer les consommateurs. Les mêmes techniques (et souvent les mêmes gourous des relations publiques) qui ont été utilisées pour vendre des cigarettes, des 4x4 et des décharges de déchets nucléaires furent déployées pour vendre la guerre en Irak. Pour vendre l’invasion, Donald Rumsfeld, Colin Powell et compagnie recrutèrent des gourous des relations publiques à des postes de haut niveau au Pentagone et au département d’État. Ces propagandistes eurent rapidement plus d’influence sur la façon dont la guerre contre l’Irak devait être justifiée que les agences de renseignement et les diplomates de carrière. Si les informations ne correspondaient pas au scénario, elles étaient retouchées, réécrites ou occultées.
Prenez Charlotte Beers, que Powell choisit comme sous-secrétaire d’État après le 11 septembre (2001). Beers n’était pas diplomate. Elle n’était même pas politicienne. Elle était une grande diva du « spin », connue dans les pages des affaires et des ragots sous le nom de « la reine de Madison Avenue ». Grâce à deux campagnes publicitaires, l’une pour le riz Uncle Ben’s et l’autre pour le shampooing antipelliculaire Head and Shoulder’s, Beers fut propulsée au sommet du monde des relations publiques, à la tête de deux maisons de relations publiques géantes : Ogilvy & Mathers et J. Walter Thompson.
Au département d’État, Beers, qui avait rencontré Powell en 1995 lorsqu’ils siégeaient tous les deux au conseil d’administration de Gulf Airstream, travaillait, selon les termes de Powell, sur « l’image de marque de la politique étrangère des États-Unis ». Elle a obtenu plus de 500 millions de dollars du Congrès pour sa campagne Brand America, qui se concentrait en grande partie sur la diffusion de la propagande américaine dans le monde musulman, dont une grande partie s’adressait aux adolescents.
« La diplomatie publique deviendra à terme une nouvelle arme vitale dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré M. Beers. « Tout à coup, nous nous retrouvons dans la position d’avoir à redéfinir ce qu’est l’Amérique, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour le reste du monde. » Notez l’attention passionnée que Beers accorde à la manipulation de la perception, par opposition, disons, à un changement de la politique américaine.
La diplomatie à l’ancienne implique une communication directe entre les représentants des nations, un échange, souvent entaché de tromperie (voir April Glaspie), mais un échange néanmoins. La diplomatie publique, telle que définie par Beers, c’est autre chose. C’est une rue à sens unique, une diffusion unilatérale de la propagande américaine auprès du public, national et international, une sorte de bombardement d’information.
Les thèmes de ses campagnes étaient aussi simplistes et superficielles qu’une conférence de presse de Bush. Les incursions américaines en Afghanistan et en Irak avaient pour but d’apporter la liberté aux peuples opprimés. D’où le titre de la guerre américaine : Operation Iraqi Freedom, où les missiles de croisière étaient dépeints comme des instruments de libération. Bush lui-même a résumé l’équation de Beers par cette formule bizarre : « C’est une guerre pour la paix ».
Beers quitta discrètement de son poste quelques semaines avant que la première volée de missiles tomahawk ne frappe Bagdad. De son point de vue, la guerre elle-même était déjà gagnée et les feux d’artifice de l’opération shock and awe n’en étaient que l’épilogue.
Au Pentagone, Donald Rumsfeld recruta Victoria « Torie » Clarke comme directrice des affaires publiques. Clarke connaissait les arcanes du pouvoir. Avant de devenir porte-voix de Rumsfeld, elle avait dirigé l’une des plus grandes sociétés de communication au monde pour les courtiers en énergie : Hill and Knowlton’s.
Presque immédiatement après son entrée en fonction, Clarke convoqua des réunions régulières avec un groupe choisi de spécialistes des relations publiques et de lobbyistes privés de Washington afin d’élaborer un plan de marketing pour les prochaines guerres terroristes du Pentagone. Le groupe était rempli de poids-lourds du métier et sa composition était étonnamment bipartisane. Elle l’appela le Groupe Rumsfeld et il comprenait Sheila Tate, directrice des relations publiques, Rich Lowry, chroniqueur et Rich Galen, consultant politique républicain.
Le brain trust s’enorgueillait aussi de la présence de Tommy Boggs, frère de Cokie Roberts du NPR et fils du regretté député Hale Boggs de la Louisiane. Au moment même où Boggs s’entretenait avec les hauts gradés du Pentagone sur la façon de présenter la guerre contre le terrorisme, il travaillait fébrilement pour la famille royale d’Arabie Saoudite. Rien qu’en 2002, les Saoudiens ont versé 20,2 millions de dollars à sa société de relations publiques Qorvis pour protéger leurs intérêts à Washington. Dans la foulée d’une couverture médiatique hostile suite à la révélation des liens entre les Saoudiens et les pirates de l’air du 11 septembre, la famille royale avait besoin de toute l’aide qu’elle pouvait acheter. Il semble qu’ils en ont eu pour leur argent. L’influence de Boggs peut expliquer pourquoi les références au financement d’Al-Qaïda par l’Arabie saoudite furent retirées du récent rapport du Congrès sur l’enquête sur les défaillances des services de renseignement et les attentats du 11 septembre.
Selon la revue spécialisée PR Week, le groupe Rumsfeld envoyait des « conseils en communication » au Pentagone. Le groupe a dit à Clarke et Rumsfeld que pour convaincre le public américain de participer à la guerre contre le terrorisme, ils devaient suggérer un lien avec les États-nations, et non seulement avec des groupes nébuleux comme Al-Qaïda. En d’autres termes, il fallait une cible fixe pour des campagnes militaires, un endroit éloigné pour larguer des missiles de croisière et des bombes à fragmentation. Ils ont suggéré l’idée (déjà ancrée dans l’esprit de Rumsfeld) d’avancer la notion que des États soi-disant voyous étaient les véritables maîtres du terrorisme. C’est ainsi qu’est né « l’Axe du Mal », qui, bien sûr, n’était pas du tout un « axe », puisque deux des États, l’Iran et l’Irak, se haïssaient mutuellement, et ni l’un ni l’autre n’avait à voir avec le troisième, la Corée du Nord.
Des dizaines de millions de dollars du gouvernement fédéral furent versés à des entreprises privées de relations publiques et de médias travaillant à l’élaboration et à la diffusion du dicton de Bush selon lequel Saddam devait être éliminé avant que le dictateur irakien ne fasse exploser le monde en larguant des bombes chimiques et nucléaires avec des drones à longue portée. Beaucoup de ces directeurs des relations publiques et consultants étaient de vieux amis des grands prêtres du cercle rapproché de Bush. En effet, ils étaient d’anciens combattants, comme Cheney et Powell, de la guerre précédente contre l’Irak, un autre engagement qui releva plus de la propagande que du combat...
Au sommet de la liste se trouvait John Rendon, patron de la société Rendon Group, basée à Washington. Rendon est l’un des plus gros poids-lourds de Washington, un « réparateur » au service du Pouvoir qui ne laisse jamais l’affiliation politique s’opposer à une mission. Rendon a été consultant en médias pour Michael Dukakis et Jimmy Carter, ainsi que pour Reagan et George H.W. Bush. Chaque fois que le Pentagone voulait aller à la guerre, il offrait ses services à un prix. Pendant la Tempête du désert, Rendon encassait 100 000 $ par mois de la famille royale du Koweït. Il a ensuite signé un contrat de 23 millions de dollars avec la CIA pour produire de la propagande anti-Saddam dans la région.
Dans le cadre de ce projet de la CIA, Rendon a créé et nommé le Congrès national irakien et a fait appel à son ami Ahmed Chalabi, le financier véreux, pour diriger l’organisation.
Peu après le 11 septembre, le Pentagone a confié au Rendon Group une autre grande mission : les relations publiques pour le bombardement de l’Afghanistan par les États-Unis. Rendon a également été profondément impliqué dans la planification et les relations publiques pour la guerre préventive contre l’Irak, bien que Rendon et le Pentagone refusent de divulguer les détails de leur travail là-bas.
Mais il n’est pas difficile de détecter la main manipulatrice de Rendon derrière de nombreux événements marquants de la guerre en Irak, dont le renversement de la statue de Saddam (par les troupes américaines et les associés de Chalabi) et l’enregistrement vidéo d’Irakiens jubilants agitant des drapeaux américains le long d’un défilé de la Troisième Infanterie. Rendon avait fait la même chose lors de la première guerre du Golfe, en distribuant des drapeaux américains aux Koweïtiens et en rassemblant les médias pour la manifestation orchestrée. « Où crois-tu qu’ils ont eu ces drapeaux américains ? » a gloussé Rendon en 1991. « C’était ma mission. »
Le groupe Rendon a peut-être aussi joué un rôle dans la diffusion de fausses informations et qui continue à ce jour de hanter l’administration Bush. En décembre 2002, Robert Dreyfuss a rapporté que le cercle restreint de la Maison-Blanche de Bush préférait les renseignements provenant de Chalabi et de ses associés à ceux fournis par les analystes de la CIA.
Rendon et son cercle représentaient donc un nouveau type de guerre psychologique, la privatisation de la propagande officielle. « Je ne suis pas un stratège en matière de sécurité nationale ou un tacticien militaire », a déclaré M. Rendon. « Je suis un politicien et une personne qui utilise la communication pour atteindre des objectifs de politique publique ou de politique d’entreprise. En fait, je suis un guerrier de l’information et un gestionnaire de perception. »
Qu’est-ce que la gestion de la perception ? Le Pentagone le définit ainsi : « des actions pour transmettre et/ou refuser des informations et des indicateurs sélectionnés à des publics étrangers afin d’influencer leurs émotions, leurs motivations et leur raisonnement objectif » . En d’autres termes, mentir sur les intentions du gouvernement américain. Dans une rare démonstration de franchise publique, le Pentagone a laissé diffuser son plan (développé par Rendon) pour créer une cellule de haut niveau au sein du Département de la Défense pour la gestion de la perception. Ils l’appelèrent le Bureau de l’influence stratégique et l’une de ses nombreuses missions consistait à semer de fausses nouvelles dans la presse.
Rien ne provoque plus des crises de colère feints chez les médias commerciaux qu’une note de service officielle du gouvernement qui se vante de la façon dont les médias sont manipulés à des fins politiques. Le New York Times et le Washington Post s’indignèrent donc contre le Bureau de l’influence stratégique ; le Pentagone mit fin à l’opération et la presse se réjouit de sa victoire. Pourtant, Rumsfeld déclara au corps de presse du Pentagone que pendant qu’il fermait le bureau, le même travail sournois se poursuivait. « Vous pouvez avoir le cadavre, » a dit Rumsfeld. « Vous pouvez avoir le nom. Mais je vais continuer à faire tout ce qui doit être fait. Et je l’ai fait. »
Sur le plan diplomatique, malgré les mercenaires embauchées et les fausses informations diffusées, la guerre d’image fut perdue. Elle n’a pas réussi à convaincre même les alliés les plus fervents de l’Amérique et les États dépendants que l’Irak représentait une grande menace. Elle n’a pas réussi à obtenir la bénédiction de l’ONU ni même de l’OTAN, une filiale à part entière de Washington. Au final, la soi-disant coalition des volontaires se résuma à la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, l’Australie et une cohorte d’anciens pays du bloc soviétique. Malgré cela, les citoyens des nations qui s’engagèrent aux côtés des États-Unis s’opposèrent massivement à la guerre.
Sur le plan intérieur, ce fut une autre histoire. Une population traumatisée par les menaces terroristes et une économie en ruines devint une proie facile pour le bombardement à saturation du message de Bush selon lequel l’Irak était un État terroriste lié à Al-Qaïda et était sur le point de lancer des attaques contre l’Amérique avec des armes de destruction massive.
Les Américains furent victimes d’une escroquerie sophistiquée, avec un barrage quotidien de menaces d’inflation, de distorsions, de tromperies et de mensonges, non pas au sujet de tactiques ou de stratégies ou de plans de guerre, mais au sujet des justifications de la guerre. Les mensonges ne visaient pas à embrouiller le régime de Saddam, mais le peuple américain. Au début de la guerre, 66 % des Américains pensaient que Saddam Hussein était derrière le 11 septembre et 79 % pensaient qu’il était sur le point de posséder l’arme nucléaire.
Mais le plus proche d’une arme nucléaire que Saddam ait jamais possédé était une centrifugeuse à gaz rouillée enterrée pendant 13 ans dans le jardin de Mahdi Obeidi, un scientifique irakien à la retraite. L’Irak n’avait pas d’armes chimiques ou biologiques fonctionnelles. En fait, il ne possédait même pas de missiles SCUD, malgré des rapports erronés alimentés par des propagandistes du Pentagone, alléguant qu’il avait tiré des SCUDs sur le Koweït.
Cette mascarade n’aurait pas fonctionné sans un corps de presse crédule ou complice. Victoria Clarke, qui élabora le plan du Pentagone pour les rapports intégrés [journalistes intégrés dans les unités militaires], l’exprima de façon succincte quelques semaines avant le début de la guerre : « La couverture médiatique de toute opération future façonnera dans une large mesure la perception du public. »
Pendant la guerre du Vietnam, les images télévisées des GI mutilés et des villages bombardés au napalm ont renforcé l’opposition à la guerre et ont contribué à accélérer le retrait des États-Unis. Le gang Bush avait l’intention de transformer le phénomène vietnamien en utilisant la télévision comme une force pour propulser les Etats-Unis dans une guerre dont personne ne voulait vraiment.
Ce que le Pentagone cherchait, c’était un nouveau type de guerre de salon, où au lieu de photos de soldats mutilés et d’enfants irakiens morts, ils pouvaient contrôler les images que les Américains regardaient et, dans une large mesure, le contenu des histoires. En intégrant les journalistes au sein d’unités militaires sélectionnées, Clarke croyait que le Pentagone pouvait compter sur eux pour établir des relations avec les troupes et se sentir dépendants d’eux pour leur propre sécurité. Ça a marché, naturellement. Un journaliste d’un réseau national déclara d’une voix émue devant la caméra que l’armée américaine jouait le rôle de « nos protecteurs ». Le regretté David Bloom de NBC avoua à l’antenne qu’il était prêt à faire « tout ce qu’ils nous demandaient ».
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Le "sauvetage" de Jessica Lynch
Quand le Pentagone avait besoin d’une histoire héroïque, la presse la fabriquait. Jessica Lynch devint la première célébrité instantanée de la guerre. Il s’agissait d’un récit néo-gothique d’une jeune femme blessée dans une bataille féroce, capturée et torturée par des ennemis impitoyables, et sauvée de la mort par une équipe de sauveteurs altruistes, de chevaliers en camouflage et lunettes de vision nocturne. Bien sûr, presque tous les détails de son aventure héroïque se révélèrent aussi fictifs et larmoyants que n’importe quel film de télévision. Mais l’épreuve du soldat Lynch, qui a dominé les bulletins d’information pendant plus d’une semaine, atteignit son but : détourner l’attention d’une campagne militaire qui s’embourbait et qui commençait se révéler beaucoup plus risqué que ce que qu’on avait réussi à faire croire au public.
L’histoire de Lynch fut transmise à la presse par une opération du Pentagone appelée Combat Camera, le réseau de photographes, vidéastes et rédacteurs de l’armée qui diffuse 800 photos et 25 clips vidéo par jour aux médias. Les rédacteurs de Combat Camera triaient soigneusement les images pour présenter le montage du Pentagone sur la guerre, éludant des images aussi troublantes que les dommages collatéraux, les bombes à fragmentation, les enfants et les soldats américains morts, les frappes au napalm et le mécontentement des troupes.
« Beaucoup de nos images auront un grand impact sur l’opinion mondiale » , avait prédit le Lieutenant Jane Larogue, directrice de Combat Camera en Irak. Elle avait raison. Mais comme la guerre chaude s’était transformée en une occupation encore plus chaude, le Pentagone, en dépit de la rhétorique creuse du consul de l’occupation Paul Bremer sur l’installation d’institutions démocratiques telles qu’une presse libre, a décidé de resserrer son monopole sur les images en provenance d’Irak. D’abord, il essaya de fermer Al Jazeera, la chaîne d’information arabe. Ensuite, le Pentagone laissa entendre qu’il aimerait voir toutes les équipes des télévisions étrangères bannies de Bagdad.
Peu de journaux ont attisé l’hystérie au sujet de la menace posée par les armes de destruction massive de Saddam aussi séditieusement que le Washington Post. Dans les mois qui précédèrent la guerre, le nombre d’articles en faveur de la guerre étaient trois fois plus nombreux que ceux contre.
En 1988, le Post avait une opinion très différente de Saddam et de ses armes de destruction massive. Lorsque les rapports sur le gazage des troupes iraniennes se sont répandus, la page éditoriale du Washington Post ignora les massacres, qualifiant les empoisonnements de masse de « anomalie de guerre ».
L’équipe de Bush fit preuve d’une amnésie similaire. Lorsque l’Irak utilisa des armes chimiques lors d’attaques macabres contre l’Iran, le gouvernement américain non seulement ne s’y opposa pas, mais encouragea Saddam. Le message de la Maison Blanche était que tout était bon pour punir l’Iran. Donald Rumsfeld lui-même fut envoyé à Bagdad en tant qu’envoyé personnel du président Ronald Reagan. Rumsfeld transmit le message qu’une défaite de l’Irak serait considérée comme un « revers stratégique pour les Etats-Unis ». Cette alliance sordide fut scellée par une poignée de main enregistrée sur vidéo. Lorsque le journaliste de CNN Jamie McIntyre rediffusa les images de Rumsfeld au printemps 2003, le secrétaire à la Défense répliqua sèchement : « Où avez-vous trouvé ça ? A la télévision irakienne ? »
La clique actuelle de faucons aussi voyait Saddam d’une façon très différente à l’époque. Prenons Laura Mylroie, ex-collègue de Judy Miller du New York Times, qui persiste à colporter la conspiration ridicule selon laquelle l’Irak est à l’origine de l’attentat à la bombe de 1993 contre le World Trade Center.
Comme les temps ont changé ! En 1987, Mylroie se sentait carrément câline envers Saddam. Elle écrivit un article pour New Republic intitulé « Back Iraq : Time for a U.S. Tilt in the Mideast », soutenant que les États-Unis devaient publiquement embrasser le régime laïc de Saddam comme un rempart contre les fondamentalistes islamiques en Iran. Le co-auteur de cet envoûtant tissu de délires n’était autre que Daniel Pipes, peut-être l’islamophobe le plus belliqueux de la nation. « Les armes américaines dont l’Irak pourrait faire bon usage comprennent des mines antipersonnel et des radars de contre-artillerie », écrivirent Mylroie et Pipes. « Les États-Unis pourraient aussi envisager d’améliorer les renseignements qu’ils fournissent à Bagdad. »
Lors des préparatifs de la guerre, Mylroie semblait être partout en même temps en train de défendre l’invasion de l’Irak. Elle apparaissait souvent sur deux ou trois chaînes de télévision différentes dans la même journée. Comment réussit-elle un tel exploit ? Avec l’aide d’Eleana Benador, la gourou du placement média qui dirige Benador Associates. Née au Pérou, Benador a transformé ses compétences de linguiste en une carrière lucrative comme spécialiste des relations avec les médias pour l’élite de la politique étrangère de Washington. Elle supervise également le Middle East Forum, une usine à produire des rapports pro-sioniste et fanatique. Elle compte parmi ses clients certains des faucons les plus fervents du pays, notamment Michael Ledeen, Charles Krauthammer, Al Haig, Max Boot, Daniel Pipes, Richard Perle et Judy Miller. Pendant la guerre d’Irak, Benador avait pour mission d’intégrer cet escadron de fanatiques pro-guerre dans les médias nationaux, les talk-shows et les pages d’opinion.
Benador réussit non seulement à les placer, mais aussi à créer le thème et s’assurer qu’ils répètent fidèlement le message. « Il y a des choses qu’il faut simplement formuler d’une manière différente, d’une manière légèrement différente, » a dit Benador. « Sinon, les gens ont peur. » Peur des intentions de leur propre gouvernement.
Les choses auraient pu être différentes. Toutes les lacunes dans les arguments de l’administration Bush en faveur de la guerre étaient présentes et les grands médias auraient pu les dénoncer. Au lieu de cela, la presse américaine, tout comme les compagnies pétrolières, chercha à commercialiser la guerre en Irak et à profiter des invasions. Ils ne voulaient pas aborder des faits dérangeants ou présenter des voix dissidentes.
Rien ne résume mieux cette approche servile que le limogeage par MNBC de l’animateur progressiste Phil Donahue à la veille de la guerre. La chaîne remplaça le Donahue Show par une émission appelée Countdown : Iraq, [Irak : Compte à rebours] mettant en vedette la coterie nocturne habituelle de généraux à la retraite, d’agents des services de renseignement et autres pom-pom girls pour l’invasion. Les dirigeants de la chaîne attribuèrent l’annulation de l’émission de Donahue à une baisse d’audience. En réalité, l’émission de Donahue attirait plus de téléspectateurs que n’importe quelle autre émission de la chaîne. La véritable raison de la frappe préventive contre Donahue fut expliquée dans une note de service interne des dirigeants anxieux de NBC. Donahue, dit le mémo, offrait « un visage difficile pour NBC en temps de guerre. Il semble se plaire à présenter des invités qui sont anti-guerre, anti-Bush et sceptiques quant aux motivations de l’administration ».
Le mémo avertissait que l’émission de Donahue risquait de faire passer MSNBC comme une chaîne anti-patriotique, « un foyer pour un programme anti-guerre progressiste au moment même où nos concurrents agitent le drapeau à chaque occasion ». Alors, sans hésiter, les dirigeants de MSNBC se débarrassèrent de Donahue et hissèrent le drapeau de la bataille.
C’est la guerre qui se vend.
Ce qui pose un sacré problème car, une fois achetée, les marchands de guerre n’acceptent aucun retour.
Jeffrey St. Clair 


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